Métiers techniques de la musique live

Attractivité et conditions de travail dans un contexte post-Covid

Par Équipe ANR MUSICOVID
Publié le 27 novembre 2023
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Auteurs : Marion Brachet (université de Tours, CESR) ; Baptiste Pilo (CNRS, CESR) ; Cécile Prévost-Thomas (université Sorbonne Nouvelle, CERLIS) ; Manuel Roux (CNRS, THALIM) ; Luc Robène (université de Bordeaux, THALIM) ; Solveig Serre (CNRS, CESR) ; Frédéric Trottier-Pistien (CNRS, CERLIS). [Équipe ANR MUSICOVID ANR-21-CE27-0033]

Financé par l’Agence Nationale de la Recherche, le projet Musicovid porte sur les expériences musicales pendant la crise du Covid-19 et sur les pratiques d’adaptation, d’innovation et de résistance qui ont alors vu le jour. Son but est de dresser un bilan de la conjoncture musicale en temps de crise sanitaire et de réfléchir aux enseignements qu’elle participe à produire. Il propose enfin des ressources et des analyses pour envisager l’avenir.


Résumé

Cet article prend pour point de départ l’hypothèse d’un déficit d’attractivité des métiers techniques de la musique live depuis la crise du Covid-19. Les chiffres de la population salariée semblent pourtant contredire cette première analyse. Nous proposons donc de déplacer la question de l’attractivité vers celle des conditions de travail des métiers du live, dont la précarité est de moins en moins acceptée par les travailleurs ; nous montrons qu’elle a été accrue par la pandémie puis par un été de reprise 2022 surchargé en événements. Nous nous appuyons pour cela sur des données institutionnelles et professionnelles, sur des entretiens sociologiques, et sur l’enquête réalisée par le Collectif des Régisseurs, association professionnelle dont la formation est révélatrice d’une nouvelle dynamique dans le secteur de la musique live.

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Introduction

La gravité de la situation dans laquelle la pandémie de Covid-19 a plongé le secteur de la culture, et en particulier celui du spectacle vivant est avérée — chute drastique des recettes de billetterie, baisse des effectifs des intermittents, etc. Pourtant, en France, la stratégie du « quoi qu’il en coûte » a profité à une partie des professionnelles et professionnels de la culture. Ces mesures de soutien, indispensables pendant la crise sanitaire, étaient toutefois limitées dans le temps et n’ont pas entraîné de changement structurel dans un secteur où les droits sociaux et économiques des travailleurs restent fragiles. Le monde de la musique live est encore aujourd’hui en grande tension. Lors des BIS (Biennales internationales du spectacle) de Nantes en janvier 2023, les professionnels ont exprimé leur pessimisme, car ils se sont sentis abandonnés par les pouvoirs publics. L’une des manifestations de la mauvaise santé économique de ce secteur est la difficulté à recruter : de nombreuses remontées de terrain, des employeurs jusqu’aux salariés, signalent notamment une raréfaction exceptionnelle des profils techniques et de régie, en particulier pour les postes à responsabilité. Le présent article dresse un tableau de la situation actuelle de ce secteur afin d’en comprendre les raisons et d’envisager des pistes de réflexion collective autour de l’attractivité des métiers techniques du live et de leurs conditions de travail. Nous proposerons pour cela un état des lieux des métiers techniques de ce secteur, à partir d’un croisement de données statistiques émanant du monde professionnel et institutionnel, et de données qualitatives provenant d’une série d’entretiens[1] que nous avons menés auprès de travailleuses et travailleurs du secteur live depuis l’été 2022 dans le cadre du projet de recherche ANR MUSICOVID (ANR-21-CE27-0033)[2]. En outre, début 2023, le CNM a favorisé un partenariat entre le Collectif des régisseurs et notre équipe Musicovid ; le Collectif est une association professionnelle non syndicale formée pour « dresser un état des lieux de la réalité [des] métiers de régie dans les musiques actuelles live ». Nous travaillons avec elle à la restitution des résultats de leur enquête, ici mise en regard avec les autres données mobilisées. Dans un second temps, nous questionnons les causes profondes des difficultés déjà rencontrées avant la crise du Covid-19, mais aggravées par une pandémie dont les effets ont pu contribuer à reconsidérer le sens et la place du travail. Nous observerons enfin comment ces interrogations se traduisent dans une action collective professionnelle contemporaine, à savoir celle du Collectif des régisseurs.

Un secteur et des travailleurs durablement affectés par la pandémie

Le temps pandémique et son incertitude

La crise sanitaire a été en particulier une crise du live, avec une chute de 83 % des recettes de billetterie entre 2019 et 2020[3]. Dans ce contexte incertain, la situation de l’emploi dans le secteur du live interpelle, notamment lorsqu’on apprend que les effectifs techniques intermittents ont chuté de 20 % entre 2019 et 2021[4]. Dans la continuité de l’annonce du premier confinement en mars 2020, le mois d’avril a été celui de la disparition du travail des techniciens en particulier intermittents, pour qui la part de la masse salariale dans le spectacle vivant a chuté de 68,7 % par rapport à l’année précédente.

Au cours de la crise sanitaire, les techniciennes et techniciens permanents ont bénéficié du chômage partiel. Quant aux intermittents, ils ont en partie été protégés par la mise en place d’une « année blanche », c’est-à-dire d’une durée au cours de laquelle les travailleurs ayant déjà validé leurs droits ont pu continuer à bénéficier de l’assurance chômage sans avoir à réunir leurs 507 heures. La première période blanche a été annoncée en mars 2020, et le dispositif a peu à peu été prolongé jusqu’au 31 décembre 2021. Le maintien des allocations chômage n’équivaut cependant pas au maintien d’une rémunération pré-Covid : bien que la validation des droits reste acquise tout au long de l’année blanche, les travailleurs ne peuvent plus cotiser pour leur indemnisation chômage. Pour celles et ceux dont les droits étaient validés avec de nombreuses heures bien rémunérées, le recalcul des taux d’allocations a donc entraîné une chute des revenus à partir de 2021, puisque le calcul des taux était réalisé au regard des heures travaillées l’année précédente. On observe ainsi une précarisation à contrecoup de travailleurs pourtant bien installés dans leur profession.

Le moment pandémique a imposé aux travailleurs une expérience d’incertitude redoublée. Si leur passion pour leur métier permet en particulier aux intermittents d’accepter l’incertitude fondamentale liée à leurs modalités de travail[5], elle peut aussi impliquer une souffrance acceptée au nom des émotions collectives éphémères, mais intenses, que procure l’événement musical[6]. Le secteur de la musique tend pour cela à encourager une « rhétorique de l’activité et de l’effort constant »[7], d’autant plus qu’il ne s’agit pas seulement de faire assez d’heures pour maintenir des droits ouverts à l’indemnisation, mais aussi de s’assurer d’être rappelé par les employeurs, et donc souvent de s’interdire de refuser des « plans ».

