Musique et données
De la recherche aux usages

Écologie de la musique numérique

Mesurer les flux pour déverrouiller les choix

Par Vincent Lostanlen
Publié le 15 juin 2023
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Vincent Lostanlen est chargé de recherche au CNRS, affilié au Laboratoire des sciences du numérique de Nantes (LS2N) et chercheur invité au Music and Audio Research Laboratory de l’université de New York. Il est membre du groupement de service CNRS « Écoinfo : pour une informatique éco-responsable ».



Résumé

Il est temps de renoncer à l’utopie d’une musique intégralement disponible, pour tout le monde, partout, tout de suite. Au contraire, le flux audio musical est matérialisé dans ses objets, limitédans ses architectures de choix, et situégéographiquement. Le streaming suppose un certain consumérismede haute technologie, ainsi qu’un certain imaginaire politique et urbanistique appelé « productivisme des flux ». Cependant, l’attachement affectif à la musique pourrait, à l’avenir, évoluer en une culture critique des infrastructures audibles qui la sous-tendent dans sa forme technique présente. Pour cela, il nous faut lier musique et écologie en termes de responsabilitémais aussi de contraintes: sur les matériaux, les flux, les énergies, les déchets et, in fine, les imaginaires.


Introduction

Dans son livre Decomposed. The Political Ecology of Music, le musicologue Kyle Devine montre que, depuis l’an 2000 environ, la musique enregistrée vit une troisième ère de matérialité : celles des données (data), après celle du shellac1Le shellac, aussi appelé gomme-laque ou E904, est un agent de texture issu de la sécrétion d’une cochenille asiatique. La gomme-laque a été à la base de l’industrie du disque 78 tours ; elle fut remplacée progressivement par les plastiques synthétiques (bakélite, puis vinyle en 1938). (1900-1950) et celle du plastique (1950-2000). Or, Devine insiste sur le fait que la numérisation (parfois improprement nommée « digitalisation ») de la musique n’implique pas sa dématérialisation. Le système technique qui stocke et achemine les paquets2Dans le domaine des réseaux, un paquet est un petit segment d’un message plus important. Les données envoyées sur les réseaux informatiques, tels qu’Internet, sont divisées en paquets. Ces paquets sont ensuite recombinés par l’ordinateur ou le dispositif qui les reçoit. Internet est bel et bien un « support physique » pour la diffusion en flux ; seulement, il est quasi invisible pour l’utilisateur final. D’après Devine, la confusion entre numérique et immatériel relève du piège rhétorique (rhetorical trap) car elle sert à masquer le fait que l’industrie du streaming est complice de dégâts environnementaux et sociaux multiples, ayant trait aux ressources matérielles, au travail humain, à l’énergie, et à la pollution. Mais Devine ajoute que « les détails et l’ampleur de cette complicité demeurent largement inconnus3Devine K., Decomposed. The Political Ecology of Music, Cambridge, MIT Press, 2019, p. 133. Toutes les citations en français qui apparaissent dans cet article ont été traduites de l’anglais par l’auteur. ».

Cet article dresse un panorama des enjeux écologiques de la musique numérique, avec une attention particulière pour son mode de diffusion en flux (streaming). Notre propos se résume ainsi : il est temps de renoncer à l’utopie d’une musique intégralement disponible, pour tout le monde, partout, tout de suite. Au contraire, le flux audio musical est matérialisé dans ses objets, limité dans ses architectures de choix, et situé dans l’espace géographique. L’abonnement au streaming n’est pas réductible à un choix de consommation individuel. En termes sociologiques, ce n’est pas un « style de vie » mais un « mode de vie », ancré dans un système de valeurs et de normes4Flipo F., L’impératif de la sobriété numérique. L’enjeu des modes de vie, Paris, Éditions matériologiques, 2020.. Ainsi, les dégâts écologiques du streaming ne seront pas réduits par des gains d’efficacité – tels que peuvent le laisser espérer de meilleurs algorithmes de codage audio, par exemple. Plutôt que de chercher des solutions dans l’innovation technologique, il est plus utile de bâtir des scénarios crédibles de planification. Cependant, nous verrons qu’une démarche d’enquête visant à quantifier l’impact du streaming musical en unités physiques (volume de matière déplacée, puissance électrique, quantité de gaz à effet de serre) se heurte à des incertitudes de toute sorte. Pour sa plus grande part, la comptabilité écologique de la musique d’aujourd’hui reste à inventer.

Au fil de cet article, nous prendrons à plusieurs reprises le cas de l’entreprise française Deezer comme exemple de plateforme de streaming musical. Ceci ne doit pas être compris comme un recueil d’éléments à charge et à décharge, mais simplement comme un souci de cohérence dans l’argumentation. Bien que Deezer soit un acteur emblématique du streaming en tant que leader sur le marché français, l’essentiel de notre propos peut être transposé, mutatis mutandis, aux autres entreprises spécialisées du secteur (Pandora, Qobuz, Spotify, Tidal), ainsi qu’à certains produits des « Big Tech » (YouTube Music, Apple Music, Amazon Music).

Du vinyle au CD (1980-2000) : l’ère du plastique

Écotoxicité des disques compacts

À première vue, la disponibilité des titres en ligne, que ce soit par la voie du téléchargement ou la voie du streaming, est une bonne nouvelle pour l’écologie ; elle a fait chuter la demande en disques compacts, ce qui explique que les chiffres de vente de ceux-ci soient en baisse depuis 2000. Or, la galette d’un disque compact contient des métaux lourds ainsi que du polycarbonate, un plastique dérivé du bisphénol A (BPA). D’après l’Ademe, la France ne prévoit pas de filière de valorisation des déchets en polycarbonate : « Déposés en déchèterie ou jetés à la poubelle, les CD et DVD suivent l’une des filières d’élimination des ordures ménagères : ils sont incinérés (avec le plus souvent récupération de chaleur pour produire de l’énergie) ou enfouis en installation de stockage de déchets5Ademe, « Que faire de mes déchets ? CD-ROM », en ligne : quefairedemesdechets.ademe.fr/dechet/cd-rom.. »

La durée de dégradation de la résine polycarbonate est de l’ordre d’un million d’années, et l’Agence européenne pour l’environnement classe désormais le BPA comme une « substance extrêmement préoccupante » pour la santé animale et humaine6« Pourvoi – Établissement d’une liste des substances soumises à autorisation – Liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 – Mise à jour de l’inscription de la substance bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante », Cour de justice de l’Union européenne, ECLI:EU:C:2021:1047, 21 décembre 2021.. Le risque de dispersion du BPA dans la biosphère est donc réel et, en attendant un remède biotechnologique à l’écotoxicité du polycarbonate7Brown M. S., Somma L., Mendoza M., Noh Y., Mahler G. et Koh A., « Upcycling compact discs for flexible and stretchable bioelectronic applications », Nature Communications, vol. 13, article no 3727, juin 2022, en ligne : www.nature.com/articles/s41467-022-31338-9., nous devons méditer sur l’avenir des disques compacts qui prennent la poussière sur nos étagères. D’après une estimation de 2007, il y en aurait deux cents milliards, tous usages confondus8« Compact disc hits 25th birthday », BBC News, 17 août 2007, en ligne : news.bbc.co.uk/2/hi/technology/6950845.stm..

