« Se réinventer »
La romantisation d’une injonction néolibérale à l’adresse des musiciennes et musiciens en temps de Covid
Introduction
« Il nous faudra bâtir une stratégie où nous retrouverons […] la résilience […]. Sachons […] sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer […] », dit le président de la République française en 2020[1]. Cette année et la suivante, alors que les salles de spectacle, les cafés-concerts et les bars musicaux étaient tous fermés à cause de la pandémie de Covid-19, l’expression « se réinventer» a été, en France comme en Suisse, au cœur du discours public émanant des autorités politiques, du secteur des affaires et des médias[2].
Cette expression s’inscrit dans le cadre idéologique néo-libéral tel qu’analysé par Luc Boltanski et Ève Chiapello dans Le nouvel esprit du capitalisme[3] comme une généralisation de la figure de l’entrepreneur schumpétérien dans sa version la plus romantisée, associant besoin d’innovation, « créativité » et quête permanente de profit personnel[4]. Se réinventer participe ainsi de l’« entrepreneuriat de soi » (entrepreneurial self[5]) : face à la nouvelle incertitude de la vie professionnelle, chaque individu devrait devenir le petit entrepreneur de sa propre existence.
Le moment du Covid-19 fut une occasion extraordinaire de promouvoir cette idée auprès des artistes en particulier. Dans ce cadre idéologique, la figure sociale de l’artiste constitue un modèle assez désirable, combinant sous le registre du talent un ensemble de caractéristiques spécifiques dans le rapport au travail, comme l’a montré Pierre-Michel Menger : « L’artiste voisine avec une incarnation possible du travailleur du futur, […] inventif, mobile, indocile aux hiérarchies, intrinsèquement motivé, pris dans une économie d’incertain, et plus exposé aux risques de la concurrence interindividuelle et aux nouvelles insécurités des trajectoires professionnelles[6]. »
Dans ce chapitre, nous allons donc discuter cette expression et la façon dont elle participe d’une opération d’enchantement du monde social peu en rapport avec les réalités empiriquement observées, et nous allons montrer combien il est difficile mais nécessaire de penser la grande diversité des situations des musiciennes et musiciens.
Méthodes d’enquête
Anciennement musicien (contrebasse et basse électrique), « professionnel » quoique très précaire, nous menons depuis plus de vingt ans une étude au long cours du travail et des carrières des « musiciens ordinaires », d’abord par la recherche ethnographique en France[7], plus récemment en Suisse avec Pierre Bataille, en renforçant l’enquête de terrain par l’approche statistique[8], et dernièrement avec Loïc Riom et Philippe Gonzalez pour une enquête en cours sur l’enseignement de la guitare en ligne. Pendant et depuis la crise du Covid-19, nous avons mené de nouvelles enquêtes par entretiens et observations parfois participantes dans le sud de la France, dirigé plusieurs projets de recherche financés tour à tour par le Fonds national scientifique suisse, par la ville de Genève, le canton de Vaud, ou encore la Haute École de musique de Lausanne (HEMU), sur le travail musical et les carrières musiciennes[9]. Ils ont été choisis pour leur diversité, représentative des grandes inégalités dans les modalités du rapport au travail et à l’emploi dans le métier de musicien. Les grandes disparités entre les situations individuelles reflètent le caractère (encore ?) très informel et peu régulé de l’espace professionnel. Les résultats présentés ne sont donc pas le fruit d’une seule enquête consacrée aux conséquences du Covid, mais d’un important faisceau d’éléments tirés de différentes enquêtes et reposant sur une connaissance approfondie des carrières musicales « ordinaires », en France et en Suisse.
Idéologie du talent et de la réinvention de soi
C’est justement parce qu’ils sont faiblement régulés et qu’ils reposent largement sur la justification des plus grandes inégalités socio-économiques par la notion de talent, que les espaces du travail artistique sont souvent considérés en sociologie comme des laboratoires du néolibéralisme et de l’idéologie de l’entrepreneuriat de soi.
Ainsi, le travailleur idéal dans le capitalisme contemporain, dans un contexte de brouillage des frontières entre salariat et indépendance, doit avant tout faire preuve de créativité, montrer sa capacité d’innovation, son adaptabilité, voire son amour du risque dans un monde en constante évolution et où rien ne peut être considéré comme acquis (statut, droits sociaux, etc.).
L’idéologie néolibérale tend à imposer une conception de l’être humain comme entrepreneur de sa carrière et de sa vie dans le contexte d’une guerre (économique) de tous contre tous et d’un développement du « soi entrepreneurial[10] ». Le Covid-19 a été une occasion unique de promouvoir et d’encourager cette idée dans de nombreux secteurs d’activité qui voyaient leur contexte d’exercice changer radicalement.
