Musique et données
De la recherche aux usages

Les données numériques à l’export

Entre rationalité, créativité et diversité

Par Michaël Spanu
Publié le 15 juin 2023
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Michaël Spanu est chercheur et consultant en industries culturelles et créatives. Docteur en sociologie, il effectue actuellement un postdoctorat à l’université de Manchester sur l’export musical en Europe. Il étudie également le rôle de la musique dans le développement urbain et l’économie nocturne.



Résumé

En fournissant des données sur les écoutes et les auditeurs, les plateformes de streaming modifient sensiblement les rapports au sein de l’industrie et entre les territoires musicaux. En effet, ces données sont aujourd’hui un facteur clé pour le développement des artistes à l’international. Pour explorer davantage ce phénomène, nous avons effectué une série d’entretiens auprès de professionnels de l’export (labels et distributeurs) et étudié les médias spécialisés dans l’industrie musicale et les nouvelles technologies. Nous observons ainsi que les données numériques induisent de nouvelles formes de rationalité chez les professionnels, sans pour autant évacuer un certain sens de la créativité. Par ailleurs, en s’inscrivant dans le processus historique de mondialisation musicale, les données numériques induisent de nouveaux rapports Nord/Sud, au moyen de concepts comme celui des trigger cities.


Remerciements

Je tiens à remercier Jean-François Bert, François Bloque, Margaux Demeersseman, Céline Lugué, Gonzalo Martínez, Jorge Muñoz, Alexandra Nadeau, Benjamin Pruvost, Joan Vich Montaner et Sébastien Zamora pour leurs témoignages, expertises et conseils. De même, je remercie les relecteurs anonymes du CNMlab pour leurs commentaires sur la première version de ce texte.

Introduction

Malgré l’existence de plateformes numériques permettant une diffusion instantanée à l’échelle mondiale, la construction d’une carrière à l’étranger nécessite un travail encore mal connu, au sein duquel les pouvoirs publics jouent un rôle clé 1Chen S., Homan S., Redhead T. et Vella R., The Music Export Business. Born Global, Londres, Routledge, 2021.. Provenant de l’économie et de la logistique, le terme « export » désigne des pratiques professionnelles visant à installer la notoriété d’un artiste en dehors de ses frontières nationales 2Certains professionnels font la distinction entre export et développement international, le premier désignant un produit fini que l’on chercherait à vendre à l’étranger, tandis que le deuxième serait davantage dans la construction progressive d’une notoriété globale. Toutefois, par souci de simplicité, nous englobons le tout dans la catégorie d’export, telle qu’elle est utilisée par les pouvoirs publics.. Le travail à l’export fait face à plusieurs défis importants, notamment la fragmentation des marchés nationaux, l’abondance de contenus, la haute technicité des environnements numériques et un certain rapport de force avec les plateformes. Pour y répondre, les professionnels de l’export ont aujourd’hui accès à des données qui rendent tangibles des éléments géographiquement lointains : une écoute d’un titre, un abonnement, un profil d’auditeur, etc. Ces éléments sont des « actifs » traqués par les plateformes numériques et mis à disposition des artistes et des professionnels qui les entourent. Dans cet article, nous verrons comment les données numériques induisent de nouvelles formes de rationalité chez les professionnels de l’export, sans pour autant évacuer un certain sens de la créativité. Les données s’inscrivent aussi dans le processus historique de mondialisation musicale, où les concepts de nation et de diversité jouent encore un rôle important.

Pour explorer davantage le rôle des données numériques dans les pratiques des professionnels de l’export, nous avons effectué une série d’entretiens exploratoires avec des labels et distributeurs français et espagnols spécialisés dans les musiques populaires (entre septembre et décembre 2022). Loin d’être les seuls artisans de l’export 3Mentionnons, en particulier, le rôle clé des producteurs de spectacles et des festivals showcases., les labels et les distributeurs sont les plus directement liés aux flux de données transmis par les plateformes où ils diffusent leur musique. Les professionnels du live sont également concernés, puisque les données orientent leurs investissements et qu’ils agissent généralement de concert avec les labels et distributeurs. Toutefois, leur rôle en termes de gestion des indicateurs de leurs artistes n’est pas encore aussi fort que celui des labels et distributeurs, d’où notre choix méthodologique. En outre, par souci de concision, nous n’abordons pas la question technique et politique des métadonnées, c’est-à-dire les données qui permettent de qualifier la musique numérique, bien qu’il s’agisse d’une étape cruciale de la distribution musicale sur les plateformes 4Heuguet G., « Vers une micropolitique des formats : content ID et l’administration du sonore », Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 13, no 3, 2019, p. 817-848.. De même, nous éviterons la question de la collecte des droits d’auteur issus des plateformes au niveau international, dont la complexité dépasse largement le cadre de cet article, du fait de la faible interopérabilité des métadonnées et des usages particuliers des plateformes UGC 5Mis pour user generated content, ou « contenu généré par les utilisateurs », elles comprennent par exemple YouTube, TikTok, etc..

Histoire et acteurs des données à l’export

Historiquement, après une longue période d’impérialisme européen « de velours 6Todd D., Un empire de velours. L’impérialisme français au XIXe siècle, Paris, La Découverte, 2022. », marqué par une culture élitiste 7Pistone D., « La musique comme ambassadrice ? L’Association française d’action artistique (1922-2006) : bilans et enjeux », Relations internationales, vol. 156, 2013, p. 21-35., la mondialisation culturelle a pris des accents plus marchands, via l’hégémonie états-unienne du XXe siècle. Cette marchandisation a accéléré l’usage de mesures et de classements des flux musicaux mondiaux 8Hakanen E. A., « Counting down to number one. The evolution of the meaning of popular music charts », Popular Music, vol. 17, no 1, 1998, p. 95-111., déjà en partie mis en place par les bureaucraties d’État. Les charts, c’est-à-dire les classements de ventes de disques, sont devenus non seulement un outil descriptif, mais aussi promotionnel 9Osborne R., « “At the sign of the swingin” symbol. The manipulation of the UK singles chart », dans R. Osborne et D. Laing (dir.), Music by Numbers. The Use and Abuse of Statistics in the Music Industries, Bristol, Intellect Books, 2020.. La mise en spectacle de ces données lors d’émissions de télévision, par exemple Top of the Pops en Grande-Bretagne, Hit Parade ou Hit Machine en France, a constitué un avatar supplémentaire du tournant quantitatif des musiques populaires au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Aujourd’hui, l’image que l’on a de la circulation musicale internationale est en grande partie quantitative, par exemple via les listes des artistes les plus écoutés sur les plateformes numériques, bien que d’autres formes de distinctions plus qualitatives persistent, comme les cérémonies de remise de prix (awards). Avec le développement des plateformes numériques, l’unité de mesure de la musique à l’international n’est plus seulement la vente physique, mais l’écoute (stream). Nombre de plateformes ont ainsi banalisé les indicateurs dans l’expérience des contenus musicaux, à travers l’affichage du nombre de vues ou d’écoutes par exemple, renforçant ainsi l’effet de loupe sur certains artistes. Ce phénomène, qui n’est pas propre au champ musical, est connu sous le nom de datafication, et induit de nouveaux rapports de pouvoir 10Mejias U. A. et Couldry N., « Datafication », Internet Policy Review, vol. 8, no 4, 2019, en ligne : policyreview.info/concepts/datafication..