Dans ces conditions, l’entrée dans la période des restrictions sanitaires est décrite comme un réel choc. Pourtant, une partie des travailleurs techniques se remémorent cette période, et plus particulièrement celle du premier confinement, comme une pause bienvenue et introspective. En réalité, cela n’a été le cas qu’à partir de la mise en place de « l’année blanche » : à l’annonce du confinement, les travailleurs du spectacle se retrouvent d’abord sans emploi, et ce pour une durée indéterminée. Par la suite, l’entrée en vigueur de protocoles sanitaires entre les confinements est le plus souvent perçue comme allant à l’encontre même d’un métier consistant à créer les conditions d’accueil des publics. De plus, les annulations de concerts, parfois annoncées le jour même, ont obligé les travailleurs à continuellement faire et défaire les programmations, sans pour autant que ce travail de logistique, de planning et d’installation ne soit forcément rémunéré. Favorisées par la généralisation du télétravail, ces tâches supplémentaires et répétitives ont également provoqué une interpénétration accrue du temps professionnel avec celui de la vie personnelle. Les techniciens expliquent en outre leur perte de confiance dans le secteur par la disparition du caractère sacré de la tenue du concert, les annulations tardives d’événements ayant été banalisées, fragilisant leur profession.

Il convient également de noter que la protection sociale permise par le recours à l’année blanche ne concernait que les intermittents, qui plus est celles et ceux ayant obtenu à ce moment précis un nombre d’heures de travail suffisant pour ouvrir des droits. Les travailleurs en début de carrière, ou simplement les moins intégrés dans la profession, ont été livrés à eux-mêmes, sans protection sociale. Une autre inégalité a pu apparaître également en fonction de la date de renouvellement de l’intermittence, qui reste propre aux trajectoires individuelles et ne concordait pas toujours bien avec les dispositifs d’année blanche : certains intermittents se sont alors retrouvés dans l’impossibilité d’augmenter ou préserver leur taux de cotisation, puisqu’ils n’avaient plus la maîtrise du rapport entre leur nombre d’heures travaillées, leur taux horaire et la date anniversaire de leur renouvellement de leurs droits. Cette situation éclaire également les inégalités de genre dans la division du travail interne des intermittents, notamment en ce qui concerne les femmes ayant eu des enfants durant la pandémie : les heures travaillées dans l’intermittence étaient certes gelées, mais ne permettaient pas de cotiser auprès de la sécurité sociale, ce qui a empêché certaines travailleuses d’accéder à leurs droits pour bénéficier d’un congé maternité.

Un autre facteur d’inégalités entre les intermittents est venu des différences de statuts et de pratiques des employeurs. La signature des contrats ne se faisant pas toujours en amont du jour travaillé, les promesses d’embauche sont impossibles à justifier et le chômage partiel impossible à obtenir. Le recours à l’activité partielle dépendait également du modèle économique, mais aussi du caractère privé ou public des structures. Une étude du Comité régional des professions du spectacle (COREPS) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, menée en avril 2022[8], montre que 64 % des intermittents déclarent que seuls 1 à 10 % de leurs contrats ont fait l’objet d’une demande d’activité partielle. Le Covid-19 a ainsi mis en évidence certaines conditions d’embauche impliquant une grande vulnérabilité pour les travailleurs.

Le surrégime de la reprise    

Après la levée des restrictions en début d’année, l’été 2022 a été vécu comme une reprise en surrégime : les reports dus à la pandémie ont entraîné un embouteillage d’événements, aggravé par une pénurie de matériel, mais aussi par une difficulté, largement partagée par les employeurs, à recruter des personnels dans le domaine de la technique[9]. 59,4 % des employeurs expriment ainsi avoir rencontré des difficultés de recrutement en avril 2022[10]. Ainsi, en septembre 2022, la revue ScènePlus publie un dossier intitulé Pénurie de matériel et de personnel : le secteur sous haute tension, et y titre une section « Des intermittents aux abonnés absents[11] » — précisant que « tous les postes » sont concernés. En janvier 2023, aux BIS de Nantes, une table ronde est intitulée « Où sont passés les techniciens et techniciennes ? ». Dans le cas du live, le manque de moyens humains est interprété comme le résultat de départs survenus pendant la pandémie du fait d’une rupture avec un « métier-passion » qui n’attirerait plus. La pandémie est en effet le point de départ d’un diagnostic de crise du secteur culturel, notamment posé en mai 2023 par un rapport du Conseil économique, social et environnemental[12]. Ce dernier fait le constat général d’un manque d’attrait du secteur culturel, désaffection qui s’expliquerait entre autres par de mauvaises conditions de travail et par une fragilité économique déjà anciennes dans la culture, aggravées durant la pandémie.    

Selon de nombreux témoignages, l’embouteillage de l’été 2022 a en outre engendré une inévitable dégradation des conditions de travail, soulignant ainsi que le surplus d’offres d’emploi par rapport au nombre de travailleurs n’a finalement pas placé ces derniers en position de force dans la négociation de leurs contrats — point sur lequel le facteur du degré d’intégration professionnelle paraît déterminant. Précisons que selon le Synpase, syndicat d’employeurs, les salaires ont augmenté d’environ 10 % à l’été 2022 puisque, selon leurs mots, « la rareté crée cherté ». Du point de vue des employés, la marge de négociation semble néanmoins rare. Des enquêtés nous ont parfois même signalé des baisses de salaires en comparaison à l’année précédente. Face à de telles situations, la seule marge de manœuvre possible est alors de refuser la proposition d’emploi : « J’ai des propositions, je suis obligé de dire non, genre “non les gars arrêtez quoi !”. […] les mecs ils nous proposent un salaire, le plus petit salaire qui soit en te faisant venir la nuit à partir de 3 h du matin en te payant au lance-pierre[13] ».

Dans le cadre spécifique de sa profession, le Collectif des Régisseurs s’est donné pour objectif de chiffrer ces phénomènes, concernant les rémunérations, mais aussi différents paramètres de conditions de travail des régisseurs. Les résultats de leur questionnaire, distribué à l’automne 2022, portent précisément sur les derniers contrats estivaux des répondants. Les chiffres suivants[14], mis en forme par le Collectif et notre équipe Musicovid, ont en partie été partagés dans la revue ScènePlus[15] ; ils soulignent le surrégime de la reprise 2022, à travers des enjeux souvent liés au métier de régisseur (temps de préparation ou de conduite non reconnus comme du travail effectif), mais aussi via des questions transversales aux métiers de la technique (amplitudes horaires contraires au droit du travail, contractualisation tardive, modalités de rémunération non précisées, missions vagues, etc.).