L’effet rebond du plastique

Pour comprendre les défis qui attendent le streaming aujourd’hui, un regard historique sur la transition du disque analogique (vinyle) vers le disque numérique (CD) est riche d’enseignements. S’il est difficile d’estimer le nombre de disques et cassettes audio en circulation sur le marché mondial, le marché états-unien est, lui, quantifiable grâce aux données de la Recording Industry Association of America (RIAA)9« U.S. Sales Database », Recording Industry Association of America (RIAA), en ligne : www.riaa.com/u-s-sales-database.. En connaissant la masse de plastique contenue dans chaque format10140 g dans un disque vinyle « LP » (12 pouces ; on néglige le cas des vinyles de 180 g), 42 g dans un vinyle « single » (7 pouces), 32 g dans une cassette audio, 22 g dans une cartouche « Stereo 8 », 16 g dans un disque compact (12 cm ; on néglige le cas de certains CD dits « single » de 8 cm)., on convertit les quantités mises sur le marché en kilotonnes de plastique, puis on les regroupe en trois catégories : vinyles, cassettes et disques compacts. La figure 1 montre la masse totale de plastique résultante.

On constate alors que l’industrie phonographique états-unienne a amélioré son efficacité de codage. Entre 1975 et 2000, elle a multiplié le nombre d’unités vendues par deux, tous formats confondus, tout en réduisant de moitié la quantité de plastique nécessaire à la gravure audio. Mais cette amélioration masque une autre rupture historique. Les cassettes et disques compacts ne furent, pour la plupart, pas emballés dans des pochettes cartonnées, comme pour les vinyles : ils étaient conditionnés dans des boîtes rigides en polystyrène, dites jewel case11La masse de plastique dans ces boîtes peut varier. Nous l’estimons à 30 g pour la cassette audio et à 60 g pour le CD. Nous négligeons les pochettes CD en carton et les emballages dits longbox.. On peut alors reprendre la première figure en incluant la masse estimée des emballages (voir figure 2).

Même si les chiffres obtenus ne sont qu’approximatifs, en raison de variations non répertoriées dans les emballages, l’allure de la courbe est éloquente. Dès 1986, la masse totale de plastique consommé repart à la hausse jusqu’à approcher les 90 kilotonnes en 2000, durant le pic de vente du CD. On aboutit à ce que les économistes appellent un « effet rebond » ou paradoxe de Jevons : les gains d’efficacité (usage du plastique) permis par une nouvelle technologie (disque compact) ont été perdus par la réorganisation de la filière (abandon des pochettes cartonnées). C’est donc le paradoxe de la musique enregistrée que de n’avoir jamais autant distribué de matières fossiles que dans des formats dits « compacts », disques ou cassettes.

Du CD au streaming (2000-2020) : l’ère des données

Bilan énergétique des objets connectés

Le travail rétrospectif sur la transition du vinyle au CD doit nous mettre en garde sur la présence de possibles facteurs cachés dans l’impact environnemental du streaming. Il est indéniable que la circulation massive de fichiers MP3 à partir de l’an 2000 a mis un coup d’arrêt à la dispersion des plastiques nocifs (polycarbonates et PVC principalement) contenus dans les disques – malgré un « retour du vinyle » vers 2010 et une amorce de « retour du CD » à partir de 2021.

Mais, pendant ce temps, la disponibilité de forfaits Internet illimités a transformé en profondeur le mode de vie des Français. S’agissant de la musique, ce nouveau mode de vie s’incarne dans un type particulier d’objet : le baladeur numérique, dont le modèle emblématique est l’iPod d’Apple (2001).

Nous sommes depuis entrés dans une ère de « consumérisme des objets-médias », c’est-à-dire d’achats répétés d’objets de haute technologie susceptibles de nous faire accéder au même contenu culturel12Dans le cas de la musique, on pourrait faire observer que ce processus d’achats répétés était déjà au cœur de la stratégie des éditeurs phonographiques au long du XXe siècle ; les mêmes œuvres étant commercialisées au format 78 tours, puis 45 tours, puis 33 tours, puis CD. À ce sujet, lire : Tournès L., Du phonographe au MP3. Une histoire de la musique enregistrée, XIX-XXIe siècle, Paris, Autrement, 2008.. Or, pour intégrer le coût énergétique de ces objets, il faut inclure l’énergie nécessaire à leur fabrication, leur transport, et éventuellement leur recyclage. Dans le cas du numérique, cette énergie intrinsèque, ou « énergie grise », représente neuf fois l’énergie consommée sous forme électrique durant l’utilisation de l’appareil13Ferrebœuf H., Berthoud F., Bihouix P., Fabre P., Kaplan D., Lefèvre L., Monnin A., Ridoux O., Vaija S., Vautier M., Verne X., Ducass A., Efoui-Hess M. et Kahraman Z., « Pour une sobriété numérique », rapport d’un groupe de travail sous la direction d’Hugues Ferrebœuf, The Shift Project, 4 octobre 2018, en ligne : theshiftproject.org/article/pour-une-sobriete-numerique-rapport-shift..

Figure 1. Masse de plastiques contenus dans les vinyles (bleu),  cassettes (violet), et disques compacts (vert) mis sur le marché états-unien annuellement. Estimation excluant les emballages. Source : RIAA.
Figure 2. Masse de plastiques contenus dans les vinyles (bleu), cassettes (violet), et disques compacts (vert) mis sur le marché états-unien annuellement. Estimation incluant les emballages. Source : RIAA.

À ce jour, nombre d’objets dits « connectés » ou « intelligents » sont capables de télécharger puis décoder des données MP3, et donc de servir de terminal pour la diffusion en flux. Dans sa déclaration de performance extrafinancière de 2021, l’entreprise française de streaming Deezer écrit :

Deezer propose également une offre de service financée par la publicité, entièrement gratuite pour le consommateur. Toute personne disposant d’un accès Internet peut ainsi avoir accès à l’intégralité du catalogue musical de Deezer et à la plupart des fonctionnalités existantes de l’application. Afin d’améliorer l’expérience utilisateur, l’application présente l’atout unique d’être intégrée aux appareils de plus de 80 marques grand public, permettant aux utilisateurs d’écouter leur contenu préféré sur des enceintes intelligentes, des assistants vocaux, des montres ou des téléviseurs intelligents, des voitures connectées, des smartphones, des ordinateurs portables et des tablettes14« Déclaration de performance extrafinancière 2021 », Deezer, en ligne : e-cdn files.dzcdn.net/pdfs/legal/ DPEF2021.pdf.

De prime abord, cette démarche paraît louable, car elle sous-entend que l’utilisateur n’a pas besoin d’acquérir du matériel spécifique : il peut utiliser l’appareil qu’il possède déjà. Mais, en réalité, il est impensable de souscrire à un service de diffusion en flux et de se servir du même appareil de lecture ad vitam aeternam – comme un iPhone de première génération (2007). Pour cause, au-delà des plateformes de streaming, l’intégralité du secteur du numérique grand public est habitée par une stratégie commerciale d’obsolescence. L’objet phare de cette stratégie, dont l’usage commande tous les autres, est le smartphone (ou ordiphone15Ordiphone est l’un des termes recommandés par l’OQLF pour smartphone).

Pourquoi racheter un smartphone ?

Le livre de la philosophe Jeanne Guien, Le consumérisme à travers ses objets16Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, Paris, Divergences, 2021., consacre un chapitre au smartphone en tant que dispositif marchand pivot du numérique. D’après elle, « les marques mettent le renouvellement rapide des modèles au centre de leur modèle économique ». Et, de fait, 63 % des détenteurs de smartphones en France ont un appareil quasi neuf : de deux ans ou moins17« Renouvellement des terminaux mobiles et pratiques commerciales de distribution. Éléments de réflexion », Arcep, rapport commandé par le Gouvernement français, juin 2021, p. 27.. Ce chiffre monte à 69 % parmi les souscripteurs d’offres subventionnées par les opérateurs téléphoniques. Le modèle économique d’Apple, qui propose une offre semblable (« iPhone Upgrade Program »), « n’est pas conçu pour accompagner ses clients dans le temps continu de l’usage, mais dans le temps séquencé du rachat », écrit l’autrice18Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, op. cit., p. 157..