La numérisation et la géolocalisation des écoutes et des utilisateurs par les plateformes de streaming (Spotify, Deezer, etc.) sont désormais au cœur de l’économie numérique. En effet, les plateformes accumulent des quantités massives de données sur leurs utilisateurs, non seulement à des fins publicitaires et commerciales 11Astor P., « Les big datas musicales, une question de souveraineté culturelle qui n’est pas posée », Music Zone, 22 novembre 2022, en ligne : musiczone.substack.com/p/les-big-datas-musicales-une-question., mais aussi dans le but de se positionner comme intermédiaire au service des producteurs et de leur économie, dans un contexte de controverse autour de la juste répartition de la valeur du streaming 12Marshall L., « Do people value recorded music ? », Cultural Sociology, vol. 13, no 2, 2019, p. 141–158.. Ainsi, les plateformes mettent à disposition une partie des données qui permettent de mesurer les performances, notamment médiatiques, des artistes à l’international, et parfois de lancer des campagnes marketing, dans le cas des réseaux sociaux (Facebook, Instagram, etc.), le tout dans une logique d’entrepreneuriat généralisé 13TschmuckP., « From record selling to cultural entrepreneurship the music economy in the digital paradigm shift », dans P. Wikström et R. DeFillippi (dir.), Business Innovation and Disruption in the Music Industry, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2016, p. 13-32.. Spotify for Artists a été lancé en avril 2017, après une version bêta appelée Fan Insight en 2015. Cette interface B2B permet aux artistes et à leur entourage professionnel de consulter en temps réel des statistiques (lectures et autres informations sur les préférences, les réseaux, les emplacements et les données démographiques des auditeurs). Apple Music for Artists a été lancée en août 2019 et présente l’intégration des données de l’application de reconnaissance musicale Shazam dans le cadre d’une offre exclusive de la plateforme. Citons également Deezer for Creators, Amazon Music for Artists, Pandora AMP. Toutes ces plateformes proposent le même type d’information, notamment les volumes d’écoutes, la sociodémographie des auditeurs, leur localisation, les playlists associées à chaque artiste.

La datafication touche l’immense majorité des entreprises de production musicale contemporaine, depuis l’artiste autoproduit jusqu’aux majors. Il existe, par ailleurs, des entreprises spécialisées dans le traitement et l’éditorialisation de ces données. Ce sont des agrégateurs de données qui permettent d’avoir une visibilité sur un grand nombre de données issues de différentes plateformes (les entrées en playlists, les écoutes par zones géographiques ou par typologies de plateformes, le profil des auditeurs, etc.), le tout à travers une interface (dashboard). Soundcharts, l’un des principaux agrégateurs, a d’ailleurs été fondé par David Weiszfeld, anciennement chargé du développement international chez Universal, dans le but d’optimiser et d’automatiser l’établissement de rapports au sein des labels 14Weiszfeld D., « How project management SHOULD work in the music industry », LinkedIn, 25 septembre 2016, en ligne : www.linkedin.com/pulse/how-project-management-should-work-music-industry-david-weiszfeld-1..

L’autre figure qui domine la datafication de l’industrie musicale, c’est celle du data analyst, au point qu’un professionnel, spécialiste de la distribution numérique internationale, nous ait confié : « si je devais monter un label demain, la première chose que je ferais, ce serait embaucher un data analyst ». Dans le secteur audiovisuel 15La différence notable avec l’industrie audiovisuelle est que les plateformes comme Netflix conservent toutes les données sur la performance des contenus, tandis que le « gatekeeping » de Spotify se joue plutôt sur les playlists ; différence que l’on peut expliquer par le statut de producteur de contenus de Netflix., de plus en plus de data analysts sont recrutés dans les entreprises de production/distribution. Il en va de même chez les majors qui, par ailleurs, disposent de leur propre agrégateur. Warner Music Group a, par exemple, acheté la start-up Sonatone en 2018, avec l’ambition d’automatiser davantage le processus de repérage des nouveaux talents 16Stassen M., « Warner is signing double the number of artists via AI-driven A&R tool Sodatone than it did last year. Now, it’s hired a global head of Data Science », Music Business Worldwide, 24 novembre 2020, en ligne : www.musicbusinessworldwide.com/warner-is-signing-double-the-number-of-artists-via-ai-driven-ar-tool-sodatone-than-it-did-last-year-now-its-hired-a-global-head-of-data-science. On sait toutefois encore peu de choses sur ce nouveau sous-groupe professionnel que constituent les data analysts 17Roussel V., « Quand Hollywood produit aussi des données », AOC, 12 décembre 2022, en ligne : aoc.media/analyse/2022/12/11/quand-hollywood-produit-aussi-des-donnees.. Kobi Abayomi, le spécialiste des données recruté par Warner Music Group, propose une vision ambivalente du rôle des données au sein des labels 18AUC Data Science Initiative, « The sound of Data Science », YouTube, 13 mars 2022, en ligne : www.youtube.com/watch?v=Pri4SWAxqHo.. D’un côté, il entretient l’idée, quasi incantatoire, que les données peuvent prédire le succès, voire les genres musicaux de demain, au niveau international. On retrouve cela chez Chartmetric, agrégateur concurrent de Souncharts, qui propose un modèle de prédiction au sein de son dashboard. Dédié aux équipes artistiques des labels (A&R), Chartmetric prédit les niveaux de popularité qu’un artiste est censé atteindre au cours de la semaine suivante. Sa portée est donc relativement courte dans le temps, contrairement aux visions plus long terme des équipes artistiques, dont le régime de valeurs repose sur des notions d’instinct, ou « feeling ». D’un autre côté, Abayomi décrit son travail de manière beaucoup plus pragmatique, comme celui d’un GPS : traiter un maximum d’informations en temps réel pour proposer le chemin le plus court vers une destination choisie. Les données viennent alors et surtout en renfort des équipes marketing qui sont, elles, plus familières des méthodes de rationalisation que les équipes artistiques. Dans la partie suivante, nous verrons comment ces aspects artistiques et marketing s’entrecroisent plus concrètement avec les données numériques. Mais avant cela, il nous faut aborder l’évolution de l’export et de ses acteurs au sein de l’industrie musicale.

Traditionnellement, la plupart des labels étaient restreints à un territoire national, pour des raisons culturelles, juridiques et logistiques (cette règle concernait même les multinationales du disque, composées de divisions nationales et de nombreux sous-labels). Le développement des plateformes numériques a permis à de nombreux labels de diversifier leurs activités et de s’internationaliser. Les majors françaises ont, par exemple, renforcé et internalisé l’activité de distribution numérique d’une part, puis créé des départements transversaux centrés sur le développement international d’autre part. Plus concrètement, cela signifie qu’elles ont amélioré la diffusion internationale et la collecte des droits de leurs artistes dont le succès était principalement situé en France, tout en se dotant de nouveaux outils pour fabriquer des succès à l’étranger et s’insérer dans les circuits internationaux de la pop (et ne pas se contenter des bénéfices marginaux produits à l’international par un succès français). Chez Universal, par exemple, le département de développement international est composé de la manière suivante 19« “Les projets sont davantage pensés dès l’origine pour l’international” (Florian Abessira, Universal) », News Tank Culture, 12 mai 2022, en ligne : culture.newstank.fr/article/view/250908. :

  • un pôle « business et développement » (veille permanente sur les territoires, développement de nouveaux marchés et exploration de nouveaux usages) ;
  • un pôle « promotion et marketing » (développement des projets, stratégies, suivi promotionnel et coordination des différents territoires) ;
  • un pôle artistique (collaborations, rencontres entre artistes, recherche de nouveaux talents).

Chez Sony, ce même département travaille de manière transversale aux activités de direction artistique, de commercialisation et de promotion. Son ambition est d’optimiser le potentiel international d’un projet artistique à n’importe quelle étape de son développement « normal », c’est-à-dire prioritairement national 20En effet, même le cas des groupes français devenus connus à l’étranger avant la massification d’Internet, comme Phoenix ou Daft Punk, est considéré comme marginal. Dans l’industrie, le principe du « prophète en son pays » reste plutôt de mise.. Toutefois, cette transversalité lui permet également d’intervenir dès que des signaux de viralité internationale apparaissent sur une ou plusieurs plateformes, grâce à la veille des données numériques.