En ces temps troublés de 2020-2021, le mot-clé était résilience. Il s’était déjà imposé dans le sens commun depuis une décennie, notamment dans le monde francophone avec le travail de branding du médiatique Boris Cyrulnik[11]. La notion de résilience peut sembler être une adaptation en psychologie de l’idéologie méritocratique commune selon laquelle le succès revient aux personnes qui le méritent. Mais elle a une dimension supplémentaire, car la résilience ne peut être dissociée de l’épreuve, de la souffrance. L’idée colportée par Cyrulnik que des expériences traumatisantes constitueraient en fait une bonne base pour construire un soi « meilleur » et « plus fort » est déjà quelque peu problématique. Mais, de fait, on peut considérer que la théorie de la résilience implique également une forme d’acceptation de l’ordre établi, des choses telles qu’elles sont, devant lesquelles nous ne pourrions que cultiver notre capacité de résilience. On peut donc même y voir une injonction à l’obéissance sociale et à la docilité.
Dans cette perspective, l’injonction à se réinventer est une invitation positive à faire preuve de résilience. Surtout, elle repose implicitement sur l’idée que nous nous « inventons », ce qui n’est pas politiquement neutre. En effet, si nous nous inventons nous-mêmes, alors notre existence dépend essentiellement de la capacité de chaque individu à inventer sa propre vie. Cela renvoie largement à la notion de talent, qui est aussi au cœur de l’idéologie de l’entrepreneuriat de soi. Dans cette optique, la résilience est un talent, et les vrais talents sont résilients, agiles et autonomes. La crise ne ferait finalement que révéler les différences entre les musiciens (ou tout autre métier artistique ou même de service) médiocres à la vocation incertaine et à la carrière fragile d’un côté, et de l’autre les « vrais » musiciens talentueux et résilients. Idéologie du darwinisme social, survival of the fittest.
À présent, voyons comment la période du Covid s’est effectivement déroulée pour des individus réels, en France et en Suisse, travaillant dans le domaine de la musique en 2020-2021. En fonction de leurs caractéristiques sociales, de leur statut d’emploi et de leurs ressources, comment ont-ils fait face à plus d’un an de quasi-mise à l’arrêt d’une grande part de leur secteur d’activité ?
Une crise qui « fait mal », sans filet de sécurité
Pour la plupart des musiciennes et musiciens en Suisse, et pour bon nombre de personnes exerçant une activité musicale en France, mais ne bénéficiant pas du régime d’indemnisation chômage des salariés intermittents du spectacle, la période 2020- 2021 a « fait mal », comme le disent plusieurs enquêtés[12]. Rappelons que les musiciennes et musiciens « ordinaires », soit l’immense majorité des personnes qui gagnent leur vie grâce à leur activité musicale sans être ni riches ni célèbres, tirent l’essentiel de leurs revenus de la scène, et parfois de l’enseignement, mais pas de la vente de musique enregistrée[13]. Nous évoquerons ici trois cas rencontrés sur le terrain : un musicien instrumentiste traditionnel, une musicienne-technicienne de scène, et un auteur-compositeur-interprète. Nous verrons que, pour eux trois, l’injonction entrepreneuriale à se réinventer ne fait guère de sens.
Darian[14] est originaire de la minorité rom sédentarisée de Serbie, il a 35 ans et vit près de Mulhouse, à la frontière allemande. Son épouse, rom kosovare, travaille comme serveuse dans un restaurant en Allemagne, à Staufen im Breisgau. Ils ont un enfant né en 2015. Darian joue de la guitare et de presque tous les instruments à cordes pincées. Dans son enfance, il a appris la guitare classique à l’école de musique de son village, ainsi que la musique traditionnelle des Balkans au sein de sa famille où « la plupart des gens chantaient et jouaient d’un instrument » (accordéon, violon, guitare, luth ou clarinette). Il a migré en Europe occidentale à 20 ans et, très virtuose, a rapidement intégré les circuits informels des concerts dans les communautés roms et balkaniques en France, Allemagne, Suisse et Belgique. Il explique qu’il a toujours été sollicité par « la famille », des musiciens de la communauté, et que depuis vingt ans il joue en public entre cinquante et cent fois par an, notamment pour des mariages et des fêtes religieuses, mais aussi parfois dans des cafés-concerts, ou des festivals de musique du monde. Travaillant régulièrement, dans différents pays, mais sans être déclaré, il n’a jamais bénéficié des allocations chômage spécifiques aux salariés intermittents du spectacle en France. Lorsque le Covid est arrivé en mars 2020, Darian a été confronté à la disparition totale de son univers professionnel : annulation de tous les engagements, fermeture des lieux de sociabilité où il était régulièrement engagé… Darian n’avait plus aucun revenu, tout comme son épouse depuis la fermeture du restaurant où elle travaillait. Au bout de quelques semaines, il a dû prendre un emploi de maçon, toujours non déclaré, dans l’entreprise de construction d’un cousin en Alsace, et il a passé un an à faire le manœuvre sur des chantiers. Après la pandémie, il a retrouvé sa guitare et a repris des gigs (concerts) entre le circuit communautaire et les scènes de la world music, toujours associé aux musiciens avec lesquels il travaillait auparavant. Les deux années de Covid n’auront été qu’un grand vide dans sa vie de musicien, une parenthèse durant laquelle « il fallait nourrir la famille ». Il a depuis retrouvé son niveau d’activité et de revenu, mais a aussi pris conscience de l’extrême fragilité de sa situation et souhaiterait régulariser son rapport à l’emploi pour accéder à l’intermittence, ce qui est pour l’instant encore difficilement envisageable compte tenu du fonctionnement d’une bonne partie de ses employeurs et de ses collègues.