Face à ces conditions de reprise intenses et dégradées pointées du doigt par le questionnaire du Collectif, une souffrance professionnelle se manifeste. Si le Covid-19 semble avoir redoublé le caractère intermittent et incertain du travail des techniciens, la levée des restrictions a quant à elle été tout autant vécue comme un retour salutaire à leur vocation professionnelle et à la sécurité de l’emploi que comme un facteur de burn-out. L’été 2022 voit apparaître des pénuries de matériel et de main-d’œuvre obligeant ces travailleurs à se tenir constamment à disposition des employeurs pour assurer la tenue des événements. Plusieurs affirment n’avoir jamais été autant sollicités. En outre, comme nous l’ont expliqué certains enquêtés, la recomposition d’équipes expérimentées par des techniciens primo-arrivants a pu nécessiter un encadrement professionnel supplémentaire et donc un accroissement de la charge de travail pour leurs collègues.

Au sein de cette crise pandémique globale se profile alors une crise professionnelle. Ces travailleurs ont vu leurs espoirs de reprise être déçus par le retour aux concerts dans des conditions dégradées. Un enquêté témoigne : « cet été 2022 m’a vraiment fait mal. Quand j’ai terminé au mois de septembre, je n’en pouvais plus. J’étais vraiment exténué. J’avais mal partout[16] ». De cette situation a pu naître une remise en cause des raisons de l’engagement professionnel, où la passion et le sentiment de liberté au travail ont fait place à une expérience accrue de la précarité, expliquant la désaffection des métiers et les démissions. Ce désengagement est cependant loin d’être total, puisque certains ont vécu la relégation des activités culturelles au statut de « non-essentielles » pendant la pandémie comme un besoin de réaffirmer leur passion et la nécessité de les défendre en un secteur d’utilité publique. Pour d’autres en revanche, le métier-passion est bel et bien devenu un travail comme un autre qui n’alimente plus l’espérance d’une carrière ou de compétences à satisfaire[17], et dont les conditions de travail ne le rendent pas plus attractif qu’un autre.

Une perte d’attractivité à nuancer

Derrière le constat consensuel d’un manque de personnel technique à la reprise post-Covid, force est néanmoins de constater que certains chiffres entrent en contradiction avec cet état des lieux du secteur : entre 2019 et 2022, Pôle Emploi comptabilise une augmentation des effectifs intermittents dans le spectacle vivant de 28 % sur les postes de direction technique et de régie générale, de 16 % chez les chefs d’équipe technique, et même de 36 % en structure. Cet accroissement vaut pour la quasi-intégralité des postes techniques. Les chiffres du DataLab d’Audiens confirment cette progression des effectifs salariés, puisque l’on compte +11 % d’intermittents et +8,5 % de permanents entre 2019 et 2022. Sur l’ensemble des effectifs, le mois de juin 2023 était même encore en augmentation de 1,7 % par rapport à celui de 2022. On observe toutefois que les mois de juillet et août reviennent au niveau de 2022, ce qui suggère que l’accroissement commence à stagner[18]. Notons que le volume d’heures travaillées est resté équivalent entre les années 2019 et 2022[19] : il faut cependant rappeler que le travail n’a repris à plein régime qu’à partir de l’été 2022, ce qui confirme une intensification significative de l’activité à partir de cette période.

La tendance de ces statistiques vient donc contredire le constat d’une diminution des effectifs. Si la vague de départs initiale liée au début de la pandémie a bel et bien eu lieu, ces départs ont donc été compensés, que ce soit par un retour de ceux qui étaient partis ou par de nouvelles arrivées : reste à savoir, et les chiffres ne le disent pas, quel était le niveau d’expérience et de qualification des travailleurs arrivés dans le secteur ou de leurs revenus à partir de 2021. L’un des principaux obstacles à la lecture fine de ces résultats est d’une part la difficulté à estimer le turn-over, peut-être trop rapidement interprété comme un problème d’attractivité puisque la recomposition d’équipes techniques efficaces a pu demander du temps. L’autre limite de ces études est qu’elles ne prennent pas en compte les différents types de spectacle vivant : il n’est pas exclu que les effectifs se soient légèrement moins bien renouvelés en particulier dans le secteur musical. Le recours à des données qualitatives sur l’expérience des principaux acteurs concernés semble nécessaire afin de comprendre si, au-delà du nombre de travailleurs, la crise d’attractivité professionnelle ne se serait pas surtout cristallisée dans le rapport au travail depuis la pandémie.

Il n’est toutefois pas certain que cette question de l’attractivité se pose de la même manière pour toutes les catégories de travailleurs. Le facteur générationnel entre en compte : il semble que l’attrait du milieu des concerts et spectacles existe toujours chez les plus jeunes. On comptait encore 15 % de primo-entrants chez les techniciens en 2021, avec une légère augmentation de la proportion des moins de vingt-cinq ans (chiffres Pôle Emploi). C’est d’ailleurs chez les moins de trente ans que les effectifs ont été les plus mobiles depuis le Covid-19 : cette tranche d’âge a enregistré une baisse d’effectifs de 40 % entre 2019 et 2020, mais également la plus forte hausse avec +14,1 % d’augmentation entre 2019 et 2022. Une fois encore, il est difficile d’estimer la part effective des retours à l’emploi à la suite des restrictions sanitaires par rapport aux arrivées de nouveaux diplômés. En revanche, si les jeunes générations continuent bien d’arriver, c’est chez les 30-49 ans que les départs de la pandémie ont été le moins compensés, avec une augmentation de seulement 3 % entre 2019 et 2022. Le problème se situerait donc moins du côté de l’attractivité pour les entrants que de celui du départ des personnes expérimentées, plus difficilement remplacées, combiné à un fort turn-over qui se conjuguait mal avec un été 2022 surchargé.

En dépit de la pandémie, un renouvellement des générations a donc eu lieu, qui se manifeste par la hausse du nombre de travailleurs — ce qui ne doit en aucun cas minimiser les effets de la pandémie sur les vocations professionnelles, qui restent un élément clé de la situation actuelle. D’ailleurs, si 31,7 % des employeurs expliquent début 2022 qu’au moins un de leur salarié s’est engagé dans une reconversion[20], ce sont même 61 % des travailleurs techniques du spectacle vivant qui avaient, avant le début de l’année 2021, soit envisagé, soit entamé une recherche d’emploi hors spectacle[21]. À cette date, en revanche, seulement un quart d’entre eux considérait cette recherche comme une véritable transition professionnelle.