On observe, par ailleurs, de plus en plus d’indépendants qui s’engagent dans des stratégies à l’export en s’appuyant sur les données numériques. Pour ceux qui ne disposent pas de leur propre data analyst ou agrégateur, une part importante du travail sur les données se fait avec le distributeur numérique qui fait remonter les données issues de l’activité des plateformes, dont les données financières. En tant qu’interlocuteurs privilégiés des plateformes numériques, les distributeurs jouent, de fait, un rôle majeur dans les stratégies des labels à l’export. Les distributeurs français Idol et Believe ont, par exemple, ouvert des bureaux dans différentes régions du monde, à la fois pour se rapprocher des équipes éditoriales des plateformes qui diffusent des playlists, mais aussi pour démarcher de nouveaux partenaires étrangers et ne pas se limiter à des catalogues français. Alors que les modes de rémunération liés au numérique étaient encore instables dans les années 2000 et début 2010, ce sont les distributeurs qui ont mis en évidence qu’une partie non négligeable du chiffre d’affaires des labels se faisait à l’export, notamment dans le cas des labels indépendants 21Un chiffre d’affaires qui pouvait atteindre 20-30 % pour des artistes considérés comme idiosyncrasiques d’un pays, par exemple des artistes de chanson française, et jusqu’à plus de 50 % pour des genres plus globaux comme l’électro, selon le témoignage d’un employé chez un distributeur numérique français.. L’expertise des distributeurs auprès des plateformes les a incités à proposer des services de promotion internationale aux labels, afin que les nouveaux artistes (autoproduits ou signés sur un label associé au distributeur) se distinguent de la masse et trouvent les partenaires adéquats à l’étranger (attaché de presse, tourneur, distributeur physique, etc.).

Plusieurs succès récents à l’international correspondent à ce schéma : L’Impératrice, produit par le label indépendant Microqlima, mais soutenu par le distributeur Idol, ou encore Petit Biscuit, autoproduit, mais soutenu par le distributeur Believe, aux États-Unis notamment. Autant d’artistes identifiés comme French pop, c’est-à-dire inscrits dans les circuits internationaux de la musique, mais au titre d’une francité plastique et malléable qui donne un relief aux stratégies d’export basées sur les données numériques. C’est d’ailleurs au titre de la particularité des modèles d’affaires et de la singularité des investissements à l’international dans le contexte numérique que se justifie la stratégie d’export du Centre national de la musique (CNM), plutôt qu’au titre d’une esthétique française. En effet, si on peut parler d’une démocratisation relative de l’export grâce aux données numériques, la mise en application d’une stratégie internationale nécessite des moyens financiers importants : « Si tu n’as pas d’argent pour investir à l’international, les données ne te servent à rien 22Témoignage d’un patron de label indépendant français. ». Or, la politique de soutien à l’export vise justement à compenser ce manque, en appuyant les structures dont les artistes montrent un certain potentiel à travers les données numériques 23Le seuil minimal décidé par le CNM en accord avec les professionnels de l’export est de 1 000 abonnés sur une plateforme de streaming et une autre de réseau social..

Malgré ces transformations structurelles, l’adoption de stratégies guidées par les données numériques reste très inégale au sein des professionnels 24Voir par exemple l’étude de Music Tomorrow de 2021 portant sur un échantillon de 72 répondants issus de l’industrie musicale.. Les travaux de Maasø et Hagen, portant sur les professionnels norvégiens 25Son étude repose sur un questionnaire distribué via les organisations professionnelles norvégiennes (N = 555) et sept entretiens. Il est intéressant de noter qu’en Norvège, les revenus du streaming ont dépassé les revenus des ventes physiques dès 2011., montrent que ces derniers s’appuient certes sur un volume croissant de données pour décider de la musique qu’il faut promouvoir ; néanmoins, la plupart des interrogés se concentrent sur des mesures assez simples, telles que les pics saillants qui se remarquent « au premier coup d’œil 26Maasø A. et Hagen A. N., « Metrics and decision-making in music streaming », Popular Communication, vol. 18, no 1, 2020, p. 18-31. ». Cette lecture superficielle des données peut être trompeuse 27Par exemple, dans le cas d’une hausse d’abonnés sur une plateforme qui est plus faible que la hausse totale des utilisateurs de la même plateforme, on parle alors de hausse relative., impliquant un questionnement plus profond sur la compétence (literacy 28Défini comme « the ability to access the media, to understand and to critically evaluate different aspects of the media and media content and to create communications in a variety of contexts ».) des professionnels vis-à-vis des données 29Hagen A. N., « Datafication, literacy, and democratization in the music industry », Popular Music and Society, vol. 45, no 2, 2021, p. 184-201., mais aussi sur les éventuelles formes de dépendance, notamment dans le cas des artistes autoproduits 30Costantini S., « Compétences communicationnelles et pratiques numériques des “musiciens connectés” », tic&société, vol. 14, no 1-2, 2020, p. 131-157..

Stratégies fondées sur la donnée et expertise professionnelle

Dans cette partie nous expliquons plus concrètement comment les données interviennent dans les stratégies à l’export, en prêtant attention aux compétences professionnelles qu’elles requièrent. De nos jours, la plupart des artistes de musiques populaires présentent, dès l’étape de création, des ambitions internationales et une esthétique cosmopolite, les candidats à l’export sont donc nombreux. Comme les données ne deviennent significatives qu’à partir d’un certain seuil, les critères subjectifs et esthétiques déterminent encore largement le choix des artistes à promouvoir sur la scène internationale. Ces critères font référence au potentiel international perçu de l’artiste, nommé « export readiness » dans le jargon professionnel 31Cette notion renvoie à un ensemble de valeurs attribuées à l’artiste et son oeuvre oscillant entre les domaines esthétiques (type de musique, langue chantée, etc.) et professionnels (compétence en anglais pour donner des interviews, capacité à enchaîner les tournées, etc.). Par exemple, un des archétypes d’export readiness en France est Christine and the Queens, avec son chant bilingue, son esthétique électro-pop dansante, la fluidité de son anglais parlé..

Parallèlement au développement local traditionnel, par les concerts notamment 32En particulier, il faut souligner la place prépondérante des festivals showcases dans ce type de développement, par exemple South by Southwest aux États-Unis, Eurosonic en Hollande, Reeperbahn en Allemagne, ou encore BIME en Espagne., certains professionnels indépendants, dont le modèle relève du « 360 artiste 33C’est-à-dire qu’il intègre la production phonographique et live, l’édition, le management. », investissent dans des campagnes marketing géographiquement indifférenciées. Plusieurs plateformes proposent aujourd’hui des options de promotion avec des prix variables, notamment les plateformes de réseaux sociaux. Si leur efficacité est souvent débattue 34Munsch A., « Millennial and generation Z digital marketing communication and advertising effectiveness. A qualitative exploration », Journal of Global Scholars of Marketing Science, vol. 31, no 1, 2021, p. 10-29., les professionnels interrogés pour cet article rapportent des résultats significatifs. Par exemple, pour une campagne publicitaire mondiale sur Facebook et Instagram à propos d’une artiste de pop caribéenne produite en France, dont le budget était d’environ 600 euros et durait plusieurs mois, l’un des répondants déclarait obtenir les résultats suivants : +13 000 fans Facebook, +2 500 fans Instagram, +5 500 nouveaux auditeurs sur Spotify/Apple/Deezer, +800 % de streams par rapport au volume moyen mensuel sur l’année écoulée, +1 000 abonnés Spotify, +500 abonnés YouTube, +5 800 partages Facebook, +850 commentaires Facebook ou Instagram. Le professionnel en question remarquait ainsi un phénomène de « ruissellement » depuis Facebook et Instagram vers d’autres plateformes, comme YouTube et Spotify. Ces campagnes s’appuient sur les données sociodémographiques récoltées par les plateformes en agrégeant des marchés non reliés, processus qui sert les intérêts publicitaires d’organisations très variées tout en renforçant le duopole Google et Facebook 35Guignard T., « Données personnelles et plateformes numériques. Sophistication et concentration du marché publicitaire », tic&société, vol. 13, no 1-2, 2019, p. 43-69..