Avec un profil très différent, mais toujours un peu en marge de l’espace professionnel, on trouve le cas de Sophie, en Suisse romande, 27 ans en 2020. Elle est la fille d’une famille de paysans dans le canton rural du Valais. Elle joue de la batterie dans un groupe de punk rock, mais les engagements ne sont pas assez nombreux ni correctement rémunérés pour « en vivre ». Depuis 2014, elle travaille aussi comme technicienne de scène indépendante, souvent appelée sur des festivals et dans des théâtres avec quelques autres collègues qui constituent une équipe informelle, mais bien connue localement. Elle explique avoir commencé autour de 20 ans à participer au montage de plateaux, à l’éclairage et à la sonorisation dans de petites scènes et festivals en Valais. Elle s’est formée sur le tas, a rencontré d’autres techniciennes et techniciens et a commencé à travailler de plus en plus souvent dans des événements de plus en plus importants. Par exemple, elle fait systématiquement partie depuis 2017 des nombreux travailleurs et travailleuses techniques indépendants embauchés chaque année au Montreux jazz festival ou au Paleo festival de Nyon. Mais malgré le prestige de certaines des structures pour lesquelles elle a souvent travaillé, Sophie a toujours eu un statut précaire, sans poste permanent et aussi sans allocations chômage. En effet, il existe un régime spécifique d’indemnisation du chômage des intermittentes et intermittents du spectacle en Suisse, mais celui-ci ne prend pas en compte le travail technique, contrairement à ce que l’on connaît en France. C’est donc avec un statut d’indépendante que Sophie a toujours travaillé comme musicienne et surtout comme technicienne. Lorsque le Covid-19 est arrivé, elle a tout perdu et explique être « retournée vers son origine paysanne » en décidant d’élever une centaine de poulets et une douzaine de moutons dans le secteur rural où elle habite. Cette activité lui a procuré un revenu modeste, mais plus que bienvenu pendant un an environ, entre 2020 et 2021. Interrogée après la crise, elle a déclaré qu’elle pensait conserver cette activité au moins quelques années, car elle complétait ses revenus de technicienne-musicienne dans un secteur qui redémarrait progressivement. Sophie ne s’est pas « réinventée » pour survivre à la crise. Comme Darian, elle s’est tournée provisoirement vers son réseau familial, ses origines sociales populaires, et vers le travail manuel pour assurer un revenu de subsistance. Elle n’est pas devenue une slasher (musicienne/technicienne/éleveuse) par goût ou par confort, mais par obligation. Revenue à ses activités artistiques en 2022, elle envisage l’élevage comme un travail d’appoint pour sécuriser un revenu minimum, ayant pris conscience de la précarité de sa situation. Toutefois, il semble très difficile de concilier ces deux métiers sur le long terme.
Le dernier cas présenté dans cette partie est celui de Jim, un chanteur britannique de 70 ans en 2023, pour qui le Covid-19 a presque constitué une mise à la retraite forcée. Il est né en 1953 dans une famille de la petite classe moyenne à Londres, puis s’est installé en Allemagne au début des années 1970, essayant de marcher sur les traces des Beatles et de jouer dans les clubs de Hambourg, Stuttgart et Frankfort. S’il n’est pas devenu aussi célèbre que les Fab Four, il s’est fait un nom de singer-songwriter pop et folk dans les années 1970 et 1980 en Allemagne, où il est toujours relativement célèbre. C’est le seul pays où, selon lui, « il peut arriver qu’on [l]e reconnaisse dans le train ». Dans les années 1990 et 2000, Jim a travaillé de plus en plus fréquemment aux États-Unis, vivant entre l’Allemagne, Londres et Nashville, Tennessee, où il a beaucoup travaillé dans l’industrie des studios d’enregistrement. En 2023, il dit avoir écrit environ cinq cents chansons qui ont été enregistrées, la moitié par des artistes de folk, country, pop et rock laid-back (décontracté), l’autre moitié par lui-même sur une vingtaine d’albums à son nom, certains avec de grands labels comme Polydor ou BMG. Il a rencontré tous les plus grands noms des musiques actuelles, a joué et enregistré avec les meilleurs musiciens de session, et était, comme il aime le dire, « l’homme le plus chanceux sur Terre » (« luckiest guy on Earth »). Dans les années 2010, il a commencé à réduire son activité professionnelle, notamment les tournées, car il n’avait pas accès au même niveau de confort que les grandes stars de sa génération et la fatigue s’accumulait. En 2018-2019, il a traversé une période difficile pendant laquelle il a divorcé et a dû quitter son appartement de Londres. Il a déménagé dans une petite maison qu’il avait achetée avec sa femme des années auparavant dans le sud de la France, mais où ils n’avaient passé que quelques semaines épisodiquement. Il y vit depuis décembre 2019 et c’est ainsi que nous nous sommes rencontrés. Jim explique qu’en mars 2020, lorsque le Covid-19 est arrivé en Europe, il n’avait plus d’agent, et plus de contrat avec aucune société de production. Pendant l’été 2021, il répétait qu’il avait l’impression que le moment était venu pour lui de prendre sa retraite. Il était fatigué et désabusé face à l’évolution du marché de la musique. Il n’était sur aucun réseau social, ni Facebook, ni Twitter, ni Instagram, et n’avait pas de community manager. Ses quelques succès des années 1990 étaient loin, et il se sentait de plus en plus désajusté esthétiquement et socialement par rapport au monde des musiques actuelles. À présent, il donne encore quelques concerts, parfois importants et bien rémunérés, aux États-Unis et en Allemagne où il est quelquefois invité pour des événements particuliers (un concert hommage à Bob Dylan réunissant une vingtaine d’artistes à Los Angeles, par exemple). Mais il a joué en public moins de quinze fois en 2022. Jim vit principalement des droits d’auteur relativement modestes qu’il touche chaque année, et de l’argent que lui envoie l’un de ses fils qui, lui, est un entrepreneur aux affaires florissantes : il vend des falafels dans un food-truck lors de festivals en Grande-Bretagne et réalise, selon Jim, d’impressionnants bénéfices.