La question de l’attractivité des métiers de la technique ne peut se comprendre par la seule question des entrées et des arrivées. Il faut pour cela interroger les mobilités professionnelles (par exemple, les changements de postes ou d’emplois) ainsi que les stratégies permettant cette mobilité. La pause pandémique et l’incertitude consubstantielle se sont souvent traduites chez les techniciens par la quête d’une employabilité toujours plus optimisée par une (auto-) formation et une recherche accrue de polyvalence. La nécessité pour certains de se former durant cette période, et plus largement de diversifier leurs compétences et leur activité, correspondait pour beaucoup à une stratégie individuelle de court terme plutôt qu’à une démarche plus longue de reconversion professionnelle. Cette flexibilité, constitutive des carrières intermittentes, ici amorcée dans l’urgence de la crise afin de s’assurer des revenus plus substantiels, a toutefois aussi entraîné des mobilités professionnelles sur le long terme.

Dix techniciens interrogés ont donc investi (parfois simultanément) des secteurs professionnels voisins comme celui du théâtre, de l’enseignement musical, et surtout de l’audiovisuel. Ces passerelles ont parfois été permises par la création d’emplois de circonstances, comme celui de « référent Covid » sur les plateaux. Cette opportunité conjoncturelle a pu également constituer, pour des travailleurs qui avaient ce type de profil dans la musique, un tremplin vers des postes de régie en tournage. Cela a été l’occasion de découvrir de meilleures conditions de travail : à responsabilités équivalentes, l’audiovisuel propose des rémunérations horaires plus élevées par rapport au live, et les tournages permettent d’obtenir un grand nombre d’heures pour une seule mission, simplifiant ainsi l’organisation des temps de travail. L’audiovisuel s’est ainsi révélé être pour beaucoup bien plus qu’une solution de repli pendant la pandémie, soit un véritable secteur « refuge », dans lequel les emplois ont été le mieux préservés durant l’année 2020[22].

Des techniciens ont également cherché à s’assurer des revenus d’une autre manière que par le biais de l’intermittence, en montant ou en développant des autoentreprises liées ou non à leur activité musicale. Dans certains cas, l’entrepreneuriat est devenu une réelle continuité de l’activité réalisée dans le cadre de l’intermittence. En effet, certains techniciens intermittents doivent réaliser un travail préparatoire aux spectacles en amont du jour officiellement travaillé[23]. La rémunération de ce type de prestation étant généralement refusée dans le cadre des cachets intermittents, certains font le pari qu’une facturation passant par une personne morale, et non physique, serait plus recevable par les employeurs. En tentant de pallier les mauvaises conditions de travail par la création d’entreprises, les travailleurs accroissent encore leur flexibilisation et se privent donc de la « compensation assurantielle du risque » qu’offre l’intermittence[24].

Enfin, les cas de techniciens démissionnaires ne sont pas à négliger : certains se sont saisis de la pandémie pour entreprendre des activités d’une autre nature qu’ils voient comme moins soumises aux aléas du marché de l’emploi. Parmi nos enquêtés, on compte par exemple plusieurs métiers artisanaux : un mécanicien cycle, une fromagère, un charpentier ou encore un savonnier. Ils peuvent y redéfinir une stabilité et retrouver une « prise sur l’avenir[25] ». Il ne faut toutefois pas surestimer ce phénomène, car les cas de diversifications d’activités restent les plus nombreux. Ces fragmentations entraînent cependant bel et bien un déficit de travailleurs disponibles sur le marché du travail spécifiquement musical. Toutefois, les chiffres montrent que la question de l’attractivité, comprise comme un déficit de personnel, n’est en réalité pas première. La présence ou non d’effectifs suffisants doit avant tout être rapportée aux conditions objectives de travail pour les travailleurs en emploi. En d’autres termes, il faut s’interroger sur la manière dont les travailleurs évoluent dans le secteur et sur la qualité des emplois effectivement occupés.

Un nouveau regard sur les conditions de travail

Le bien-être des travailleurs en question

Nombreux ont été les enquêtés à considérer le premier confinement comme un moment de relâche bienvenu. L’accueil de cette pause souligne à quel point l’ensemble de la profession était en réalité déjà exténué par les conditions de travail à la veille de la pandémie. Cela n’empêche pas que le retour au travail, à une certaine sécurité de l’emploi et à la convivialité des équipes et des concerts ait pu être initialement vécu comme un soulagement. Toutefois, la réalité des emplois du temps plus chargés que jamais lors de l’« embouteillage » des programmations en 2022 a souvent fait retomber l’enthousiasme de la reprise. Après plusieurs mois (si ce n’est plus) sans activité, ce retour brusque aux rythmes et cadences de travail, combiné à un certain oubli des automatismes professionnels, est venu souligner par contraste la charge de travail importante à laquelle les travailleurs faisaient déjà face avant la pandémie, et dont ils se devaient d’assumer brutalement la relance après une période d’inactivité forcée.

Les conditions objectives de travail ont-elles si drastiquement changé qu’elles en sont devenues insupportables, ou bien est-ce seulement un nouveau rapport subjectif des travailleurs au labeur dans la mesure où, soumis à la pandémie et aux impacts psychologiques de cette situation sidérante, l’expérience de la reprise ne saurait se concevoir comme un retour idéalisé à « l’avant », mais bien comme l’entrée dans un nouveau paradigme professionnel ?

Les entretiens menés confortent l’idée selon laquelle les conditions de travail avant la pandémie étaient en réalité déjà mauvaises. Mais paradoxalement elles étaient souvent acceptées par les travailleurs du secteur. À ce titre, le cas d’un enquêté est révélateur. Lorsqu’on l’interroge sur les conséquences des cadences de travail sur sa santé, il évoque de nombreuses pathologies et douleurs résultant de la fatigue des tournées. Ce n’est cependant qu’à partir de l’année 2020 et de l’arrêt du secteur qu’il réalise l’impact de ces conditions qu’il jugeait auparavant « normales ». Il faut également insister sur le nombre d’enquêtés disant avoir subi un voire plusieurs burn-out dans leur carrière avant même la pandémie. Les chiffres des études CURA[26], avant comme après le passage du Covid-19, confirment la présence de problèmes structurels, tels que l’anxiété chronique et l’épuisement physique et nerveux chez les travailleurs, en plus des questions de précarité économique. Les projets tournant en sous-effectif d’un côté, ainsi que la « rhétorique de l’effort constant[27] » caractéristique des carrières dans la musique, de l’autre, ne datent pas de la pandémie et sont constitutifs de la manière dont le secteur du live s’est construit. Si l’imaginaire du « monde d’après » a pu laisser espérer une amélioration et une prise de conscience de l’état des travailleurs du secteur, la véritable reprise est venue briser cet espoir. Une enquêtée constate ainsi avec amertume : « Le Covid n’a rien changé et […] c’est malheureux, je suis peut-être un petit peu résignée[28] ».