Dans une étude menée par Terry Tompkins, Ulf Oesterle et Charles Alexander, on retrouve le même type de résultat 36Tompkins T., Oesterle U. et Alexander C., « Indie folk and Americana triggers. An analysis of streaming music, audience behavior, and global opportunity », Journal of the Music and Entertainment Industry Educators Association, vol. 21, no 1, 2021, p. 91-125.. Les auteurs ont effectué un test de campagne marketing digital sur Facebook et Instagram pour un échantillon de onze artistes de folk et americana, via des publications sponsorisées qui renvoient à la playlist de chacun des artistes sur Spotify. Cette campagne s’effectue en deux temps, d’abord en ciblant les publics d’un âge précis qui ont une préférence pour des artistes similaires, puis en relançant les utilisateurs qui ont montré une forme d’engagement en cliquant sur le premier post. Le taux moyen de clic était de 1,46 %, au-dessus du taux moyen habituel sur Facebook (0,90 %). Ce taux augmentait de manière significative dans certains territoires, comme le Brésil, les Philippines, le Mexique, mais aussi au Japon, en Finlande ou encore en Espagne. Les artistes émergents ont attiré le plus de clics (2,986), contrairement aux artistes confirmés (1,614) et établis (1,729). De manière générale, le nombre d’abonnés sur les playlists des artistes en question a augmenté en moyenne de 350 % (avec une amplitude allant de 2,5 % pour un artiste à 2 500 % pour un autre). Ces campagnes marketing automatisées sont l’un des nouveaux outils à disposition des professionnels de l’export, propre à l’économie des données numériques. Bien que nombre d’entre eux doutent de leur efficacité, la norme est de plus en plus à la multiplication des techniques de marketing (radio, TV, presse, réseaux sociaux, relationnel, etc.) et à l’ajustement de ces techniques à chaque projet artistique, étant donné le rapport de plus en plus étroit entre musique et promotion 37Meier L. M., Popular Music as Promotion. Music and Branding in the Digital Age, Hoboken, John Wiley and Sons, 2017..

Une fois un certain seuil atteint, une stratégie plus spécifique peut être mise en place, reposant en général sur les étapes suivantes :

  • identification des territoires pertinents ;
  • construction et application de la stratégie ;
  • évaluation des résultats.

Au fil du temps, et au prix d’efforts de promotion plus ou moins localisés 38Dans certains cas, il peut s’agir d’une volonté de l’artiste d’explorer tel ou tel territoire, en fonction de ses affinités ou ses origines., certains territoires étrangers ressortent, via les statistiques d’écoutes que fournissent les plateformes, attestant d’une vraie présence de fans et appelant des investissements plus importants et ciblés pour une poursuite de carrière. Cette consistance géographique est d’autant plus importante pour les professionnels de l’export que les données issues des plateformes peuvent être trompeuses : « cela varie énormément en fonction des soutiens éditoriaux dans chaque pays, il suffit qu’une playlist importante en Allemagne ait intégré un titre de l’album pour que tout à coup l’Allemagne devienne une part disproportionnée du CA, sans pour autant que ça se répète lors de la sortie 39Témoignage d’un employé chez un distributeur numérique français. ». De même, une audience localisée peut sembler significative a priori, mais au regard de la population totale du lieu en question, rester tout à fait négligeable.

Plus généralement, les écoutes sur Spotify ou les vues YouTube peuvent être importantes sur un territoire alors que l’engagement 40Issu du marketing digital anglophone, ce terme désigne le degré d’implication d’un utilisateur vis-à-vis d’un contenu. On le mesure par exemple avec le temps de lecture. reste assez faible. C’est ce que les professionnels appellent un système en « entonnoir », faisant référence à une certaine hiérarchie des données. En effet, pour nombre de professionnels, les écoutes issues de playlists algorithmiques auxquelles les auditeurs ne prêtent pas d’attention particulière ont peu de valeur en soi. Ce qui compte vraiment, par exemple pour un label indépendant qui fonctionne en 360, c’est de vendre des disques sur Bandcamp 41Plateforme de vente de musique physique et numérique où les gains sont en grande partie reversés aux ayants droit. ou des billets pour un concert, autant de signes d’un attachement véritable de la part des fans et de sources de revenus substantielles. Il est donc impératif pour les professionnels de l’export de savoir contextualiser, hiérarchiser et interpréter les données fournies par les plateformes, en faisant appel à des compétences précises encore très inégalement répandues au sein de la filière. Pour cette raison, de nombreux agrégateurs intègrent des outils d’analyse plus complets et contextuels 42Roberts D., « Why soundcharts, used by all three major record companies, is “not your typical music data aggregator” », Music Business Worldwide, 3 février 2021, en ligne : www.musicbusinessworldwide.com/why-soundcharts-used-by-all-major-record-companies-is-not-your-typical-music-data-aggregator., par exemple pour différencier les comportements d’écoute passive ou active (engagement). Pour les mêmes raisons, les pouvoirs publics et les organisations professionnelles mettent en garde contre les risques liés à l’achat de fake streams, puisqu’ils dégradent, entre autres, la capacité de mobilisation stratégique des données.

Dans un deuxième temps, après analyse de l’impact de leur musique dans différents territoires, les professionnels peuvent mettre en place des stratégies plus spécifiques. Les données servent alors à convaincre des partenaires étrangers, notamment des tourneurs, afin de « concrétiser l’export » par le concert et la rencontre avec les fans. Autrement dit, loin de permettre un développement international entièrement piloté à distance, les plateformes et les données sont plutôt des déclencheurs, des catalyseurs et des informateurs qui requièrent le plus souvent des partenaires locaux : « La data, ça permet de gagner du temps sur la compréhension d’un territoire, même si ça ne remplace pas tout. C’est impératif d’avoir un apport, des gens sur place pour développer. Cela permet au départ, quand tu n’as personne, d’initier les premiers mouvements 43Témoignage d’un employé chez un distributeur numérique français. ». Pour étoffer ce travail sur les données, les agrégateurs de données ainsi que les programmes publics de soutien à l’export proposent des « fiches pays » avec davantage de données contextuelles et qualitatives 44Par exemple « Mexique : étude de marché », en ligne : cnm.fr/international/ressources-internationales/mexique-etude-de-marche..