Jeanne Guien déplore pourtant que le débat sur l’obsolescence en France se soit enlisé dans « une avalanche de faux problèmes », à commencer par celui de chercher à en produire une typologie exhaustive, à l’instar de l’« obsolescence fonctionnelle » (l’innovation technologique élabore un nouveau produit qui répond mieux aux besoins) contre l’« obsolescence du style » (le produit paraît soudain ringard)19Ibid., p. 148.. Ces catégories remontent au moins aux années 1960 et à l’ouvrage du sociologue Vance Packard, L’art du gaspillage20Packard V., L’art du gaspillage, trad. R. Mehl, Paris, Calmann-Lévy, 1962.. Or, le commerce des smartphones fait l’objet de multiples stratégies d’obsolescence, tant techniques que psychologiques, qui s’enchevêtrent et se renforcent mutuellement. La plus visible d’entre elles consiste à sortir fréquemment de nouveaux modèles numérotés (34 iPhone à ce jour, en attendant l’iPhone 15), assortis de superlatifs (Plus, Max, Pro), de tailles et de coloris toujours changeants.

Le rachat fréquent de smartphones n’a pas uniquement un effet esthétique. La mise en vente de nouveaux matériels entérine des ruptures de compatibilité fréquentes, notamment pour ce qui est des systèmes d’exploitation. Par exemple, la version actuelle de l’application mobile Deezer (9.29.1) ne peut être installée que sur un système d’exploitation iOS 15 ou Android 6. Or, iOS 15, sorti en juin 2021, ne peut à son tour être installé qu’à partir de l’iPhone 6s, sorti en septembre 2015. Réciproquement, les acheteurs d’iPhone 2G jusqu’à l’iPhone 6, commercialisés neufs de juin 2007 à septembre 2018, voient leurs appareils déclarés obsolètes. Un raisonnement du même type pourrait être mené pour les appareils Android. Voici un extrait du forum d’assistance de Deezer, tout à fait représentatif du discours des plateformes de diffusion de contenu dans leur ensemble :

« Pourquoi est-ce que je reçois des messages/emails pour mettre mon application à jour ? »

Pour vous permettre de profiter pleinement de votre application Deezer sur mobile, nous pouvons vous envoyer un message ou un email vous invitant à mettre à jour votre application. Nous encourageons toujours les utilisateurs à utiliser la dernière version afin d’améliorer la sécurité et la performance de l’application Deezer.

« Que faire si je ne peux pas mettre à jour mon application parce que mon appareil est trop vieux ou n’est pas compatible ? »

Vous pourrez toujours utiliser des versions plus anciennes de l’application Deezer déjà installées sur votre appareil. Toutefois, elles pourront avoir certaines limitations telles qu’une moins bonne qualité audio. Attention : seule la dernière version de Deezer s’affichera dans votre App Store. Vous ne pourrez pas trouver ni noter les versions plus anciennes de l’application Deezer. Par conséquent, si vous désinstallez une version antérieure, vous ne pourrez pas la restaurer21« Pourquoi dois-je mettre mon application Deezer à jour ? », Deezer, 2022, en ligne : support.deezer.com/hc/fr/articles/360013577457..

Les auditeurs sont donc priés de se mettre au pas des « améliorations de sécurité et de performance » en achetant un nouvel appareil.

Après la numérisation, un risque de gaspillage

La preuve est faite : contrairement aux baladeurs MP3 hors ligne tels que l’iPod, et a fortiori, aux platines vinyles ou CD, le streaming a écourté le cycle de vie des appareils de lecture. Bien sûr, les smartphones offrent une grande diversité d’usages au-delà de la restitution de la musique en flux. Il est donc difficile de se prononcer sur la part de l’impact environnemental des smartphones qui doit être imputée au secteur musical. Mais le fait que le streaming – une technologie logicielle maîtrisée depuis plus de quinze ans – déclare des ruptures de compatibilité sur des appareils écoulés à des milliards d’exemplaires signale une faiblesse quant à la soutenabilité de la filière audionumérique dans son ensemble.

Précédemment, nous avons vu que l’âge du CD a augmenté la consommation de plastique globale par rapport au vinyle, notamment à cause des emballages. De même, il est à craindre que l’âge du streaming soit celui d’un gaspillage de matière et d’effort. Non pas que le format lui-même soit plus polluant, au contraire : puisqu’il n’a plus besoin d’un moteur pour faire tourner le disque, le recours aux fichiers de type MP3 représente un gain d’efficacité, toutes choses égales par ailleurs. Mais le streaming, dans sa forme contemporaine, nous oriente vers des usages plus dispendieux (télécharger le même contenu à répétition), vers un rachat d’appareils fréquent (pour « profiter pleinement » du service ou simplement parce qu’ils sont fragiles et difficilement réparables) ; et, par suite, vers une opacification des dommages écologiques et sociaux de l’industrie de la musique enregistrée.

Une étude récente de l’Ademe a mené une analyse du cycle de vie (ACV) pour les marchandises numériques de l’industrie culturelle et a conclu que « si certains équipements récents peuvent être plus légers et moins gourmands en énergie (exemple : enceinte connectée qui représente des impacts plus faibles que la chaîne hi-fi), la multiplication des équipements (smartphone couplé à un casque, une enceinte, une chaîne hi-fi…) entraîne nécessairement une augmentation des impacts22Meyer J. (Ademe), Nico T., Burguburu A., Rigal M., Lizon-A-Lugrin B., Génin L., Catalan C., Adam I. (I Care), « Évaluation de l’impact environnemental de la digitalisation des services culturels », synthèse, I Care pour le compte de l’Ademe, 2022. ». On retrouve donc l’enjeu du consumérisme des objets-médias au cœur de l’écologie des flux de données audio.

La musique numérique, une industrie lourde

Tensions géopolitiques sur les « métaux rares »

Les Français sont insuffisamment informés de l’implication des technologies numériques sur la crise environnementale23Flipo F., Deltour F., Dobré M. et Michot M., Peut-on croire aux TIC vertes ? Technologies numériques et crise environnementale, Paris, Presses des Mines, 2012.. Dans le cas de la musique numérique comme dans d’autres, cette implication est d’une grande complexité : loin d’être un simple service, elle repose sur une économie des biens de haute technologie qui met en jeu des procédés industriels lourds. En 2013, les smartphones Nokia et leurs batteries comptaient déjà 34 métaux différentsMüller A., « The chemistry of the mobile phones Nokia Nuron 5230, Nokia 5130 and Sony Ericsson W595 », rapport du service géologique norvégien (NGU), no 2013.026, 2013.. Or, une étude récente de l’institut Fraunhofer prévoit que, pour 11 d’entre eux, la production actuelle ne suffira pas pour couvrir la demande générée par certaines technologies émergentes d’ici 204024Maisel F., Marscheider-Weidemann F., Langkau S., Baur S.-J., Billaud M., Deubzer O., Eberling E., Erdmann L., Haendel M., Krail M., Loibl A., Marwede M., Neef C., Neuwirth M., Rostek L., Rückschloss J., Shirinzadeh S., Stijepic D., Tercero Espinoza L. et Tippner M., résultats de l’étude « Rohstoffe für Zukunftstechnologien 2021 », Berlin, DERA Rohstoffinformationen, no 50, 2021.. En particulier, le lithium qui sert à fabriquer les batteries de smartphones, mais aussi les batteries dites « à électrolyte solide » des véhicules électriques. Un autre exemple éloquent est celui du ruthénium : il entre dans la composition des magnétorésistances géantes (GMR), une technologie quantique pour la lecture de disques durs à haute densité d’information. L’étude citée anticipe une demande annuelle en ruthénium de 630 tonnes en 2040, contre une production annuelle en 2018 de 12 tonnes.