Vers un mouvement pour de meilleures conditions de travail ?

Les techniciens signalent une incapacité à se projeter dans un avenir qui ressemblerait à celui d’avant crise : le prix de l’énergie, l’inflation généralisée, la difficulté à faire revenir le public, etc., sont autant d’éléments post-Covid qui peuvent expliquer le sentiment profond de vivre dans un climat latent de crise, qui ne se limite d’ailleurs pas au seul secteur musical.

Cette morosité et ces craintes peuvent expliquer le fait que les travailleurs, et en particulier les intermittents confrontés à la fragilité de leurs conditions d’emploi, cherchent à se protéger davantage par le développement de ressources individuelles pour faire face à la précarité. Certains multiplient ainsi leurs compétences pour s’assurer de se rendre employables, quelle que soit la situation : en se formant à des techniques mobilisables dans des conditions de livestream ; en apprenant à maîtriser de nouveaux logiciels de visualisation dans le cas des techniciens lumières ; ou même en développant une offre de captation de concerts par drone (à l’origine pour pallier l’absence de besoins en lumières à cause des changements d’horaires induits par les couvre-feux). D’autres essaient d’imposer de nouvelles modalités contractuelles à leurs employeurs, en demandant une indemnisation si l’événement est annulé tardivement — ce que la plupart n’arrivent pas à négocier. Ces différences entre ce qu’arrivent à obtenir les uns et les autres dans leurs conditions de travail et d’indemnisation montrent bien que les négociations relèvent avant tout de situations individuelles. Une élue syndicale nous explique ainsi qu’il est très rare que les équipes techniques fassent front envers un employeur, et que les différends sur les rémunérations se règlent généralement au cas par cas. Dans ce contexte, l’objectif est donc de mieux se vendre pour mieux négocier ses propres conditions de travail, d’autant plus dans un climat de crainte pour sa carrière. Les contraintes du marché du travail sont bel et bien intériorisées.

Malgré ces pratiques qui tendent à privilégier des stratégies individuelles, donc implicitement une mise en concurrence des individus ou des équipes, pour obtenir de meilleures conditions de travail, une autre réponse s’est développée durant la pandémie soulignant un attrait pour l’engagement militant dans la défense des intérêts des professions techniques. L’expérience de l’incertitude, accrue par la pandémie, ainsi que les conditions dégradées de l’été 2022, ont enclenché un dialogue autour des conditions d’exercice de ces professions. Dans le réseau traditionnel des revendications, des réflexions ont été portées par des syndicats de salariés (la SFA-CGT avec « le travail quand même ! » en décembre 2020), par le collectif Les Artisans du spectacle (à propos des « oubliés de la culture » et des « travailleurs non-salariés » malgré l’année blanche[29]) ou encore par le collectif La Buse[30]. Ce dernier s’était déjà constitué avant le Covid-19 (en 2018), pour questionner « le système économique de l’art » et a été un acteur important durant la pandémie pour défendre et discuter des droits des travailleurs de l’art. Le groupe Réseau Salariat (SFA-CGT) ouvrait quant à lui début 2023 des séminaires consacrés à « la Sécurité sociale de la culture » en s’interrogeant sur la protection des travailleurs[31]. Certains de ces groupements, dont le Synptac-CGT[32], indiquent avoir gagné des adhérents depuis 2020, en particulier chez les intermittents. Chez les permanents, que leur statut isole moins du militantisme traditionnel, la syndicalisation était déjà plus forte avant la pandémie. Les revendications spécifiques des intermittents comprennent de multiples strates liées à l’intermittence même. S’y ajoute un principe d’indépendance entraînant souvent une défiance vis-à-vis des syndicats, ce principe restant en revanche compatible avec des associations professionnelles non syndicales telles que la REDITEC (Réunion des Directeurs Techniques), mais aussi le Collectif des Régisseurs, sur lequel nous reviendrons.      

Les revendications des intermittents s’inscrivent ainsi souvent dans les initiatives de petits groupes professionnels sans qu’elles n’aient nécessairement une vocation militante au sens fort du terme. Enfin, notre étude consacrée aux réseaux et fédérations des musiques actuelles entre 2020 et 2022 souligne le fait que les enquêtes et la communication externe s’intéressent surtout à l’économie d’un secteur en crise (évolution budgétaire, répartition des aides) et s’attachent plus rarement à mettre en récit les difficultés pratiques des professions ou des questions inhérentes au rapport travail/santé. Ces réseaux professionnels privilégient ainsi les questionnements liés au secteur, mais n’interrogent pas ou peu ce qui relève des professions et métiers.

Les modes d’engagements des intermittents sont composites et reposent sur divers réseaux professionnels (collectifs, coordinations, etc.) qui ne se structurent pas forcément en organisation militante traditionnelle. C’est leur force et leur faiblesse puisque cette organisation diffuse leur permet de s’adapter à l’agenda politique et de prendre part facilement aux diverses mobilisations sociales sans nécessairement s’inscrire dans des luttes de durée[33]. L’occupation des théâtres au cours de l’année 2021 en est un bon exemple : tout en portant des revendications diverses et concrètes (prolongement de l’année blanche, lutte contre les réformes de l’assurance chômage, réouverture des lieux de spectacle, etc.), le mouvement a su rassembler une large participation auprès de travailleurs d’ordinaire peu habitués aux luttes politiques. Parallèlement, la pandémie a été l’occasion pour des travailleurs déjà militants de réaffirmer et de consolider leur engagement dans des collectifs dont la vocation était plus que jamais justifiée par la fragilité de la situation. Ces enjeux sont aussi réinvestis par des mouvements ayant vu le jour depuis la pandémie (Scaffs de France, intermittents de l’Opéra National de Bordeaux, Les Artisans du spectacle, etc.) : ils sont ici étudiés à travers le cas du Collectif des régisseurs.

Le cas du Collectif des régisseurs : une mobilisation pour un état des lieux post-Covid des conditions de travail

Les entretiens réalisés en 2023 auprès d’intermittents du secteur de la musique corroborent le constat d’une dégradation des conditions de travail à la reprise, identifié dès octobre 2022 par le Collectif des régisseurs. L’association s’est constituée en réaction à cette reprise, afin d’en mesurer les effets dans un premier temps et d’engager, dans un second temps, un dialogue avec les employeurs pour que de telles conditions de travail ne puissent perdurer. Pour cela, le Collectif des régisseurs a réalisé et diffusé un questionnaire auprès des professionnels du secteur à propos des conditions de travail des régisseurs de musiques actuelles live.