Par exemple, le groupe parisien L’Impératrice, avec son style pop, funk électronique, a rapidement été diffusé sur des playlists de streaming internationales, faisant apparaître des auditeurs dispersés dans le monde entier. Malgré ce caractère mondial, la construction d’une notoriété plus solide et d’un public qui se déplace aux concerts s’est faite pays par pays, du fait de la structure indépendante composée de quelques personnes seulement qui entoure le groupe (Microqlima). Après une tournée virtuelle pendant la pandémie de Covid-19, puis avec le soutien du CNM et de son distributeur (Idol), le groupe a réussi à s’installer durablement sur le marché nord-américain, atteignant une consécration majeure lors de sa participation au festival Coachella. Même chez les majors françaises, on retrouve ce modèle par cercles concentriques, loin de l’image de succès mondial instantané enclenché par les algorithmes 45Bertin P., « L’export dopé au big data », Libération, 17 avril 2020, en ligne : www. liberation.fr/musique/2020/04/17/l-export-dope-au-big-data_1785596 ; Carpentier L., « TikTok, l’algorithme qui secoue la culture », Le Monde, 14 janvier 2023, en ligne : www.lemonde.fr/culture/article/2023/01/14/tiktok-l-algorithme-qui-secoue-la-culture_6157833_3246.html., par exemple avec Sony France et la chanteuse belgo-congolaise Lous and the Yakuza, dont l’« export readiness » repose sur une « pop urbaine », dansante, francophone et influencée par le hip-hop 46D’autres éléments interviennent, comme le choix de l’Espagnol El Guicho pour produire son album Gore (2020) ou de la Canadienne Wendy Morgan pour réaliser plusieurs clips.. Après un certain succès dans la zone francophone, elle a fait l’objet d’un développement spécifique avec les équipes de Sony Italie. En effet, les équipes locales ont observé une hausse des statistiques d’écoute dans leur pays et ont souhaité la soutenir, à travers des actions marketing ciblées et une collaboration avec un rappeur local, Sfera Ebbasta, en 2021. Par la suite, elle a multiplié les concerts, les premières parties d’artistes internationaux (Coldplay, Gorillaz, etc.) et surtout les festivals européens. Dans les deux cas, les modèles de développement international s’appuient certes sur les données mises à disposition par les plateformes, mais aussi et surtout sur une prise de risque organisationnelle et un travail de marketing qui restent, finalement, assez proches des stratégies qui avaient fonctionné pour la French touch.

Quant aux succès « viraux » et internationaux, enclenchés par le truchement des algorithmes et des échanges de pair-à-pair, devenus emblématiques de l’ère numérique, d’abord sur YouTube et aujourd’hui sur TikTok, ils restent plutôt l’exception. Lorsqu’ils surviennent, les traduire en une carrière plus durable est un véritable défi, qui demande une stratégie d’export finalement assez proche de ce que nous avons décrit précédemment. C’est le cas pour des artistes comme Petit Biscuit, Myd ou Kid Francescoli, tous évoluant dans des genres électroniques dansants. Une fois les territoires identifiés, les stratégies d’export s’appuyant sur les données appellent des compétences plus traditionnelles de direction artistique et de promotion : « À partir des données issues de Chartmetric ou autre, je vois quels sont les artistes étrangers les plus proches de moi ou l’audience que je vise, ça peut orienter pour un featuring ou pour demander un remix. Alors qu’avant c’était de la pure intuition et de l’artistique. Maintenant c’est plus objectivé. La temporalité des featurings internationaux est très importante, il faut qu’il y ait de l’authenticité, si c’est trop “marketé”, les fans s’en rendent compte. On donne des pistes, mais c’est l’artiste qui est roi et qui décide 47Témoignage d’un chargé du développement international dans une major française.. » En d’autres termes, aucun succès international durable ne se fait seul, sans le travail intensif d’équipes professionnelles compétentes, non seulement vis-à-vis des données numériques, mais aussi sur le plan artistique et marketing. Ces équipes sont plutôt internalisées chez les majors, plutôt externalisées chez les indépendants.

Concernant l’évaluation des résultats, les plateformes de streaming et les agrégateurs ont le grand avantage pour les professionnels de montrer en temps réel les impacts de telle ou telle action de marketing, de permettre de faire des points d’étape et, donc, de relancer éventuellement une stratégie promotionnelle. Par ailleurs, l’accès facilité aux données permet de valoriser publiquement l’export, par exemple via la publication de bons résultats sur les réseaux sociaux, amplifiant ainsi l’aura internationale de tel ou tel artiste, label ou distributeur.

Qu’il soit le fruit des algorithmes ou du bouche-à-oreille, toute une partie du développement international de notoriété est décrite comme « organique » par les professionnels. Cela témoigne d’une forme de naturalisation du rôle de la technologie dans la rencontre toujours incertaine entre un public et un artiste. Certains discours excessifs louent l’idée que les données, et plus particulièrement les algorithmes, rendent obsolètes les compétences liées à la fabrique de notoriété 48« Ton public EST l’algorithme », affirme par exemple Chris Robley du distributeur CD Baby. Robley C., « The Spotify algorithm. What musicians need to know », DIY Musician, 14 juin 2022, en ligne : diymusician.cdbaby.com/music-career/spotify-algorithm.. Pour d’autres, la suprématie des données est perçue comme une menace, non seulement pour leurs compétences, mais aussi pour les valeurs historiques de singularité, d’excellence et de mérite propres aux régimes démocratiques 49Heinich N., L’élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, 2005.. Toutefois, les professionnels interrogés conservent une part importante d’autonomie dans leur rapport aux environnements numériques, insistant sur le relationnel, la créativité et les compétences pour « activer » les données. C’est ce qui fait dire à Thomas Morenne, chargé de développement international chez Sony France : « Ce qui est beau, c’est que tu es à la croisée de la créativité et de la tech 50« Les rencontres de Janis #14. Avec Thomas Morenne, International Marketing Manager chez Sony Music », Deezer, 24 octobre 2022, en ligne : www.deezer.com/fr/show/3491857. ». L’optimisation du développement de carrière internationale liée à l’usage des données s’inscrit donc dans une continuité plutôt que dans une rupture vis-à-vis des modèles historiques de l’industrie musicale, où le risque et l’incertitude dominent toujours 51Hesmondhalgh D., The Cultural Industries, Londres, Sage, 2018..

Trigger cities ou la mise en données des rapports Nord/Sud

L’une des particularités de la mise à disposition des données numériques est d’avoir modifié la géographie de l’export. En effet, nombre d’artistes et de labels concentraient auparavant leurs efforts à l’export sur les centres de l’industrie musicale mondiale, notamment l’Angleterre et les États-Unis. Or les données indiquent désormais d’autres chemins. Il est moins rare aujourd’hui de voir certains artistes se développer d’abord en Allemagne ou dans d’autres pays européens. Les stratégies d’export sont généralement plus fragmentées, progressives et ciblées en fonction des données par territoire, tout en visant parfois le monde entier de manière indifférenciée, comme nous l’avons vu précédemment.

Par ailleurs, l’adoption progressive des services de streaming dans le monde entier complexifie cette géographie, notamment dans le cas d’immenses bassins de population comme l’Inde, le Brésil ou la Chine 52Bien que l’utilisation de plateformes locales, notamment dans le cas de la Chine, limite l’accès aux données.. Si la mise en place de stratégies d’export dans ces territoires est encore balbutiante, les données numériques dont elles dépendent laissent apparaître de nouvelles formes de relations internationales et, plus particulièrement, de rapports Nord/Sud. On l’observe à la fois à travers l’intérêt que témoignent les professionnels des pays du Nord à exporter vers les marchés des Suds, mais aussi avec la popularisation progressive d’artistes issus de différentes régions du monde, notamment de Corée du Sud ou du continent latino-américain 53Pour le cas de la K-pop en France, voir CicchelliV. et Octobre S., K-pop. Soft power et culture globale, Paris, PUF, 2022..