Dans les trois cas présentés, la crise du Covid-19 a été extrêmement difficile à surmonter. La fermeture des scènes, l’annulation des festivals ont fait disparaître presque entièrement leur secteur professionnel, et ces trois personnes n’avaient pas d’autre métier qualifié ni de soutien économique. Dans les cas de Darian ou Sophie, ce n’est pas particulièrement surprenant, car ils ont toujours vécu et travaillé près des marges du secteur professionnel. Mais pour Jim, il est assez frappant de voir que, malgré une véritable reconnaissance au niveau international, l’exclusion du monde musical professionnel a rapidement constitué une réalité très concrète. Le trait commun entre ces trois cas est qu’ils vivent et travaillent loin des infrastructures culturelles publiques, avec un statut d’emploi d’indépendant. Qu’ils rencontrent le succès ou non, tant qu’ils doivent encore travailler pour gagner leur vie, ils connaissent toujours une forme de précarité. La crise du Covid a mis en évidence la fragilité de leurs carrières, et aucun d’entre eux ne s’est « réinventé » pendant la période de fermeture des salles de concert. Au contraire, les deux personnes qui ont changé d’activité sont revenues au travail manuel de leurs origines familiales, et la troisième, plus âgée et se considérant déjà comme en fin de carrière, a traversé la période 2020-2021 dans une forme d’apathie dépressive.
Il est intéressant de comparer ces cas avec d’autres, pour lesquels la période de fermeture des lieux de spectacle pendant la pandémie a pu malgré tout constituer un moment professionnel atypique, mais intéressant.
« Survivre » à la crise grâce au soutien public
Les cas que nous présenterons dans cette partie sont ceux d’une musicienne-comédienne-technicienne, d’un batteur, d’un musicien-créateur sonore et d’une violoniste. Nous allons voir que si la situation de ces personnes leur a permis de « survivre », comme plusieurs l’ont dit, on ne peut pas considérer qu’elles se sont réinventées de quelque manière. Le premier cas que nous évoquerons est celui d’Anna. À 48 ans en 2022, originaire des petites classes moyennes, elle vit dans le Grand Ouest de la France. Elle a reçu une formation classique, joue du piano, des percussions, du trombone et de la trompette, et elle est aussi comédienne. Elle milite à la CGT spectacle. Anna cumule de multiples engagements et projets, mais elle a surtout développé des spectacles en solo revisitant de manière comique des monuments du patrimoine culturel français (les Fables de La Fontaine, par exemple), en mêlant performance musicale et théâtrale. Elle anime également des ateliers de théâtre pour enfants et adolescents dans sa région, et joue parfois dans des projets modestes de comédies musicales. Il lui arrive même de travailler comme technicienne lumière pour une des scènes de musiques actuelles (SMAC) de sa région. En plus de ses cachets d’artiste et parfois de technicienne, Anna bénéficie depuis 2005 des allocations chômage des salariés intermittents du spectacle, à un taux très bas toutefois. Au printemps 2020, au plus fort de la crise du Covid-19, comme tous les intermittents de France, Anna a eu la bonne surprise de voir le président de la République annoncer que les allocations chômage des artistes seraient maintenues sans condition pour l’année 2021. Ainsi, pendant près de deux ans, elle a reçu une rémunération, certes minime, mais sans être soumise à la contrainte habituelle de trouver des engagements professionnels. Elle a créé un nouveau spectacle et un personnage de scène plus proche du stand-up, et elle a développé une nouvelle formule de concert-spectacle à domicile pour essayer de s’adapter aux contraintes liées à la pandémie et plus généralement à un marché du travail de plus en plus précaire. Malgré le financement public d’une grande part de l’espace professionnel en France, Anna nous a régulièrement fait part de sa colère contre la fermeture des lieux de spectacle et de concert, contre le fait que le travail culturel n’était pas considéré comme essentiel en France, ce qui constituait selon elle un outrage envers les artistes. En 2022-2023, la formule « à domicile » qu’Anna avait déjà expérimentée avant 2020 lui procure quelques engagements par an, mais ne rencontre pas un succès suffisant : le nouveau spectacle musical en solo n’a été programmé nulle part, et elle ne souhaite plus faire de « piges » comme technicienne, surtout pour des raisons d’âge et de pénibilité. Si Anna a pu traverser la crise du Covid-19 grâce au soutien public, elle a depuis vu son nombre d’engagements professionnels se raréfier, et elle n’est pas certaine de pouvoir accumuler assez d’heures de travail en 2023-2024 pour « faire ses dates » et ouvrir son droit à l’indemnisation chômage en 2024-2025. Julien, 54 ans en 2023, est batteur, fils d’ouvrier, il a grandi et habite dans le Languedoc. Contrairement à Anna, il n’a jamais conçu et développé un projet artistique de manière individuelle, mais il est devenu un partenaire de jeu assez reconnu et recherché dans le petit monde du jazz contemporain et des « musiques créatives » en France. Julien est intermittent depuis plus de trente ans. Depuis une quinzaine d’années, il travaille avec un collectif