Coline Passeron, future présidente du Collectif des régisseurs (association créée le 17 avril 2023), avait plus tôt contacté le Centre national de la musique (CNM) pour discuter de la mise en place d’une enquête sur les conditions de travail des régisseurs. La passation d’un premier questionnaire entre octobre et décembre 2022 a permis de toucher 301 répondants. Début 2023, le CNM a favorisé la rencontre entre le Collectif des régisseurs et l’équipe de chercheurs de l’ANR MUSICOVID afin d’échanger dans un premier temps sur les méthodes d’analyse susceptibles de permettre une interprétation des données. Depuis mars 2023, Musicovid et le Collectif des régisseurs travaillent à la restitution des résultats.

La démarche « enquête » entreprise par ce collectif nous semble en effet constitutive de la problématique que nous proposons d’éclairer dans cet article, l’enquête lancée par les régisseurs témoignant du besoin de comprendre et de documenter les transformations du métier de régisseur confronté aux vicissitudes du temps.

Faire l’état des lieux chiffré d’une profession

Pour le Collectif des régisseurs, le questionnaire vise à « dresser un état des lieux de la réalité [des] métiers de régie dans les musiques actuelles live ». Utiliser cette technique d’enquête est explicitement lié à la question de la représentativité et de la légitimité à parler au nom d’une profession tout entière. Elle est aussi un indicateur du malaise de la profession des techniciens de la musique et du spectacle vivant sur la réalité de leur travail et ses considérations. Le questionnaire devient une sorte de passage obligé permettant de sonder les enjeux de sa profession et d’obtenir « de vrais chiffres de remontées de terrain », comme l’exprime Coline Passeron. Le Collectif entend se faire le porte-parole de la profession de régisseur : il s’agit de parler la même langue que les instances professionnelles et institutionnelles. C’est donc sur le mode de l’expertise qu’il réalise ce questionnaire[34]. Il permet également la mise en commun de vécus et, comme nous l’avons perçu rapidement, permet surtout de structurer un collectif au travers d’une action commune — ce qui vient s’opposer en partie au caractère individualisant et concurrentiel décrit précédemment. Cette collectivisation des expériences et des vécus a donc d’autant plus de valeur dans le cadre d’une profession, à l’instar des autres intermittents, qui apparaît fortement individualisée. In fine, le questionnaire est stratégiquement pensé par les membres du Collectif comme un outil irréfutable permettant d’ouvrir le dialogue avec les différents partenaires auxquels ils souhaitent s’adresser. Un membre du Collectif explique ainsi : « Nous on ne représente peut-être pas tout le monde, mais là les chiffres sont parlants donc parlons sur cette base-là ».

Le questionnaire est organisé en deux parties : des questions générales et spécifiques isolées en quatre parcours reflétant quatre orientations du métier — régie de salle, de festival, de production et de tournée. Il permet surtout de mettre à plat des connaissances sur le métier, de construire des témoignages qui génèrent un fort sentiment d’appartenance, et structurent de fait l’action collective, préalable à de futures mobilisations[35].

La reprise de l’été 2022 est apparue comme une période conjoncturellement propice à une évolution des rapports de force — bien qu’il ait été difficile pour les travailleurs de s’en saisir, comme nous l’avons montré plus haut. L’ensemble du secteur a noté un changement dans l’environnement professionnel et l’employabilité. Les travailleurs sont devenus moins « interchangeables », selon le terme d’un des membres du collectif, ce qui aurait pu constituer un levier pour négocier. Quelques initiatives isolées ont vu le jour : certaines annonces d’emploi, par exemple, sont devenues plus précises quant aux conditions de travail, certains groupes professionnels diffusent les annonces pour les commenter, certaines grilles tarifaires sont revalorisées, souvent de manière non homogène. C’est dans le prolongement de ces évolutions éparses que le Collectif se forme : leur questionnaire n’identifie pas des problèmes, mais donne une mesure à un ressenti sur des problèmes déjà largement identifiés. Pour comprendre les logiques internes au Collectif, nous avons interrogé trois de ses membres, ici anonymisés, ainsi que la présidente Coline Passeron.

Enjeux corporatistes et défense d’un secteur

Les membres du Collectif ont été rapidement confrontés à la question de la forme que devait revêtir leur initiative : devait-elle prendre celle de l’action syndicale, celle du simple regroupement ou de l’association ? Après discussion, c’est la dernière option qui a été préférée. En effet, le mot « syndicat », associé à une opposition frontale constante, semble faire peur dans le secteur. La stratégie revendiquée ici est au contraire celle du dialogue, voire de la pédagogie, en opposition au rapport de force associé au syndicalisme. Force est de constater que le Collectif remplit un vide : selon eux, il semble ainsi ne pas exister de branche syndicale à même de les représenter efficacement[36]. Tout en refusant d’être un syndicat, le Collectif entend pourtant représenter sa branche professionnelle dans la sphère publique. Ce statut paradoxal a d’ailleurs été relevé : une membre du collectif explique avoir été mise en garde contre son engagement, perçu comme un risque professionnel. Le collectif n’est cependant pas inscrit dans une culture militante : la plupart des membres se rapprochent de « militants de renforts » ou « primo-militants[37] ». Aucun membre interrogé n’est syndiqué et les membres refusent le plus souvent les étiquettes politiques.

À moyen terme, l’ambition du Collectif est d’écrire une charte de bonnes pratiques s’appuyant sur les problématiques soulevées par le questionnaire. Il s’agirait, pour reprendre le terme d’un membre, de « mâcher » le travail aux syndicats, tout en restant maîtres des données produites et sans pour autant diffuser les résultats bruts du questionnaire. Cette charte serait idéalement signée par les syndicats d’employeurs et d’employés. Cette volonté de faciliter le travail pour ces deux catégories de syndicats peut être interprétée comme une reproduction par les régisseurs de leur rôle professionnel dans un contexte davantage syndical. Une partie du rôle des régisseurs (régie générale en particulier) est de faire le lien entre employeurs et employés et d’encadrer le travail réalisé. D’un bout à l’autre, des données produites à leurs résultats opératoires sous forme de charte, le Collectif se présente comme un interlocuteur incontournable.