Dans le milieu professionnel des données numériques, un concept illustre plus précisément ces nouveaux rapports Nord/Sud, celui de « trigger city ». Selon l’agrégateur Chartmetric, certains marchés musicaux en développement auraient le pouvoir d’influencer les algorithmes, contribuant ainsi à étendre l’audience d’un artiste à travers le monde. Ces marchés ont été identifiés en 2018 par Chaz Jenkins, directeur commercial de Chartmetric, à partir d’une étude portant sur 40 artistes à succès dans plusieurs pays du Nord évoluant dans des genres pop, RnB, musique électronique et hip-hop 54« 6MO : Music industry trends from H2 2020 », Chartmetric, 2021, en ligne : chartmetric.com/music-industry-trends/6mo-report-2020-h2.. En analysant la géolocalisation des écoutes, des fans et des commentaires sur différentes plateformes, cette étude a mis en évidence la prépondérance de territoires habituellement peu pris en compte par les professionnels de l’export : les trigger cities. Leurs principales caractéristiques consistent en une grande diversité de goûts musicaux (non limités au répertoire local ou national) et une forte consommation de musique en streaming, elle-même liée à une forte densité de population, une utilisation élevée du téléphone portable et des médias sociaux. Citons, par ordre d’importance selon l’étude, Mexico, Lima, Bogota, Santiago, Jakarta, Bangkok, Guayaquil, Istanbul, São Paulo et Ankara. De nombreuses trigger cities se trouvent, de fait, dans les pays dits émergents d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est, des régions où la technologie a récemment accéléré l’accès du grand public à la musique populaire occidentale.

L’âge moyen dans ces régions tend à être moins élevé que dans le Nord global. De plus, l’effet combiné de la colonisation, des échanges commerciaux, de la migration et du tourisme favoriserait le multilinguisme au sein de ces pays et de leurs diasporas, rendant les populations réceptives à une plus grande diversité de cultures, de médias et de divertissements 55Yuen M., « Dhruv proves the globalization of music can break new artists », Chartmetric, 9 novembre 2022, en ligne : blog.chartmetric.com/dhruv-globalization-music.. Enfin, les utilisateurs de ces régions auraient tendance à partager et à s’intéresser à la musique beaucoup plus librement et fréquemment sur les médias sociaux que les utilisateurs d’Europe et d’Amérique du Nord. En comparaison, les marchés traditionnels tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Europe occidentale et l’Australie sont présentés comme saturés. Chartmetric a ensuite converti ce résultat en concept marketing mis à disposition de l’industrie, détaillant notamment les comportements et les goûts des populations des trigger cities sur différentes plateformes (Spotify, YouTube, Instagram et Shazam).

Pour illustrer leur propos, les experts de Chartmetric utilisent le cas d’artistes métisses comme étant les mieux placés pour bénéficier de l’effet des trigger cities 56Hyun Kim M., « How Asian artists from western countries find global audiences », Chartmetric, 15 décembre 2022, en ligne : blog.chartmetric.com/asian-artists-global-audiences.. L’idée est d’encourager les professionnels de la musique à s’intéresser à ces métropoles, du fait notamment de leurs tarifs publicitaires très bas, permettant ainsi de développer une base de fans plus rapidement. En raison de leur statut socio-économique et des taux d’abonnement plus faibles, les écoutes dans les trigger cities ne génèrent pas de revenus aussi élevés que dans le Nord global. Cependant, le volume important de streaming provenant des trigger cities aurait un impact sur les algorithmes, influençant in fine les écoutes et donc les revenus globaux. Ici, les algorithmes de recommandation sont présentés comme les principaux déclencheurs d’écoute d’un titre, via les playlists ou la lecture automatique (autoplay), alors même que le pouvoir des algorithmes est régulièrement remis en cause 57Beuscart J.-S., Coavoux S. et Maillard S., « Les algorithmes de recommandation musicale et l’autonomie de l’auditeur. Analyse des écoutes d’un panel d’utilisateurs de streaming », Réseaux, no 213, 2019, p. 17-47 ; Hesmondhalgh D., Campos Valverde R., Bondy Valdovinos K. et Zhongwei L., « The impact of algorithmically driven recommendation systems on music consumption and production. A literature review », UK Centre for Data Ethics and Innovation Reports, 2023..

Si les professionnels interrogés pour cette étude témoignent de statistiques d’écoutes relativement élevées dans certains territoires comme le Mexique ou le Brésil, ils restent prudents avant de mettre en place des stratégies d’export. Non seulement ces écoutes peuvent se révéler peu significatives par rapport à l’ensemble de la population concernée, mais les coûts de production d’une tournée sur place demeurent tout aussi élevés, si ce n’est plus, qu’en Europe par exemple. Ils gardent un œil sur les données numériques liées à ces territoires, mais leur pratique de l’export reste prioritairement associée aux marchés qu’ils connaissent le mieux, c’est-à-dire les marchés nord-américains et européens. L’approche de nouveaux territoires ne peut se faire que de manière empirique, pas à pas, suivant les compétences et moyens nécessairement limités des professionnels de l’export.

S’il y a forcément une part de prophétie marketing dans le concept des trigger cities, censé amener les professionnels à s’intéresser davantage aux données en faisant appel aux services des agrégateurs, on peut en faire une lecture plus critique. Les trigger cities sont présentées comme des territoires inexplorés, pour ne pas dire à « conquérir ». L’intérêt pour les pays du Sud n’est pas nouveau et renvoie autant à la curiosité cosmopolite qu’aux préconceptions néocoloniales de certains artistes et professionnels de l’industrie musicale 58Waksman S., « Les arènes de l’imagination. Tournées mondiales et concerts de heavy metal dans les années 1970 » dans G. Guibert et G. Heuguet (dir.), Penser les musiques populaires, Paris, Éditions de la Philharmonie de Paris, 2022.. Bien que les experts de Chartmetric semblent préoccupés par la diversité artistique, ils envisagent avant tout les possibilités de réussite d’artistes, certes métis, mais issus du Nord global. De plus, leur concept réduit les grandes métropoles des Suds à des réservoirs d’auditeurs au service de multinationales de la musique, instrumentalisant ainsi le concept de diversité 59Mattelart T., « Enjeux intellectuels de la diversité culturelle. Éléments de déconstruction théorique », Culture prospective, vol. 2, 2009, p. 1-8.. Si les grandes métropoles du Sud global sont présentées comme ayant une influence, c’est avant tout pour stimuler les industries culturelles dominantes par le truchement des algorithmes, plutôt que pour créer des formes d’échanges plus équilibrées et circulaires. En d’autres termes, le concept de trigger cities témoigne avant tout d’une mise en données des rapports de pouvoir historiques entre Nord et Sud. La perpétuation de ces rapports dans les discours sur les données s’ajoute à celle des stéréotypes de genre ou de race par le travail supposément neutre des algorithmes 60Werner A., « Organizing music, organizing gender. Algorithmic culture and Spotify recommendations », Popular Communication, vol. 18, n° 1, 2020, p. 78-90 ; Schroeder J. E., « Reinscribing gender. Social media, algorithms, bias », Journal of Marketing Management, vol. 37, no 3-4, 2021, p. 376-378.. Ainsi, une éthique de l’export reste à construire, notamment à l’heure où les politiques publiques, censées être plus sensibles aux concepts de justice sociale, s’investissent autant dans le soutien à l’export.

Conclusion 

Loin de l’imaginaire de fluidité et de désintermédiation qui peut encore prévaloir au sein du grand public et qui est renforcé par l’ergonomie des interfaces de streaming, la circulation musicale internationale est l’objet d’un travail hautement spécialisé et d’investissements importants, du fait de la quantité de données à analyser et des leviers marketing possibles. Ce travail est mis en œuvre par les professionnels de l’export avec l’aide de nouveaux acteurs, comme les distributeurs numériques et les agrégateurs de données. Contrairement à l’idée d’une toute-puissance des données, ce travail repose sur une combinaison de rationalité et de créativité. En effet, les données numériques mises à disposition par les plateformes agissent comme un outil rendant visibles des comportements d’écoute lointains, et informent à ce titre les décisions stratégiques à l’export. Toutefois, ces données ne constituent en aucun cas l’assurance d’un succès international. En ce qui concerne les professionnels de l’export, et le rapport de force avec les plateformes, les données numériques occupent un rôle particulièrement ambivalent ; elles sont censées optimiser le développement d’artistes dans un contexte d’abondance que les plateformes ont elles-mêmes engendré. Si les données numériques constituent un outil, la pertinence et la créativité avec lesquelles ce dernier est utilisé restent donc un important facteur de différenciation.