associatif qui passe des contrats de vente avec les employeurs privés et permet de recevoir des subventions publiques. Largement autodidacte, il n’a jamais joué d’autre instrument que son drum kit (batterie), jamais enseigné, encore moins exercé de métier hors de la musique. Ayant l’habitude de jouer entre cinquante et cent fois par an en public depuis trois décennies avec de nombreux groupes, collectifs musicaux et appariements ponctuels d’improvisateurs, il a traversé la période de fermeture des salles de concert et autres lieux de diffusion musicale comme un « grand moment de vide ». Il a toutefois eu plusieurs occasions de jouer de la musique dans le cadre de deux résidences de création en 2020, avec des groupes dans lesquels il joue et qui avaient obtenu des financements publics pour ces projets artistiques. Il a donc à deux reprises passé une semaine en studio, dans le Vaucluse et en région parisienne, en touchant un cachet par jour, payé par le subventionnement public. En outre, comme Anna, il a bénéficié de la reconduction automatique de l’indemnisation chômage des salariés intermittents du spectacle et n’a donc pas connu de baisse importante de ses revenus (relativement modestes).
Si l’« année blanche » déclarée par l’État a été primordiale pour la survie des salariés intermittents en France, il en est allé différemment en Suisse pour les musiciennes et musiciens qui, nous l’avons signalé, sont généralement des indépendants. Stefan, 36 ans en 2021, est concepteur sonore en Suisse romande. Né dans une famille suisse de la classe moyenne supérieure intellectuelle, il a essayé d’être « musicien professionnel » entre 20 et 25 ans, alors qu’il jouait de la batterie avec un groupe de néo-cold wave minimaliste au positionnement queer et aux ambitions expérimentales qui s’est fait un nom dans le petit milieu romand de l’avant-garde culturelle. C’est ainsi que Stefan a rencontré le monde du spectacle vivant contemporain (qui ne lui était pas totalement étranger par sa culture familiale) et qu’il est passé de la musique à la « création sonore ». La création sonore n’implique aucune compétence instrumentale particulière, mais beaucoup de temps passé sur ordinateur pour travailler des textures et couleurs sonores, relevant souvent de la composition bruitiste et recourant massivement à la synthèse numérique. Stefan travaille depuis 2015 sur des créations dans le spectacle vivant contemporain, en général dans les structures prestigieuses de la région lémanique à Genève ou Lausanne. Il est profondément implanté dans le réseau local des arts vivants financés par des fonds publics, ami avec des metteurs en scène, des chorégraphes et d’autres créateurs visuels et sonores. Pendant la crise du Covid, le financement public des créations artistiques a été maintenu, il a donc continué à travailler sur la création sonore des spectacles et des performances pour lesquels il était engagé, comme s’ils allaient être joués en public alors que ce n’était pas le cas. Comme de nombreux artistes et musiciennes ou musiciens rencontrés, il a tonné contre la fermeture des salles de spectacle en 2020-2021 affirmant qu’il ne pouvait pas vivre ainsi, que la culture était essentielle à la vie et qu’il ne comprenait pas pourquoi les centres commerciaux étaient ouverts, mais pas les théâtres. Toutefois, il a aussi évoqué le luxe de travailler dans un lieu de spectacle sans la pression du public, de disposer de plusieurs mois pour expérimenter librement des formes esthétiques tout en étant payé normalement. Sixtine, 28 ans, est issue de la vieille bourgeoisie franco-suisse. Elle a suivi une formation de haut niveau en violon au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et à Lausanne, la ville où elle est établie. Elle est employée à temps partiel (30 %) dans une école de musique publique en Suisse romande, et, comme Stefan, elle a l’habitude de travailler avec des artistes de spectacle dans les domaines de la danse contemporaine et de la performance. Elle est à la fois salariée pour son activité pédagogique, et indépendante pour son activité scénique, un type d’arrangement très courant en Suisse[15]. Sixtine était engagée sur des projets de création financés par des fonds publics en France et en Suisse lorsque la pandémie de Covid-19 est arrivée. Lors de nos entretiens, Sixtine a déclaré qu’elle « mourait de ne pas jouer », tout comme le directeur d’une compagnie avec qui elle travaillait disait dans une interview dans la presse « mourir » de ne pas ouvrir au public, d’être « coupé des gens ». Toutefois, le salaire d’enseignante de Sixtine a continué à lui être versé malgré la fermeture du conservatoire en 2020-2021, et le financement des créations a été maintenu. Comme Stefan, elle a de fait connu une période exceptionnelle, faite à la fois d’une grande liberté au regard des situations de travail habituelles et d’une évidente frustration engendrée par l’absence du public. En 2022-2023, Sixtine a retrouvé le cours normal de ses activités. Sa collaboration en 2021 avec une chorégraphe suisse de sa génération, émergente mais déjà bien reconnue localement et qui commence à être diffusée à Paris et Berlin, semble avoir encore élargi ses horizons professionnels.