Si, dans une perspective réglementaire, une charte n’a ni caractère contraignant ni valeur juridique, la mise en place d’une enquête et la rédaction d’une charte sont cependant deux démarches prises au sérieux par les représentants syndicaux. Le Collectif est d’ailleurs en lien avec le SMA, le PRODISS et le Synptac. Il faut rappeler qu’un retard de négociation syndicale s’est fait sentir après la pandémie. Les forces syndicales ont prioritairement cherché à s’adapter aux ordonnances gouvernementales pendant les périodes de restrictions. Les collectifs, à l’image du Collectif des régisseurs, pourraient être amenés ainsi à prendre le relais au travers d’une veille concernant le respect du droit du travail. En un sens, toute initiative semble aujourd’hui bienvenue même du point de vue des syndicats, sachant que ces derniers parlent de la pandémie comme d’un « accélérateur d’une crise qui couvait ».

Premiers résultats et revendications

Au printemps 2023, le Collectif des régisseurs a préparé la diffusion des premiers résultats de l’enquête en sélectionnant certaines données, qui apparaissent dans la plaquette mentionnée plus haut.

Parmi les pourcentages généraux présentés, le Collectif des régisseurs met en avant des éléments de la vie professionnelle encore sous-estimés dans les réglementations, avec notamment les usages téléphoniques et numériques le soir, le week-end ou sur le temps non travaillé. Par exemple, « 34 % des régisseurs et régisseuses reçoivent des appels entre 20 h et 8 h pour des motifs non urgents, et ce plusieurs fois par semaine, voire quotidiennement ». En effet, l’application du droit à la déconnexion (Loi El Khomri de 2016) est encore insuffisante. Autre donnée majeure, celle du temps de travail sur site, où « 60 % des répondants [et répondantes] ont indiqué avoir des journées de travail supérieures ou égales à quatorze heures, sans compter les temps de transports éventuels ». Si le propre de la régie, comme le reste des métiers de l’intermittence, est de devoir gérer de larges amplitudes horaires, il reste inscrit dans les conventions collectives que le temps de travail est limité à une durée maximale de douze heures. Le Collectif a également enquêté sur la mise en place des doublons[38] comme solution insuffisamment utilisée pour limiter ces amplitudes horaires. Enfin, les temps de préparation sont rarement rémunérés comme l’explique cette enquêtée : « Je suis en train de former des gens […] je fais la prépa à la place de quelqu’un et […] je ne suis pas payée pour ça. Et c’est hyper compliqué de négocier, en tout cas pour moi, de négocier une rémunération de préparation alors que je l’ai déjà faite finalement[39] ». Le sujet des temps dédiés, leur manque de rémunération, le fait qu’ils dépassent le cadre légal ou empêchent le retour à un temps de repos, est au centre du dialogue que veut mener le Collectif.

Les chiffres et problématiques se précisent en observant les données par régie. Pour la régie de tournée, la plaquette montre que 87 % des enquêtés occupent en réalité plusieurs postes — une réalité qui illustre avec éloquence l’inquiétude qu’exprimaient nos enquêtés, régisseurs ou non, sur le besoin d’être polyvalent. Pour la régie de production, il s’agit plutôt de la rare rémunération des temps de préparation ; là encore, cette problématique touche particulièrement les régisseurs, qui sont 98 % à réaliser des préparations dans le cas de la production, mais concerne également d’autres postes techniques du live. Enfin pour la régie de festival, il est courant de réaliser plus de dix jours de travail consécutifs sans jours de repos, ce qui est contraire aux conventions collectives du spectacle vivant. Remarquons que la quasi-totalité des répondants déclare subir un ou plusieurs manquements dans l’application du droit du travail. Ce dernier point n’apparaît comme une surprise pour personne dans le Collectif — ni, on le soupçonne, chez les autres acteurs de la filière. On comprend alors mieux la démarche du Collectif, qui n’est pas syndicale puisque l’objectif est moins de négocier de nouvelles réglementations que de veiller à un meilleur respect des conventions existantes.

Prospective

La question de l’altérité à laquelle fait face le Collectif reste centrale — elle est d’ailleurs incontournable dans toute mobilisation[40]. Il s’agit pour ses membres d’identifier leurs interlocuteurs, factuellement hétérogènes, afin de penser leur stratégie. Par exemple, les Scaffs de France, collectif des scaffolders (construction scénique), formulent un discours différencié en fonction des employeurs. Dans leur charte partagée en 2023, ils indiquent demander 25 € brut de l’heure, mais acceptent la négociation « raisonnée » de ce tarif uniquement dans le cadre d’un contrat avec une association. Ainsi, tout l’intérêt est de savoir comment les régisseurs sauront avancer dans le secteur culturel, au sein d’une population majoritairement intermittente et face à de multiples employeurs, pour faire reconnaître la spécificité de leur métier tout en continuant à construire leur identité collective, leur identité professionnelle[41] ou au travail[42]. Car la vie au travail est non seulement un lieu de rapports techniques, de rapports de pouvoir ou de combats de classes, mais aussi un lieu d’occasions sociales. Ces rapports sociaux ont toujours existé, mais sont redécouverts et réévalués ces dernières années du fait d’une réflexion profonde sur le rapport au travail.

Quant aux pistes d’amélioration des conditions de travail dans le spectacle vivant musical énoncées par le Collectif des régisseurs, elles relèvent parfois de principes dépassant les seuls postes de régie : réelle comptabilisation des temps de travail, valorisation des responsabilités multiples sur un seul poste, rémunération des temps de préparation, des temps de conduite, respect du droit à la déconnexion par un relais de la production sur les communications. La présence de doublons pour aider à la réduction des amplitudes horaires paraît également indispensable dans certains cas — comme en festival. Pour la plupart de ces revendications, une application plus stricte des conventions collectives serait un premier pas vers une amélioration des conditions de travail, avant même l’approfondissement de la renégociation des accords de branche. Même si une reconnaissance plus réaliste des temps travaillés effectifs est indispensable, elle repose néanmoins sur une démarche chiffrée du travail pourtant en contradiction avec la nature même du cadre de l’intermittence. Celle-ci vise précisément à dépasser les contradictions : tout l’enjeu est alors de penser un cadre de l’emploi suffisamment souple pour permettre la réalisation du travail concret et par nature discontinu des intermittents tout en protégeant les salariés des abus. À ce titre, l’exemple de la régie de tournée permet de comprendre la difficulté d’appliquer des normes professionnelles à ce métier qui repose sur un flou constant entre ce qui relève du travail et ce qui n’en est pas :