Par ailleurs, en termes structurels, si l’accès aux données des plateformes a démocratisé l’export chez nombre d’indépendants, avec l’aide d’intermédiaires spécialisés comme les distributeurs ou les agrégateurs, les majors conservent leur position dominante. Ce phénomène, connu comme le streaming paradox, s’explique à la fois par les habitudes des consommateurs de musique, les affordances des plateformes et le pouvoir historique des majors 61Maasø A. et Storstein Spilker H., « The streaming paradox. Untangling the hybrid gatekeeping mechanisms of music streaming », Popular Music and Society, vol. 45, no 3, 2022, p. 300-316.. Malgré tout, cette démocratisation relative donne à la géographie de l’export un aspect plus éclaté, partagé entre les territoires à forte consommation de streaming, les centres historiques de l’industrie musicale (Grande-Bretagne, États-Unis), et d’autres territoires à proximité variable (Allemagne ou Italie, pour les professionnels français par exemple). Cet éclatement est, lui aussi, en demi-teinte, puisque les discours marketing sur les données numériques perpétuent en partie les rapports Nord/Sud, comme en atteste le cas des trigger cities.

Cela signifie qu’une politique de l’export doit être sensible aux dimensions à la fois techniques et culturelles de la circulation mondiale de la musique, et envisager les déséquilibres, non seulement au sein de l’industrie (entre indépendants et majors par exemple), mais aussi entre territoires. Espérons que l’institutionnalisation progressive de l’export au niveau européen, bien que récente, continue de prendre en compte ces enjeux, à travers des programmes de coopération entre pays européens, et des relations plus durables avec les industries des Suds 62Commission européenne – direction générale pour l’Éducation, la Jeunesse, les Sports et la Culture, Jacquemet B., Le Gall A., Saraiva N. et al., « Music moves Europe. A European music export strategy : final report », Publications Office, 2019, en ligne : data.europa.eu/doi/10.2766/68347..