Les quatre personnes évoquées dans cette section ont-elles développé une démarche entrepreneuriale, se sont-elles réinventées pendant la pandémie de Covid-19 ? On se rend compte que, dans chaque cas, c’est le soutien économique de la puissance publique qui est le principe de la « survie » professionnelle, et qui autorise même sous certains aspects une expérience de travail exceptionnellement libre, malgré les discours presque convenus sur la vocation frustrée de l’artiste coupé du public. Les différentes enquêtes auxquelles nous avons participé en France et en Suisse depuis 2020 indiquent clairement que le cadre d’emploi des individus, et en particulier le degré de régulation de l’emploi par la puissance publique – intermittence en France ou financement public de la création en Suisse –, ont fait toute la différence parmi les musiciennes et musiciens ordinaires dans la façon de vivre la crise du Covid-19.
Mais où est donc l’entrepreneur musical ?
L’injonction à la réinvention de soi adressée aux artistes de spectacle dans le contexte de la pandémie de Covid-19 renvoie forcément à la notion d’entrepreneuriat digital. En effet, en 2020-2021, la fermeture des lieux de spectacle et les divers confinements plus ou moins stricts imposés en France et en Suisse impliquaient le développement d’activités à distance, donc en ligne. Ainsi, pour les musiciens, se réinventer passerait avant tout par un usage créatif d’Internet, afin de générer de nouvelles sources de revenus associant volontarisme néolibéral et solutionnisme technologique.
Mais les activités musicales en ligne susceptibles de rapporter un revenu étaient déjà assez bien connues et balisées avant 2020.
Passons rapidement sur la diffusion de musique enregistrée qui repose sur le développement déjà ancien des plateformes de distribution/recommandation de musique (les playlists de Spotify, Deezer, Apple Music, etc.). Les musiciens sont alors moins entrepreneurs qu’utilisateurs clients d’un système algorithmique opaque de diffusion des œuvres et de rémunération des artistes16 – rien de très nouveau depuis quinze ans. Le concert à distance en direct est aussi une idée arrivée bien avant 2020. Les lives en ligne existent depuis longtemps et l’on sait qu’ils reproduisent sensiblement les mêmes écarts d’affluence que les concerts in real life, à une plus grande échelle. Sauf exception, il faut des années pour construire une carrière en accumulant de la notoriété, en ligne ou non.
La prestation de service de production en ligne est elle aussi pratiquée depuis que la bande passante est assez large pour faire circuler des fichiers sonores de qualité, même si c’est une activité moins repérée par le grand public. Là encore, il n’est pas nouveau de proposer des services de mixage et/ou de mastering à distance, par exemple dans le cas d’un producteur jamaïcain (forcément « légendaire ») que des groupes européens de reggae vont payer pour que leur album passe entre ses mains afin de bénéficier d’un mixage au son « authentique » garanti. Le phénomène est le même à Londres, Los Angeles, New York ou Nashville : n’importe où dans le monde où se trouvent des musiciennes et musiciens producteurs suffisamment reconnus pour leur travail en studio. En France et en Suisse, les cas sont rares, mais il existe quelques dizaines d’individus qui gagnent leur vie ainsi. Ils étaient connus et actifs avant le Covid, la crise de 2020-2021 n’a rien changé, le succès de ce type d’entreprise reposant uniquement sur une notoriété internationale construite au fil du temps, au sein d’une « scène17 » esthétique particulière.