Dans La numérisation du monde, le philosophe Fabrice Flipo précise que « la réactivité du domaine minier est faible », ce qui accroît le risque de pénurie25Flipo F., La numérisation du monde. Un désastre écologique, Paris, L’Échappée, 2021.. Par ailleurs, compte tenu des tensions déjà présentes quant à l’accès à certains métaux rares26Pitron G., La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, Paris, Les Liens qui libèrent, 2018., une reconfiguration du marché de l’électronique dans son ensemble paraît donc inévitable, même si le rôle qu’y joueront les industries de l’audiovisuel n’est pas encore déterminé. Si cette reconfiguration est mal anticipée, la pénurie brutale causera des ruptures de compatibilité et donc accélèrera le processus d’obsolescence. C’est pourquoi la question du marché des métaux rares est cruciale pour comprendre les défis écologiques du secteur numérique, notamment des terminaux de streaming.

L’ACV d’un objet numérique révèle que ses dégâts environnementaux ne commencent pas à l’usage, ni même dans les fonderies de l’industrie microélectronique, mais dès l’extraction minière. D’après l’association The Shift Project, le volume de matière déplacée pour acquérir ces métaux est 40 fois supérieur au volume de produit final27Ferrebœuf H. et al., « Pour une sobriété numérique », art. cité., ce qui implique une perturbation sévère des cycles biogéochimiques sur de longues échelles de temps. Dans le cas des enceintes connectées, par exemple, la plupart des microphones et haut-parleurs ont besoin de matériaux issus de « terres rares » comme le néodyme et le dysprosium. De même, les connecteurs audio sont plaqués avec des métaux précieux tels que le palladium, le platine et l’or.

Extractivisme minier, minerais de conflits et droits humains fondamentaux

Un autre élément chimique fortement demandé par l’industrie électronique est le tantale, qui permet de construire les condensateurs miniaturisés des smartphones. Or, la production actuelle repose principalement sur les mines de colombo-tantalite (coltan) en République démocratique du Congo. À ce sujet, Jeanne Guien écrit :

Pendant la guerre du Kivu, tous les partis en jeu se sont livrés à l’exploitation des mines de coltan, étain ou or, pour les mettre sur le marché de la téléphonie mobile et se fournir en armes. Depuis, l’extraction est restée militarisée et le travail souvent forcé. L’association Free The Slaves rapportait en 2011 et 2013, suite à des enquêtes de terrain et des centaines d’entretiens au Kivu, que les marchés de coltan (tantale), du [sic] wolframite (tungstène) ou de la cassiérite [sic] (étain) reposaient sur diverses formes d’esclavage d’adultes et d’enfants : esclavage pour dette, travail forcé, esclavage sexuel, péonage. […] L’association rapportait également des cas d’esclavage dans les mines d’or ghanéennes28Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, op. cit., p. 179..

Grâce au travail d’associations comme Free The Slaves ou Gouvernance et Paix29Observatoire Gouvernance et Paix : observatoire-securite-privee.org/fr/content/observatoire-gouvernance-et-paix-ogp, le Parlement européen a voté un règlement « fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque30« Règlement fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque », Parlement européen, 2017. ». Celui-ci est entré en vigueur le 1er janvier 2021. On constate ici qu’une enquête sur les enjeux écologiques d’une certaine technologie (le streaming musical) révèle, en progressant, des enjeux politiques et sociaux qui leur sont indissociables. C’est tout le sens d’une démarche « technocritique » en sciences sociales que de signaler les continuités entre défense du vivant non humain et défense de la vie humaine face à l’organisation technique du travail.

Dans les usines, la stratégie de l’obsolescence humaine

Dans la chaîne de production des smartphones, les atteintes à la dignité humaine ne s’arrêtent pas à l’extraction des minerais. L’entreprise taïwanaise Foxconn, officiellement Hon Hai Precision Industry Company, est un sous-traitant d’Apple via ses filiales iDPBG et iDSBG. Sa plus grande « ville-usine », le Longhua Science and Technology Park, est située à Shenzhen, près de Hong Kong. C’est là qu’à partir de 2010, les sociologues Jenny Chan et Pun Ngai ont enquêté sur des cas d’ouvriers se défenestrant depuis leurs ateliers. Ces « suicides-révoltes » (suicides as protest), écrivent-elles, sont le signe que « des marques internationales de premier plan ont adopté des pratiques de sous-traitance non éthiques, d’où des conditions de travail déplorables dans leur chaîne d’approvisionnement en composants électroniques31Chan J. et Pun N., « Suicide as protest for the new generation of Chinese migrant workers. Foxconn, global capital, and the State », The Asia-Pacific Journal. Japan Focus, vol. 8, no 2, septembre 2010.. » Pour étayer les revendications de Chan et Pun, l’organisation étudiante SACOM (Students and Scholars Against Corporate Misbehavior) a recueilli des témoignages directs de travailleurs, dont certains ont récemment été traduits en français dans l’ouvrage collectif La machine est ton seigneur et ton maître32Chan J., Lizhi X. et Yang, La machine est ton seigneur et ton maître, Paris, Agone, 2022..

Ainsi, aux obsolescences techniques et psychologiques de la musique numérique, s’ajoute l’« obsolescence humaine », un concept étudié dès 1956 par le philosophe technocritique Günther Anders33Anders G., Die Antiquiertheit des Menschen, Munich, Beck, 1956.. Commentant les rapports de SACOM, Jeanne Guien34Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, op. cit., p. 177. affirme que « l’importance accordée à la date de sortie des nouveaux modèles implique un agenda de commandes très serré », d’où « le sentiment d’être dominé par la vitesse des machines et non par des normes de travail humaines ». D’après Vicky Xiuzhong Xu35Xu V., Cave D., Leibold J., Munro K. et Ruser N., « Uyghurs for Sale. “Re-education”, forced labour and surveillance beyond Xinjiang », Australian Strategic Policy Institute, 1er mars 2020, en ligne : www.aspi.org.au/report/uyghurs-sale., journaliste affiliée à l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), le discours sur l’obsolescence des objets numériques sert à persécuter les minorités turciques et musulmanes de la province du Xinjiang : les Kazakhs, Ouzbeks, Kirghizes, Tatars et Ouïghours. Jeanne Guien résume ainsi le rapport de l’ASPI :

Huawei, Apple, Samsung, Sony, Nokia, Xiaomi, HTC ou encore LG sont accusées de se fournir et/ou de s’être fournies chez des fabricants chinois qui bénéficient [de leur] travail forcé. Il est estimé qu’entre 2017 et 2019, au moins 80 000 Ouïghours détenus par l’État chinois dans des « camps de rééducation » ont été envoyés travailler hors de leur région, dans des usines de sous-traitance textile, automobile ou électronique […] En plus de ce système de « détention extrajudiciaire », l’État chinois a mis en place des programmes de « réduction de la pauvreté » et d’« aide industrielle au Xinjiang » consistant à déplacer une partie de la population de cette région, notamment de jeunes Ouïghours ruraux, pour travailler dans des contextes militarisés, à très bas salaire, parfois rien, à titre de « travailleurs ruraux surnuméraires » et d’« ouvriers offerts par l’État chinois ». […] Dans les discours étatiques, universitaires ou médiatiques, un peuple décrit comme « arriéré » et « pauvre » est appelé à rejoindre la « modernité » et les « valeurs matérielles » par des processus de « rééducation » et de « formation » au travail en usine. D’autres documents officiels, cependant, assument explicitement que les transferts forcés de travailleurs permettent de « réduire les coûts du travail »36Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, op. cit., p. 181-182..