  • 1
    Chen S., Homan S., Redhead T. et Vella R., The Music Export Business. Born Global, Londres, Routledge, 2021.
  • 2
    Certains professionnels font la distinction entre export et développement international, le premier désignant un produit fini que l’on chercherait à vendre à l’étranger, tandis que le deuxième serait davantage dans la construction progressive d’une notoriété globale. Toutefois, par souci de simplicité, nous englobons le tout dans la catégorie d’export, telle qu’elle est utilisée par les pouvoirs publics.
  • 3
    Mentionnons, en particulier, le rôle clé des producteurs de spectacles et des festivals showcases.
  • 4
    Heuguet G., « Vers une micropolitique des formats : content ID et l’administration du sonore », Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 13, no 3, 2019, p. 817-848.
  • 5
    Mis pour user generated content, ou « contenu généré par les utilisateurs », elles comprennent par exemple YouTube, TikTok, etc.
  • 6
    Todd D., Un empire de velours. L’impérialisme français au XIXe siècle, Paris, La Découverte, 2022.
  • 7
    Pistone D., « La musique comme ambassadrice ? L’Association française d’action artistique (1922-2006) : bilans et enjeux », Relations internationales, vol. 156, 2013, p. 21-35.
  • 8
    Hakanen E. A., « Counting down to number one. The evolution of the meaning of popular music charts », Popular Music, vol. 17, no 1, 1998, p. 95-111.
  • 9
    Osborne R., « “At the sign of the swingin” symbol. The manipulation of the UK singles chart », dans R. Osborne et D. Laing (dir.), Music by Numbers. The Use and Abuse of Statistics in the Music Industries, Bristol, Intellect Books, 2020.
  • 10
    Mejias U. A. et Couldry N., « Datafication », Internet Policy Review, vol. 8, no 4, 2019, en ligne : policyreview.info/concepts/datafication.
  • 11
    Astor P., « Les big datas musicales, une question de souveraineté culturelle qui n’est pas posée », Music Zone, 22 novembre 2022, en ligne : musiczone.substack.com/p/les-big-datas-musicales-une-question.
  • 12
    Marshall L., « Do people value recorded music ? », Cultural Sociology, vol. 13, no 2, 2019, p. 141–158.
  • 13
    TschmuckP., « From record selling to cultural entrepreneurship the music economy in the digital paradigm shift », dans P. Wikström et R. DeFillippi (dir.), Business Innovation and Disruption in the Music Industry, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2016, p. 13-32.
  • 14
    Weiszfeld D., « How project management SHOULD work in the music industry », LinkedIn, 25 septembre 2016, en ligne : www.linkedin.com/pulse/how-project-management-should-work-music-industry-david-weiszfeld-1.
  • 15
    La différence notable avec l’industrie audiovisuelle est que les plateformes comme Netflix conservent toutes les données sur la performance des contenus, tandis que le « gatekeeping » de Spotify se joue plutôt sur les playlists ; différence que l’on peut expliquer par le statut de producteur de contenus de Netflix.
  • 16
    Stassen M., « Warner is signing double the number of artists via AI-driven A&R tool Sodatone than it did last year. Now, it’s hired a global head of Data Science », Music Business Worldwide, 24 novembre 2020, en ligne : www.musicbusinessworldwide.com/warner-is-signing-double-the-number-of-artists-via-ai-driven-ar-tool-sodatone-than-it-did-last-year-now-its-hired-a-global-head-of-data-science
  • 17
    Roussel V., « Quand Hollywood produit aussi des données », AOC, 12 décembre 2022, en ligne : aoc.media/analyse/2022/12/11/quand-hollywood-produit-aussi-des-donnees.
  • 18
    AUC Data Science Initiative, « The sound of Data Science », YouTube, 13 mars 2022, en ligne : www.youtube.com/watch?v=Pri4SWAxqHo.
  • 19
    « “Les projets sont davantage pensés dès l’origine pour l’international” (Florian Abessira, Universal) », News Tank Culture, 12 mai 2022, en ligne : culture.newstank.fr/article/view/250908.
  • 20
    En effet, même le cas des groupes français devenus connus à l’étranger avant la massification d’Internet, comme Phoenix ou Daft Punk, est considéré comme marginal. Dans l’industrie, le principe du « prophète en son pays » reste plutôt de mise.
  • 21
    Un chiffre d’affaires qui pouvait atteindre 20-30 % pour des artistes considérés comme idiosyncrasiques d’un pays, par exemple des artistes de chanson française, et jusqu’à plus de 50 % pour des genres plus globaux comme l’électro, selon le témoignage d’un employé chez un distributeur numérique français.
  • 22
    Témoignage d’un patron de label indépendant français.
  • 23
    Le seuil minimal décidé par le CNM en accord avec les professionnels de l’export est de 1 000 abonnés sur une plateforme de streaming et une autre de réseau social.
  • 24
    Voir par exemple l’étude de Music Tomorrow de 2021 portant sur un échantillon de 72 répondants issus de l’industrie musicale.
  • 25
    Son étude repose sur un questionnaire distribué via les organisations professionnelles norvégiennes (N = 555) et sept entretiens. Il est intéressant de noter qu’en Norvège, les revenus du streaming ont dépassé les revenus des ventes physiques dès 2011.
  • 26
    Maasø A. et Hagen A. N., « Metrics and decision-making in music streaming », Popular Communication, vol. 18, no 1, 2020, p. 18-31.
  • 27
    Par exemple, dans le cas d’une hausse d’abonnés sur une plateforme qui est plus faible que la hausse totale des utilisateurs de la même plateforme, on parle alors de hausse relative.
  • 28
    Défini comme « the ability to access the media, to understand and to critically evaluate different aspects of the media and media content and to create communications in a variety of contexts ».
  • 29
    Hagen A. N., « Datafication, literacy, and democratization in the music industry », Popular Music and Society, vol. 45, no 2, 2021, p. 184-201.
  • 30
    Costantini S., « Compétences communicationnelles et pratiques numériques des “musiciens connectés” », tic&société, vol. 14, no 1-2, 2020, p. 131-157.
  • 31
    Cette notion renvoie à un ensemble de valeurs attribuées à l’artiste et son oeuvre oscillant entre les domaines esthétiques (type de musique, langue chantée, etc.) et professionnels (compétence en anglais pour donner des interviews, capacité à enchaîner les tournées, etc.). Par exemple, un des archétypes d’export readiness en France est Christine and the Queens, avec son chant bilingue, son esthétique électro-pop dansante, la fluidité de son anglais parlé.
  • 32
    En particulier, il faut souligner la place prépondérante des festivals showcases dans ce type de développement, par exemple South by Southwest aux États-Unis, Eurosonic en Hollande, Reeperbahn en Allemagne, ou encore BIME en Espagne.
  • 33
    C’est-à-dire qu’il intègre la production phonographique et live, l’édition, le management.
  • 34
    Munsch A., « Millennial and generation Z digital marketing communication and advertising effectiveness. A qualitative exploration », Journal of Global Scholars of Marketing Science, vol. 31, no 1, 2021, p. 10-29.
  • 35
    Guignard T., « Données personnelles et plateformes numériques. Sophistication et concentration du marché publicitaire », tic&société, vol. 13, no 1-2, 2019, p. 43-69.
  • 36
    Tompkins T., Oesterle U. et Alexander C., « Indie folk and Americana triggers. An analysis of streaming music, audience behavior, and global opportunity », Journal of the Music and Entertainment Industry Educators Association, vol. 21, no 1, 2021, p. 91-125.
  • 37
    Meier L. M., Popular Music as Promotion. Music and Branding in the Digital Age, Hoboken, John Wiley and Sons, 2017.
  • 38
    Dans certains cas, il peut s’agir d’une volonté de l’artiste d’explorer tel ou tel territoire, en fonction de ses affinités ou ses origines.
  • 39
    Témoignage d’un employé chez un distributeur numérique français.
  • 40
    Issu du marketing digital anglophone, ce terme désigne le degré d’implication d’un utilisateur vis-à-vis d’un contenu. On le mesure par exemple avec le temps de lecture.
  • 41
    Plateforme de vente de musique physique et numérique où les gains sont en grande partie reversés aux ayants droit.
  • 42
    Roberts D., « Why soundcharts, used by all three major record companies, is “not your typical music data aggregator” », Music Business Worldwide, 3 février 2021, en ligne : www.musicbusinessworldwide.com/why-soundcharts-used-by-all-major-record-companies-is-not-your-typical-music-data-aggregator.
  • 43
    Témoignage d’un employé chez un distributeur numérique français.
  • 44
    Par exemple « Mexique : étude de marché », en ligne : cnm.fr/international/ressources-internationales/mexique-etude-de-marche.
  • 45
    Bertin P., « L’export dopé au big data », Libération, 17 avril 2020, en ligne : www. liberation.fr/musique/2020/04/17/l-export-dope-au-big-data_1785596 ; Carpentier L., « TikTok, l’algorithme qui secoue la culture », Le Monde, 14 janvier 2023, en ligne : www.lemonde.fr/culture/article/2023/01/14/tiktok-l-algorithme-qui-secoue-la-culture_6157833_3246.html.
  • 46
    D’autres éléments interviennent, comme le choix de l’Espagnol El Guicho pour produire son album Gore (2020) ou de la Canadienne Wendy Morgan pour réaliser plusieurs clips.
  • 47
    Témoignage d’un chargé du développement international dans une major française.
  • 48
    « Ton public EST l’algorithme », affirme par exemple Chris Robley du distributeur CD Baby. Robley C., « The Spotify algorithm. What musicians need to know », DIY Musician, 14 juin 2022, en ligne : diymusician.cdbaby.com/music-career/spotify-algorithm.
  • 49
    Heinich N., L’élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, 2005.
  • 50
    « Les rencontres de Janis #14. Avec Thomas Morenne, International Marketing Manager chez Sony Music », Deezer, 24 octobre 2022, en ligne : www.deezer.com/fr/show/3491857.
  • 51
    Hesmondhalgh D., The Cultural Industries, Londres, Sage, 2018.
  • 52
    Bien que l’utilisation de plateformes locales, notamment dans le cas de la Chine, limite l’accès aux données.
  • 53
    Pour le cas de la K-pop en France, voir CicchelliV. et Octobre S., K-pop. Soft power et culture globale, Paris, PUF, 2022.
  • 54
    « 6MO : Music industry trends from H2 2020 », Chartmetric, 2021, en ligne : chartmetric.com/music-industry-trends/6mo-report-2020-h2.
  • 55
    Yuen M., « Dhruv proves the globalization of music can break new artists », Chartmetric, 9 novembre 2022, en ligne : blog.chartmetric.com/dhruv-globalization-music.
  • 56
    Hyun Kim M., « How Asian artists from western countries find global audiences », Chartmetric, 15 décembre 2022, en ligne : blog.chartmetric.com/asian-artists-global-audiences.
  • 57
    Beuscart J.-S., Coavoux S. et Maillard S., « Les algorithmes de recommandation musicale et l’autonomie de l’auditeur. Analyse des écoutes d’un panel d’utilisateurs de streaming », Réseaux, no 213, 2019, p. 17-47 ; Hesmondhalgh D., Campos Valverde R., Bondy Valdovinos K. et Zhongwei L., « The impact of algorithmically driven recommendation systems on music consumption and production. A literature review », UK Centre for Data Ethics and Innovation Reports, 2023.
  • 58
    Waksman S., « Les arènes de l’imagination. Tournées mondiales et concerts de heavy metal dans les années 1970 » dans G. Guibert et G. Heuguet (dir.), Penser les musiques populaires, Paris, Éditions de la Philharmonie de Paris, 2022.
  • 59
    Mattelart T., « Enjeux intellectuels de la diversité culturelle. Éléments de déconstruction théorique », Culture prospective, vol. 2, 2009, p. 1-8.
  • 60
    Werner A., « Organizing music, organizing gender. Algorithmic culture and Spotify recommendations », Popular Communication, vol. 18, n° 1, 2020, p. 78-90 ; Schroeder J. E., « Reinscribing gender. Social media, algorithms, bias », Journal of Marketing Management, vol. 37, no 3-4, 2021, p. 376-378.
  • 61
    Maasø A. et Storstein Spilker H., « The streaming paradox. Untangling the hybrid gatekeeping mechanisms of music streaming », Popular Music and Society, vol. 45, no 3, 2022, p. 300-316.
  • 62
    Commission européenne – direction générale pour l’Éducation, la Jeunesse, les Sports et la Culture, Jacquemet B., Le Gall A., Saraiva N. et al., « Music moves Europe. A European music export strategy : final report », Publications Office, 2019, en ligne : data.europa.eu/doi/10.2766/68347.
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