Finalement, c’est peut-être l’enseignement qui correspond à la forme de travail musical la plus clairement renouvelée par le passage en ligne. Certes, au cours d’une carrière musicale, développer une activité pédagogique n’a rien d’original. Les musiciennes et musiciens sont souvent fatigués de tourner dans de mauvaises conditions pendant des années, comme c’est le cas pour la grande majorité, et il est courant de voir les carrières s’infléchir autour de 35-40 ans pour intégrer une part d’enseignement. Il s’agit de stabiliser ses revenus et d’adopter un style de vie plus sédentaire, en particulier quand on devient parent. Cette évolution de carrière est très classique et ne constitue en rien une réinvention de soi. En revanche la modalité en ligne de l’enseignement musical semble pouvoir correspondre à la définition d’une activité innovante, d’un entrepreneuriat inventif en contexte de confinement. Les tutoriels et autres cours de musique en ligne existaient bien avant la crise du Covid-19, et des milliers de vidéos sur YouTube proposent depuis longtemps d’apprendre n’importe quel instrument, à n’importe quel niveau. On peut même considérer que l’on assiste au développement d’une industrie de l’enseignement en ligne, avec de « vraies écoles » (par exemple Arpeggiato18) donnant la possibilité d’interagir avec les enseignants, de participer à des forums de discussion, à des concours pour gagner des goodies. Dans ce marché mondial de l’enseignement musical, il est de fait presque impossible de gagner sa vie en dehors de projets « industriels », ou du moins très rationnels, combinant le travail de différentes personnes pour réunir des compétences professionnelles en conception Web, en marketing, en droit et en administration, outre les compétences en pédagogie musicale. Il s’agit en fait du modèle de fonctionnement de tous les créateurs de contenu sur YouTube, Instagram ou autre, une économie de la visibilité et de la notoriété pour générer de la connexion et du clic dont on peut se demander ce qu’elle a de commun avec le travail musical.
Nous avons toutefois rencontré le cas d’un musicien qui, dans le contexte de la pandémie et pour faire face à la disparition de ses tournées, a cherché une autre façon de gagner de l’argent et a commencé de manière individuelle (tout de même aidé par un ami informaticien) une activité pédagogique en ligne au printemps 2020. Interviewé à l’occasion de son passage en Suisse, Dirk est un guitariste de 50 ans, né en Afrique du Sud d’une famille britannique d’artistes et intellectuels, et dont la production navigue entre musique classique et musiques du monde. Depuis le printemps 2020, il offre une variété de formules pédagogiques avec cinq types d’abonnement via Patreon19 : du simple accès à des vidéos préenregistrées sur Teachable20 pour 5 dollars par mois, à la formule à 100 dollars par mois pour un cours particulier mensuel via Zoom. La formule la plus demandée, à 20 dollars par mois, propose chaque semaine une heure de rendez-vous en ligne à ses élèves abonnés, le même jour à la même heure pour tous, sur WhatsApp. Une fois par semaine, il joue devant sa webcam, travaille des compositions, des patterns (motifs) spécifiques, pratiquement sans parler et sans que les élèves puissent communiquer avec lui. Très inspiré par la méthode Montessori, il a construit son modèle pédagogique en opposition aux conservatoires en ligne les plus scolaires (par exemple This is classical guitar21) et dispense des cours très libres en montrant surtout ce que font ses mains sur l’instrument. Les quelques centaines de personnes qui se sont inscrites et ont suivi les cours en 2020- 2021 ont permis à Dirk de continuer à vivre de la musique alors que tout son cadre de travail disparaissait. Aujourd’hui, il a retrouvé son volume d’activité scénique, mais continue, une fois par semaine, à brancher sa caméra et à travailler sa guitare devant les élèves en ligne. Il dit lui-même qu’il donne de moins en moins d’indications verbales et « laisse les gens regarder et apprendre », et que cela ne lui demande finalement que très peu d’efforts. On peut considérer le cas de Dirk comme assez exceptionnel et difficilement exemplaire pour tous les musiciens ordinaires. D’abord parce qu’il a accumulé par le fait de son origine sociale et de son parcours de vie des dispositions sociales22 très favorables à ce qu’on pourrait qualifier d’individualisme créatif (parents hippies, école Montessori, voyages intercontinentaux dès l’enfance, etc.). Mais surtout parce que, comme artiste de scène jouant toute l’année sur cinq continents depuis plus de vingt ans, il avait accumulé suffisamment de notoriété pour constituer une population significative d’élèves clients potentiels à partir de sa base de fans. On comprend alors que pour les milliers de musiciennes et musiciens qui ne disposent pas de ce capital initial de notoriété, se réinventer en pédagogue en ligne pour en tirer un revenu de subsistance est impossible.