Kyle Devine partage le même constat : dès les années 1950, « la musique (via la radio) fut un acteur clé dans l’établissement des idées de l’obsolescence programmée et de l’obituaire (death-dating) dans l’industrie de l’électronique grand public37Devine K., Decomposed, op. cit., p. 142.». Il dresse une comparaison avec le temps présent : « les appareils numériques [musicaux] vont et viennent à un rythme encore plus rapide que leurs aînés. La logique temporelle accélérée de l’électronique contemporaine est enracinée dans une conjoncture industrielle et culturelle qui réclame des mises à jour logicielles constantes et insiste sur la nouveauté38Ibid. ». Ainsi, il considère que le cas de Foxconn « n’est que l’exemple le plus tristement célèbre d’un problème bien plus large39Ibid., p. 142. ». S’appuyant sur les recherches de Jack Linchuan Qiu, professeur à l’université de Singapour, il conclut : « si les usines de pressage de disques, durant l’ère du shellac et l’ère du plastique, furent des lieux d’inégalité sociale et d’exploitation humaine, l’assemblage pour l’électronique numérique dans des lieux tels que la Chine demeure véritablement glaçant40Ibid., p. 142-143. ».

Productivisme des flux

Quand le B2B s’ajoute au B2C

Pendant ce temps, les plateformes de streaming nient l’ampleur de leur implication dans les dommages actuels, et les risques futurs, relatifs à la numérisation des contenus culturels. Dans la déclaration de performance extrafinancière de Deezer, on peut lire :

Si les activités de notre groupe ne présentent, de par leur nature, qu’un impact limité sur l’environnement, les considérations écologiques sont néanmoins au cœur de nos réflexions dans la définition de notre stratégie et la gestion de notre activité au quotidien41« Déclaration de performance extrafinancière 2021 », Deezer, art. cité..

Éthiquement parlant, cette phrase témoigne d’une conception de la consommation que l’on pourrait qualifier d’instrumentaliste, en ceci qu’elle réduit l’existence des objets techniques au seul temps de leur usage. Cette conception est licite, bien entendu, du point de vue des conditions générales d’utilisation (CGU) du service : le « Service Deezer » (gratuit ou premium), y lit-on, est « constitué du site Internet et de ses applications pour ordinateur, tablette, et mobile42« Conditions générales d’utilisation », Deezer, décembre 2022, en ligne : www.deezer.com/legal/cgu. ». Mais elle pose problème au niveau, plus global, de la planification écologique d’un pays comme la France. Pour cause, elle fait reposer intégralement sur l’« abonné » la responsabilité de verdir l’énorme infrastructure matérielle qui les relie au « service ». Voici l’article 3 des CGU du service premium :

L’utilisation du Service Deezer Premium nécessite une connexion à Internet haut débit et à Internet mobile le cas échéant pour les appareils portables compatibles. Il est précisé que ces connexions ne sont pas prises en charge par Deezer, il appartient par conséquent à l’Abonné de souscrire préalablement à une offre Internet haut débit et/ou Internet mobile pour pouvoir utiliser le Service Deezer Premium. Une connexion à Internet mobile par la norme de technologie de téléphonie mobile de troisième ou quatrième génération (3G ou 4G) est très vivement recommandée43Ibid..

L’entreprise prescrit donc non seulement une liste d’appareils compatibles, mais un certain standard de télécommunication sans fil ; et ce, tout en bornant sa responsabilité légale et financière au développement d’un « site » et d’une « application ».

En 2021, Spotify a déclaré des émissions de gaz à effet de serre (GES) à hauteur de 353 kilotonnes d’équivalent CO2. 99 % de ces émissions sont indirectes (« Scope 3 »), situées dans la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise : marketing, usage, biens et services, cloud et biens d’équipement. Malgré une hausse des émissions, Spotify continue d’affirmer sa mission de « neutralité carbone » avant 2050. Pourtant, son rapport d’impact reste flou quant à sa mise en œuvre : « nous travaillons avec nos partenaires pour améliorer l’efficacité du cloud, établir un critère plus fort de respect de l’environnement parmi nos fournisseurs, et enquêter sur les émissions du streaming audio44« Equity and Impact Report 2021 », Spotify, décembre 2021, en ligne : www.lifeatspotify.com. ».

À ce stade, il convient de rappeler que le modèle d’affaires d’une entreprise de streaming ne repose pas exclusivement sur des contrats passés avec les consommateurs (en anglais B2C pour business to consumer), mais aussi avec des entreprises (B2B pour business to business). C’est le cas de Deezer, dont environ un quart du chiffre d’affaires résulte de 45 partenariats B2B. Parmi eux, on compte des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) comme Orange – dont une filiale est actionnaire de Deezer à hauteur de 8 % –, SFR, Bouygues Telecom, T-Mobile (Autriche), TIM (Brésil) et A1 Telekom (Autriche). Côté fournisseurs d’accès à Internet (FAI), le partenariat consiste à fournir un accès streaming à l’abonné moyennant un tarif préférentiel. C’est ce que l’économiste Gérard Pogorel nomme une « stratégie d’agrégateur de contenu » (content aggregator strategy45Pogorel G., « A European audio-visual area for the age of global entertainment », European Liberal Forum, no 3, 21 avril 2021, en ligne : liberalforum.eu/publication/policy-paper-3-a-european-audio-visual-area-for-the-age-of-global-entertainment.), déjà fortement développée aux États-Unis : AT&T est client de Spotify, T-Mobile client de Tidal, Verizon client d’Apple Music, et ainsi de suite. Inversement, la « stratégie d’acquisition de contenu », qui consiste à s’associer en B2B à une maison de disques (par exemple, Neuf Music avec Universal autour de 2007) est aujourd’hui marginale.

Asymétrie entre fournisseurs de contenu et fournisseurs d’accès

Or, cette incursion des FAI sur le marché de la musique enregistrée n’est pas sans conséquences écologiques. Pour le comprendre, il faut rappeler certains éléments techniques relatifs au routage interdomaine de type BGP (border gateway protocol). L’ouvrage de Stéphane Bortzmeyer, Cyberstructure, offre une excellente introduction aux enjeux sociotechniques de l’Internet contemporain, et notamment au concept d’asymétrie du trafic :

En théorie, l’Internet est un réseau pair à pair. Toutes les machines se valent, toutes envoient et reçoivent du trafic. En pratique, on différencie souvent les « fournisseurs de contenu » et les « globes oculaires » (eyeballs). L’évolution de l’Internet a fait qu’un fossé s’est creusé entre des opérateurs spécialisés dans l’hébergement de contenus et de services (comme Facebook ou YouTube) et ceux spécialisés dans la fourniture d’un accès Internet. Ce sont ces derniers qui parlent de leurs abonnés comme des simples « globes oculaires », qui n’auraient comme vocation que de consommer. […] Du point de vue des finances, cette distinction entre fournisseurs de contenus ou de services et FAI a de lourdes conséquences. En effet, les fournisseurs de contenu envoient des octets, les FAI de globes oculaires en reçoivent. Il va donc y avoir une asymétrie du trafic, qui va peser sur les débats, comme celui sur la neutralité de l’Internet46Bortzmeyer S., Cyberstructure. L’Internet, un espace politique, Caen, C & F Éditions, 2018, p. 119-121..

Ce qui est vrai de la vidéo à la demande l’est aussi du streaming musical, si l’on remplace la synecdoque des « globes oculaires » par celle des… « tympans » (eardrums). La première conséquence de l’asymétrie est que, sur le marché B2C, les FAI des tympans ne communiquent pas directement avec la plateforme de streaming, mais par le moyen d’un réseau de diffusion de contenu (CDN pour content delivery network). Peu connus du grand public, les CDN tels qu’Akamai ou Edgio ont pourtant un rôle clé dans l’infrastructure physique d’Internet : ce sont des réseaux de serveurs répartis dans le monde, chacun tenant à jour une copie locale partielle des contenus de la plateforme. En payant un CDN, la plateforme gagne indirectement un point de présence (PoP pour point of presence) en de nombreux points d’échanges Internet (IXP pour Internet exchange point), ainsi qu’en des « hôtels télécom » (carrier hotels). C’est au niveau de ces PoP que des accords d’interconnexion BGP sont négociés entre le CDN et d’autres systèmes autonomes (AS pour autonomous systems) : FAI locaux et opérateurs longue distance.

Pour attirer des clients B2B, un CDN doit avoir une latence faible ainsi qu’une bonne résistance aux pannes et aux attaques par déni de service (DoS pour denial of service). Il investit donc massivement dans la construction de centres de données (data centers), situés au plus près de ses PoP avec les AS les plus demandeurs de données. D’où une hyperconcentration des centres de données eux-mêmes, dans le cadre d’accord d’appairage (peering) ou de transit. Dans son livre À bout de flux, l’historienne de l’architecture et des techniques Fanny Lopez décrit l’asymétrie comme ayant un effet « magnet » :

La data va où est la data, comme des aimants qui s’attirent. […] Avec un effet rebond, car l’accroissement et l’accélération des flux et l’interconnexion dans les hubs urbains favorisent dans un même mouvement l’accroissement de centres de données de stockage et de redondance en rase campagne […]. La contiguïté et la proximité des centres de données ne sont pas un frein au développement du business, au contraire. C’est un accélérateur47Lopez F., À bout de flux, Paris, Divergences, 2022, p. 15-19..

La redondance s’accentue encore avec le modèle hybride conjuguant B2C et B2B. Dans la stratégie d’agrégation de contenu, les « tympans » paient directement leur FAI pour accéder au service de streaming. Le FAI agrégateur paie alors la plateforme et négocie un appairage privé avec son AS – ou l’AS de son hébergeur si celle-ci n’a pas d’AS attribué. Ce faisant, il évite les frais intermédiaires perçus par les transitaires, les IXP et les CDN. Mais le FAI a toujours des frais d’infrastructure sur son propre réseau, entre le point de raccordement côté plateforme et les routeurs de collecte côté tympans. Il va donc mettre en place des serveurs mandataires (proxies) régionaux, spécialisés dans le stockage en cache du contenu de son prestataire. Ainsi, le FAI devient de facto un CDN : on parle en anglais de telco CDN pour signaler la convergence entre transport et contenu.

Concrètement parlant, l’émergence des telco CDN signifie que deux voisins d’un même immeuble et écoutant la même chanson sur le même service de streaming vont solliciter des ressources matérielles très différentes selon qu’ils sont clients de tel ou tel fournisseur d’accès à Internet. Ces voisins auront beau être sur la même boucle locale et faire la même requête HTTP, leur adresse IP est différente, d’où un routage différent. Par exemple, le premier écoutera un flux venant du CDN prestataire de la plateforme, tandis que le second écoutera un proxy de son FAI client de la plateforme. Le schéma en figure 3 illustre ce phénomène.

Avec le routage dit « à la cantonade » (anycast), la situation s’opacifie encore, car la même adresse IP du CDN ou proxy peut être configurée en plusieurs endroits. Il devient donc très difficile d’évaluer le débit du service dans son ensemble, et ce, que l’on soit plateforme, FAI, CDN, ou simple citoyen.

Ainsi les émissions de GES déclarées par Spotify en 2021 comprennent 81 tonnes étiquetées « utilisation finale » et 46 tonnes étiquetées cloud (et encore, chose étonnante, 100 tonnes de marketing), sans que l’on sache très bien ce que recouvrent ces catégories. C’est pourquoi il faut rester critique face à une déclaration commerciale de Spotify comme « nous attribuons la hausse de nos émissions de GES à l’amélioration de notre méthodologie de calcul, la croissance de notre service à de nouveaux marchés, et [à] un plus grand nombre d’employés et d’utilisateurs actifs mensuels48« Equity and impact report 2021 », Spotify, art. cité. ». Quand la comptabilité environnementale est menée avec aussi peu de précision, elle ne peut pas prétendre à un statut d’explication causale.

Mesurer la consommation énergétique du streaming a-t-il un sens ?

Ces dernières années, la question de l’impact environnemental de la musique a fait l’objet de nombreux articles de presse. Kyle Devine, interviewé par Time Magazine, déclare : « toutes choses égales par ailleurs (one to one), le streaming est un usage bien plus efficace des ressources. […] Si chacun se mettait à acheter des disques autant qu’il consomme de streaming, le vinyle aurait une empreinte carbone encore plus grande49Baker A., « Taylor Swift’s new album is finally out. But do you really need four ? », Time, 21 octobre 2022, en ligne : time.com/6223774/vinyl-records-cimate-impact-taylor-swift-midnights.. » Ainsi, l’effet rebond tient une place majeure dans le discours journalistique : « le streaming musical », lit-on dans The New Statesman, « a une empreinte carbone inférieure à tout format physique, mais la croissance énorme de notre consommation de musique dépasse ces gains50Peirson-Hagger E. et Swindells K., « Is Spotify bad for the environment ? », The New Statesman, 5 novembre 2021, en ligne : www.newstatesman.com/environment/2021/11/how-environmentally-damaging-is-music-streaming. ».

On peut donc être tenté de présenter le streaming comme un moindre mal. Une digital Scylla préférable à l’analog Charybde ? C’est ainsi que semble se présenter Deezer dans sa déclaration de performance extrafinancière, en qualifiant l’augmentation de ses consommations énergétiques d’irrémédiable :

Le fonctionnement de notre plateforme de streaming musical repose sur une infrastructure comprenant, à titre principal, deux data centers situés en région parisienne et appartenant à des prestataires de services externes, ainsi qu’une part de services cloud associés à notre activité. Cette infrastructure représentant un des impacts environnementaux principaux de Deezer, nous avons initié en 2021 la mise en place d’un suivi de la consommation énergétique de nos data centers et services cloud, ainsi que du niveau des émissions de gaz à effet de serre et de l’empreinte carbone y afférents [sic]. Nous avons conscience que, compte tenu de la croissance continue de notre activité, il est irrémédiable que nos consommations énergétiques continueront [sic] d’augmenter à l’avenir. La mise en place d’un tel suivi, qui sera effectif au cours de l’exercice 2022, nous permettra de suivre l’évolution des indicateurs pertinents afin de mieux maîtriser nos consommations et, dans la mesure du possible, les réduire51« Déclaration de performance extrafinancière 2021 », Deezer, art. cité..

Bien que l’on applaudisse la volonté de transparence de Deezer quant à la consommation énergétique de ses prestataires, le chiffre qui paraîtra concernant l’exercice 2022 risque d’être peu utile écologiquement, et ce, pour au moins trois raisons : parce que l’essentiel de l’énergie consommée est « grise », c’est-à-dire intrinsèque aux appareils ; parce qu’en B2B, le streaming ne fait pas intervenir que des prestataires de la plateforme mais aussi des clients ; parce qu’à l’heure des énergies renouvelables, ce qui importe n’est pas tant la consommation totale que la consommation en pointe. Malgré tout, Kyle Devine raconte qu’il lui a été, jusqu’à maintenant, plus facile d’enquêter sur la fabrication des disques et cassettes que sur le streaming :

Nous pouvons savoir qu’un serveur cloud requiert « des câbles sous-marins à courant continu de quatre mille volts, 96 tonnes de batteries, des milliers de litres de diesel, des millions de kilomètres de câblage au dernier kilomètre » et une facture d’électricité qui « atteint facilement les cinq chiffres » tous les mois. Pourtant, les prestataires de bases de données et les services de streaming sont avares de détails quant à leur véritable consommation d’énergie, ce qui rend difficile la comparaison avec les formats antérieurs. Comment le streaming se compare-t-il, par exemple, au fait que durant la seule année 1946, une usine Columbia Records consomma presque 12 000 tonnes de charbon et plus de 840 millions de litres d’eau douce – de quoi remplir 330 piscines olympiques – pour presser ses disques ? Comment la prolifération d’appareils de lecture numériques aujourd’hui se compare-t-elle au fait que la fabrication de 13 millions de radio-phonographes en 1941 demanda 280 tonnes de nickel, 2 100 tonnes d’aluminium, 10 500 tonnes de cuivre, et 70 000 tonnes d’acier ? Est-il possible de trouver des terrains concrets pour la comparaison52Devine K., Decomposed, op. cit., p. 147-148.?