Conclusion
En fait, la capacité à endurer la crise semble avoir dépendu pour chacune des personnes rencontrées de deux facteurs principaux. D’une part, les ressources structurelles internes ou externes, telles que le statut social (salarié ou travailleur indépendant), l’âge et la situation familiale (célibat juvénile ou responsabilités parentales), les possibilités de soutien économique (des parents, du conjoint, etc.). D’autre part, et peut-être de manière encore plus déterminante, la diversité et l’intensité des relations d’emploi avec des institutions publiques. Ainsi, l’engagement dans l’univers de la création subventionnée du spectacle vivant contemporain constitue pour un musicien un accès à des conditions de travail et d’emploi bien plus favorables que celles que connaissent la grande majorité des « musicos » jouant dans le circuit des cafés-concerts, bars et festivals musicaux. Pour ces derniers, le travail a disparu, c’est le fait d’être ou non indemnisé comme salarié intermittent qui a fait toute la différence, l’intermittence jouant une fois de plus comme un « statut professionnel par défaut ». Que ce soit en Suisse ou en France, le financement public du travail artistique et culturel a donc bien été la planche de salut des musiciennes et musiciens. L’injonction à se réinventer est régulièrement adressée aux artistes et notamment aux musiciens, représentants supposés des travailleurs d’aujourd’hui et de demain, créatifs, passionnés, talentueux, flexibles, autonomes. Pendant la crise du Covid-19, cette injonction n’a jamais été aussi forte, et, pour autant, elle semble très peu pertinente concernant l’immense majorité des musiciens. L’incitation à la réinvention de soi constitue donc une nouvelle opération idéologique d’enchantement du monde social, attestant d’une vision romantique au sens plein du terme (individualiste et antidéterministe) qui procède de la naturalisation des inégalités socio-économiques entre les « talents » et les autres.
[1] « “Nous tiendrons” : l’intégralité du discours d’Emmanuel Macron », Le Monde, 14 avr. 2020, en ligne : www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/13/nous-tiendrons-l-integralite-du-discours-d-emmanuel- macron_6036480_823448.html.
[2] Quelques exemples : DUVERNOIS N., « Il est temps de se réinventer (pour vrai !) », Les Affaires, 25 août 2023, en ligne : www.lesaffaires.com/blogues/nicolas-duvernois/il-est-temps-de-se-reinventer-pour-vrai/642913 ; LAFRANCE S., « Le courage de se réinventer », Gestion, vol. 42, no 2, 2017, p. 6, en ligne : www.cairn.info/revue-gestion-2017-2-page-6.htm ; AGHION P. et al., « Se réinventer après la cris », Revue politique et parlementaire, no 1101, oct.-déc. 2021, en ligne : www.revuepolitique.fr/produit/n1101-se-reinventer-apres-la-crise ; Centre valaisan de perfectionnement continu, « Comment se réinventer », formation, en ligne : www.cvpc.ch/fr/nos-formations/comment-se-reinventer-482.
[3] BOLTANSKI L. et CHIAPELLO È., Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard/Seuil, 1999.
[4] Voir aussi l’excellente analyse socio- historique d’Anthony Galluzzo : GALLUZZO A., Le mythe de l’entrepreneur. Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley, Paris, La Découverte, 2023.
[5] BRÖKLING U., The Entrepreneurial Self. Fabricating a New Type of Subject, Londres, Sage, 2015.
[6] MENGER P.-M., Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, Paris, Seuil, 2002, p. 9.
[7] PERRENOUD M., Les musicos. Enquête sur des musiciens ordinaires, Paris, La Découverte, 2007.
[8] PERRENOUD M. et BATAILLE P.,Vivre de la musique ? Enquête sur les musicien·ne·s et leurs carrières en Suisse romande (2012-2016), Lausanne, Antipodes, 2019.
[9] PERRENOUD M., BATAILLE P. et MOYANO C., « Les musiciens dans tous leurs États : Chili, France, Suisse », Nouvelle revue du travail, n° 21, 2022, en ligne : doi.org/10.4000/nrt.13057 ; PERRENOUD M., «Historiciser la question des socialisations aux “musiques actuelles” », Transposition. Musique et sciences sociales, vol. 11, 2023, en ligne : doi.org/10.4000/transposition.8063 ; PERRENOUD M. et BATAILLE P., «“Types” of popular musicians. From musical to professional styles », Cultural Sociology, 2024 (à paraître).
[10] BRÖCKLING U., The Entrepreneurial Self, op. cit.
[11] CHEVASSUS-AU-LOUIS N., « Le grand bazar de Boris Cyrulnik. Enquête sur le prix de la résilience». Revue du Crieur, n° 6, 2017, p. 22-37, en ligne : doi.org/10.3917/crieu.006.0022.
[12] Les constats de cette partie sont très proches de ceux posés dans la publication « Métiers techniques de la musique live. Attractivité et conditions de travail dans un contexte post-Covid » du CNMlab en nov. 2023, par l’équipe ANR Musicovid, en ligne : cnmlab.fr/onde-courte/metiers-techniques-de-la- musique-live.
[13] Par exemple : BACACHE M., BOURREAU M. et MOREAU F., Les musiciens et la transformation numérique, Bruxelles, Peter Lang Verlag, 2019 ; BATAILLE P. et PERRENOUD M., « “One for the money”? The impact of the “disk crisis” on “ordinary musicians” income. The case of French speaking Switzerland», Poetics, vol. 86, juin 2021, en ligne : doi.org/10.1016/j.poetic.2021. 101552.
[14] Tous les prénoms sont des pseudonymes.
[15] PERRENOUD M. et BATAILLE P., Vivre de la musique ?, op. cit.