Le texte ci-dessus peut être mis en regard du concept de « continuum électrico-numérique », tel qu’il est développé par Fanny Lopez dans À bout de flux :

Aujourd’hui la plaque numérique de Plaine commune arrive à saturation en termes de foncier et d’électricité. Les réseaux de distribution et les postes sources qui amènent l’électricité nécessaire au fonctionnement des « armoires numériques » sont exsangues. […] Toutes les grandes métropoles numériques auront demain des zones numériques monofonctionnelles, soit quelque 200 hectares et a minima 1 GW dédié53Lopez F., À bout de flux, op. cit., p. 19..

Les trois auteurs principalement cités dans cet article (Kyle Devine, Jeanne Guien, Fanny Lopez) soulignent que l’effet rebond n’est aucunement « irrémédiable » ; pas plus que l’obsolescence logicielle, l’asymétrie du réseau, ou les atteintes aux droits humains. Pour reprendre les termes du New Statesman, la hausse de « notre consommation de musique » – qu’elle soit exprimée en heures, en gigaoctets, en joules, ou en kilogrammes de CO2 – n’est pas sans cause. Elle est intriquée dans un processus historique plus général de numérisation, lui-même contemporain de changements dans les modes de vie, y compris au-delà des seules interactions humain-machine. Par conséquent, il ne suffit pas d’attester que « le streaming a transformé l’écoute de la musique54Bordeleau A., « Comment le streaming a transformé l’écoute de la musique », voir 15 janvier 2020, en ligne : voir.ca/musique/2020/01/15/comment-le-streaming-a-transforme-lecoute-de-la-musique. », encore faut-il comprendre ce qui soutient cette culture de l’immédiateté.

Conclusion

La génération née en 2000 a le taux le plus élevé de jugements négatifs sur le numérique55Flipo F., La numérisation du monde, op. cit., p. 41.. Simultanément, moins de 15 % des Français estiment que le problème du changement climatique peut être résolu par des solutions technologiques56Ibid., p. 102.. Au terme de cette enquête, on comprend que les liens entre musique et écologie ne doivent pas seulement être pensés en termes de responsabilité mais aussi en termes de contraintes : sur les matériaux, les flux, les énergies, les déchets, et in fine les imaginaires. Réciproquement, on peut affirmer que la sobriété est synonyme de liberté. Ainsi, on peut lire dans La numérisation du monde de Fabrice Flipo :

Qu’est-ce que la sobriété ? Ce n’est ni une simple « critique de la société de consommation », comme l’a théorisé le sociologue Jean Baudrillard dans les années 1970, trop centré sur le désir, ni une simple « création de faux besoins », comme l’a évoqué le sociologue Razmig Keucheyan, dont il serait facile de se libérer dès lors que le pouvoir serait entre nos mains. L’enjeu est plutôt de s’opposer à un verrouillage des architectures de choix, à un lock-in concret, donc tout à la fois matériel (« macro- systèmes techniques ») et idéel (« économie de l’attention »). […] Comment en sortir ? En formant des réseaux alternatifs où l’information est plus ouverte, la décision mieux contrôlée et l’empreinte écologique plus légère57Ibid., p. 15..

S’agissant de prospective, peu de choses peuvent être dites avec certitude, sinon que les tarifs d’abonnement au streaming musical vont grimper : headroom for price increase (de l’espace libre pour une hausse des prix), signalait Deezer lors de sa dernière présentation aux investisseurs58« Deezer Investor Day », présentation, Deezer, 4 octobre 2022, en ligne : www.deezer-investors.com/wp-content/uploads/2022/10/Deezer-2022-Investor-Day-Oct-4.pdf.. Le « verrouillage des architectures de choix » (lock-in) dont parle Flipo est donc avéré. Signalons que l’auteur conclut son ouvrage avec une recommandation politique précise :

Imposer que toute entreprise mettant un nouveau produit sur le marché produise un document certifié par un tiers de confiance (tel qu’une association de consommateurs) évaluant les effets écologiques et sociaux de la généralisation du produit, sur le marché considéré, de manière à socialiser les usages59Flipo F., L’impératif de la sobriété numérique, op. cit., p. 141..

Côté recherche, il s’agit de mettre en action une nouvelle interdisciplinarité entre sciences du numérique, « sciences du système Terre » et sciences sociales. C’est dans cet esprit que le groupement de service EcoInfo du CNRS travaille à mettre en lumière les impacts socio-environnementaux du numérique à travers des publications et des actions de sensibilisation. En parallèle, le groupe de recherche Internet, IA et société organise un séminaire mensuel intitulé « politiques environnementales du numérique ». Il est à parier que ces deux initiatives, parmi d’autres, auront fort à faire dans les prochaines années, car la tension entre transition numérique et transition énergétique perdurera.

Comparée aux autres données numériques, la musique ne serait-elle donc qu’un cas parmi d’autres ? Peut-on vraiment réduire notre étude à celle d’une technologie de communication ? Pas tout à fait. D’après Kyle Devine, il se pourrait que la représentation sociale du streaming comme source de dégâts écologiques et sociaux atteigne les contenus musicaux, et in fine les pratiques musicales elles-mêmes. D’où une forme de réflexivité sociologique qui n’est pas sans rappeler l’« effet de théorie » bourdieusien :

La numérisation de la musique ne supprime pas toutes les traces de pratiques musicales antérieures, ni de systèmes média antérieurs. Elle les absorbe, les reconfigure, les magnifie, et leur est dépendante. […] Peut-être qu’une part de la promesse de notre situation contemporaine est que ces développements signaleront une toute nouvelle forme d’attachement conscient à la musique – une forme d’attachement dans laquelle une prise en compte de l’intensité matérielle, de la consommation énergétique, du travail humain, et de l’écologie politique deviendront une part intégrante de ce qu’aimer la musique veut dire60Devine K., Decomposed, op. cit., p. 135..

  • 1
    Le shellac, aussi appelé gomme-laque ou E904, est un agent de texture issu de la sécrétion d’une cochenille asiatique. La gomme-laque a été à la base de l’industrie du disque 78 tours ; elle fut remplacée progressivement par les plastiques synthétiques (bakélite, puis vinyle en 1938).
  • 2
    Dans le domaine des réseaux, un paquet est un petit segment d’un message plus important. Les données envoyées sur les réseaux informatiques, tels qu’Internet, sont divisées en paquets. Ces paquets sont ensuite recombinés par l’ordinateur ou le dispositif qui les reçoit.
  • 3
    Devine K., Decomposed. The Political Ecology of Music, Cambridge, MIT Press, 2019, p. 133. Toutes les citations en français qui apparaissent dans cet article ont été traduites de l’anglais par l’auteur.
  • 4
    Flipo F., L’impératif de la sobriété numérique. L’enjeu des modes de vie, Paris, Éditions matériologiques, 2020.
  • 5
    Ademe, « Que faire de mes déchets ? CD-ROM », en ligne : quefairedemesdechets.ademe.fr/dechet/cd-rom.
  • 6
    « Pourvoi – Établissement d’une liste des substances soumises à autorisation – Liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 – Mise à jour de l’inscription de la substance bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante », Cour de justice de l’Union européenne, ECLI:EU:C:2021:1047, 21 décembre 2021.
  • 7
    Brown M. S., Somma L., Mendoza M., Noh Y., Mahler G. et Koh A., « Upcycling compact discs for flexible and stretchable bioelectronic applications », Nature Communications, vol. 13, article no 3727, juin 2022, en ligne : www.nature.com/articles/s41467-022-31338-9.
  • 8
    « Compact disc hits 25th birthday », BBC News, 17 août 2007, en ligne : news.bbc.co.uk/2/hi/technology/6950845.stm.
  • 9
    « U.S. Sales Database », Recording Industry Association of America (RIAA), en ligne : www.riaa.com/u-s-sales-database.
  • 10
    140 g dans un disque vinyle « LP » (12 pouces ; on néglige le cas des vinyles de 180 g), 42 g dans un vinyle « single » (7 pouces), 32 g dans une cassette audio, 22 g dans une cartouche « Stereo 8 », 16 g dans un disque compact (12 cm ; on néglige le cas de certains CD dits « single » de 8 cm).
  • 11
    La masse de plastique dans ces boîtes peut varier. Nous l’estimons à 30 g pour la cassette audio et à 60 g pour le CD. Nous négligeons les pochettes CD en carton et les emballages dits longbox.
  • 12
    Dans le cas de la musique, on pourrait faire observer que ce processus d’achats répétés était déjà au cœur de la stratégie des éditeurs phonographiques au long du XXe siècle ; les mêmes œuvres étant commercialisées au format 78 tours, puis 45 tours, puis 33 tours, puis CD. À ce sujet, lire : Tournès L., Du phonographe au MP3. Une histoire de la musique enregistrée, XIX-XXIe siècle, Paris, Autrement, 2008.
  • 13
    Ferrebœuf H., Berthoud F., Bihouix P., Fabre P., Kaplan D., Lefèvre L., Monnin A., Ridoux O., Vaija S., Vautier M., Verne X., Ducass A., Efoui-Hess M. et Kahraman Z., « Pour une sobriété numérique », rapport d’un groupe de travail sous la direction d’Hugues Ferrebœuf, The Shift Project, 4 octobre 2018, en ligne : theshiftproject.org/article/pour-une-sobriete-numerique-rapport-shift.
  • 14
    « Déclaration de performance extrafinancière 2021 », Deezer, en ligne : e-cdn files.dzcdn.net/pdfs/legal/ DPEF2021.pdf
  • 15
    Ordiphone est l’un des termes recommandés par l’OQLF pour smartphone
  • 16
    Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, Paris, Divergences, 2021.
  • 17
    « Renouvellement des terminaux mobiles et pratiques commerciales de distribution. Éléments de réflexion », Arcep, rapport commandé par le Gouvernement français, juin 2021, p. 27.
  • 18
    Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, op. cit., p. 157.
  • 19
    Ibid., p. 148.
  • 20
    Packard V., L’art du gaspillage, trad. R. Mehl, Paris, Calmann-Lévy, 1962.
  • 21
    « Pourquoi dois-je mettre mon application Deezer à jour ? », Deezer, 2022, en ligne : support.deezer.com/hc/fr/articles/360013577457.
  • 22
    Meyer J. (Ademe), Nico T., Burguburu A., Rigal M., Lizon-A-Lugrin B., Génin L., Catalan C., Adam I. (I Care), « Évaluation de l’impact environnemental de la digitalisation des services culturels », synthèse, I Care pour le compte de l’Ademe, 2022.
  • 23
    Flipo F., Deltour F., Dobré M. et Michot M., Peut-on croire aux TIC vertes ? Technologies numériques et crise environnementale, Paris, Presses des Mines, 2012.
  • 24
    Maisel F., Marscheider-Weidemann F., Langkau S., Baur S.-J., Billaud M., Deubzer O., Eberling E., Erdmann L., Haendel M., Krail M., Loibl A., Marwede M., Neef C., Neuwirth M., Rostek L., Rückschloss J., Shirinzadeh S., Stijepic D., Tercero Espinoza L. et Tippner M., résultats de l’étude « Rohstoffe für Zukunftstechnologien 2021 », Berlin, DERA Rohstoffinformationen, no 50, 2021.
  • 25
    Flipo F., La numérisation du monde. Un désastre écologique, Paris, L’Échappée, 2021.
  • 26
    Pitron G., La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, Paris, Les Liens qui libèrent, 2018.
  • 27
    Ferrebœuf H. et al., « Pour une sobriété numérique », art. cité.
  • 28
    Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, op. cit., p. 179.
  • 29
    Observatoire Gouvernance et Paix : observatoire-securite-privee.org/fr/content/observatoire-gouvernance-et-paix-ogp
  • 30
    « Règlement fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque », Parlement européen, 2017.
  • 31
    Chan J. et Pun N., « Suicide as protest for the new generation of Chinese migrant workers. Foxconn, global capital, and the State », The Asia-Pacific Journal. Japan Focus, vol. 8, no 2, septembre 2010.
  • 32
    Chan J., Lizhi X. et Yang, La machine est ton seigneur et ton maître, Paris, Agone, 2022.
  • 33
    Anders G., Die Antiquiertheit des Menschen, Munich, Beck, 1956.
  • 34
    Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, op. cit., p. 177.
  • 35
    Xu V., Cave D., Leibold J., Munro K. et Ruser N., « Uyghurs for Sale. “Re-education”, forced labour and surveillance beyond Xinjiang », Australian Strategic Policy Institute, 1er mars 2020, en ligne : www.aspi.org.au/report/uyghurs-sale.
  • 36
    Guien J., Le consumérisme à travers ses objets, op. cit., p. 181-182.
  • 37
    Devine K., Decomposed, op. cit., p. 142.
  • 38
    Ibid.
  • 39
    Ibid., p. 142.
  • 40
    Ibid., p. 142-143.
  • 41
    « Déclaration de performance extrafinancière 2021 », Deezer, art. cité.
  • 42
    « Conditions générales d’utilisation », Deezer, décembre 2022, en ligne : www.deezer.com/legal/cgu.
  • 43
    Ibid.
  • 44
    « Equity and Impact Report 2021 », Spotify, décembre 2021, en ligne : www.lifeatspotify.com.
  • 45
    Pogorel G., « A European audio-visual area for the age of global entertainment », European Liberal Forum, no 3, 21 avril 2021, en ligne : liberalforum.eu/publication/policy-paper-3-a-european-audio-visual-area-for-the-age-of-global-entertainment.
  • 46
    Bortzmeyer S., Cyberstructure. L’Internet, un espace politique, Caen, C & F Éditions, 2018, p. 119-121.
  • 47
    Lopez F., À bout de flux, Paris, Divergences, 2022, p. 15-19.
  • 48
    « Equity and impact report 2021 », Spotify, art. cité.
  • 49
    Baker A., « Taylor Swift’s new album is finally out. But do you really need four ? », Time, 21 octobre 2022, en ligne : time.com/6223774/vinyl-records-cimate-impact-taylor-swift-midnights.
  • 50
    Peirson-Hagger E. et Swindells K., « Is Spotify bad for the environment ? », The New Statesman, 5 novembre 2021, en ligne : www.newstatesman.com/environment/2021/11/how-environmentally-damaging-is-music-streaming.
  • 51
    « Déclaration de performance extrafinancière 2021 », Deezer, art. cité.
  • 52
    Devine K., Decomposed, op. cit., p. 147-148.
  • 53
    Lopez F., À bout de flux, op. cit., p. 19.
  • 54
    Bordeleau A., « Comment le streaming a transformé l’écoute de la musique », voir 15 janvier 2020, en ligne : voir.ca/musique/2020/01/15/comment-le-streaming-a-transforme-lecoute-de-la-musique.
  • 55
    Flipo F., La numérisation du monde, op. cit., p. 41.
  • 56
    Ibid., p. 102.
  • 57
    Ibid., p. 15.
  • 58
    « Deezer Investor Day », présentation, Deezer, 4 octobre 2022, en ligne : www.deezer-investors.com/wp-content/uploads/2022/10/Deezer-2022-Investor-Day-Oct-4.pdf.
  • 59
    Flipo F., L’impératif de la sobriété numérique, op. cit., p. 141.
  • 60
    Devine K., Decomposed, op. cit., p. 135.
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