« Quand tu es en van, c’est compliqué de faire valoriser ton temps de trajet, ce qui a été une grosse question pour moi l’année dernière où j’étais payé la même chose que j’aille à Marseille ou que j’aille à Lille. Disons que dans le tour bus tu peux préparer une date, mais dans le van tu ne peux rien faire vu que tu conduis. Donc c’est là où il y a vraiment un problème. [….] Je ne fais pas payer mon temps de prépa en tournée. En tournée, ton salaire correspond à ton temps de prépa plus ton temps d’exploit’, voire ton temps de post-prod. Tu as une journée de payée, mais c’est pour faire tout ça quoi. En tournée, tu as une petite valorisation de salaire parce que tu fais des prépas, mais c’est de 10 € brut. C’est-à-dire que je suis au même tarif que les techniciens son et lumière parce que je suis dans l’équipe technique, je ne suis pas le tour manager, je suis le régisseur technique en gros du truc, donc j’ai 10 € de plus qu’eux, ce qui est censé valoriser le temps que je fais. Ce qui ne correspond à rien[43]. »

Rappelons que le Collectif a montré que 87 % des répondants cumulent en tournée d’autres postes que celui de la régie, pour une amplitude moyenne d’une journée de travail de 10 h 50 auxquelles doivent s’ajouter les 4 h 20 de temps de conduite moyen et qui ne font que rarement l’objet d’une rémunération. Dans le milieu de la technique, la précarité ne vient toutefois pas exclusivement des conditions de travail sur chaque poste : les intermittents se trouvent également encore dans une fragilité structurelle et sont mal accompagnés pour faire valoir des droits qu’ils maîtrisent souvent mal eux-mêmes, tout comme leurs institutions. Pour répondre à cette problématique, un temps d’échange et de rencontre interprofessionnel entre intermittents pourrait être négocié à la charge de l’employeur[44]. Les réseaux professionnels formels et informels ainsi que les connaissances qui y circulent dépassent en effet de loin le cadre de la formation initiale classique, ils sont nécessaires à l’apprentissage des « ficelles du métier[45] », et répondraient à la demande des employeurs d’une main-d’œuvre mieux formée — en complément des réunions d’information plus institutionnelles organisées par Audiens ou Pôle Emploi.

L’étude des mobilités interprofessionnelles des techniciens montre cependant que la question des rémunérations reste centrale dans les difficultés du milieu musical à retenir ses travailleurs, dont les rémunérations suivent à peine l’inflation. Ajoutons que les renégociations annuelles des accords de branche concernent principalement les salaires à faible responsabilité, qu’il s’agit de réévaluer pour suivre l’évolution du SMIC. Parallèlement, comme l’a souligné une source syndicale lors d’un entretien, les salaires des postes plus qualifiés évoluent peu, ce qui entraîne un tassement des rémunérations. D’un point de vue global, ces dernières sont donc en relative stagnation et restent bien moins élevées que celles auxquelles les travailleurs peuvent prétendre dans un secteur voisin comme celui de l’audiovisuel. Il est néanmoins évident que ce dernier a une assise économique bien moins fragile que celui du live, dans lequel l’inflation est en outre particulièrement forte. La marge de manœuvre des employeurs du spectacle vivant ne peut donc qu’être faible, d’autant plus pour ceux qui dépendent de subventions publiques, actuellement en baisse. Par conséquent, la question des moyens est inévitable et doit être abordée concrètement par les pouvoirs publics. Représentants syndicaux et UNESCO[46] s’accordent par exemple sur le besoin d’une distribution administrée et plus juste des revenus dans le marché de la musique, qui passerait notamment par une véritable contribution du secteur phonographique : la négociation en cours cet automne 2023 concernant une contribution de la musique enregistrée au financement du Centre national de la musique est cruciale. Le financement actuellement insuffisant de ce dernier interroge quant à la possibilité, pour cette institution centrale, de soutenir un milieu musical en situation de crise généralisée, en temps ou hors temps de pandémie.

Conclusion

La séquence allant du Covid-19 (mars 2020) à aujourd’hui (novembre 2023) révèle plusieurs enjeux concernant les conditions de travail chez les techniciens et régisseurs du spectacle au sein des musiques actuelles live. Notre étude montre tout d’abord l’influence des conditions objectives de travail sur la construction de l’engagement dans le métier. Elle montre également comment l’économie du secteur se repose amplement sur la vocation des travailleurs. C’est lorsque leur couverture sociale a été inquiétée par l’incertitude de la crise que les travailleurs ont mobilisé des stratégies de pluriactivité, voire ont envisagé une bifurcation complète de carrière. Notre étude souligne ensuite combien ces diversifications d’activités ont été le moyen pour les travailleurs de préserver leur carrière. Ils ont ainsi usé de multiples stratégies individuelles pour conserver leur employabilité en renforçant leurs compétences. D’autres sont allés vers des secteurs voisins afin de s’assurer de meilleures conditions de travail et de vie. Notre étude vient ensuite réaffirmer que l’attractivité professionnelle est profondément liée à l’intermittence. Bien qu’il ne couvre pas l’ensemble des réalités professionnelles, il reste le dispositif structurant de l’économie de « l’exception culturelle française ». Enfin, cet article souligne que, pour les intermittents ayant pu bénéficier de « l’année blanche », la période du premier confinement a été un temps propice pour repenser le sens qu’ils accordaient à leur travail. Malgré des conditions particulièrement dégradées, la reprise des activités lors de l’été 2022 a ainsi été vécue comme un moment de fort investissement pour l’ensemble des travailleurs. Il s’agissait alors de relancer le secteur, voire de le sauver.

Aujourd’hui, la parenthèse du Covid-19 semble bel et bien terminée pour le secteur. Malgré cela, d’autres facteurs, notamment les coûts des énergies et la baisse de subventions, semblent le plonger dans une crise qui n’en finit plus. Si pour les structures culturelles, la situation actuelle est difficile, il convient de rappeler qu’en dernière instance c’est sur les travailleurs que les difficultés pèsent, les laissant à nouveau face à des problèmes généraux, mais traités de manière individuelle. Pour se donner les moyens de retenir ses travailleurs et d’amoindrir efficacement leur précarité économique, le milieu de la musique, et plus généralement celui de la culture, pourrait bénéficier de mesures plus ambitieuses inspirées par toute une littérature en histoire et en sociologie politique des mondes de l’art. Un exemple pourrait être l’élargissement du dispositif de l’intermittence, aujourd’hui fondé sur une assurance pour l’interruption du travail, vers un modèle de revenu minimum universel ou de salaire à vie pour les travailleurs du secteur culturel. Ce type de proposition est d’ailleurs défendu au niveau international par l’UNESCO[47], et plus spécifiquement porté en France par les CIP[48] (Coordinations d’intermittents précaires) ou encore par le Réseau salariat, favorable à la mise en place d’un service public de la culture dans la continuité du régime général de sécurité sociale.

On cerne peut-être mal le problème actuel en l’abordant avec la notion d’attractivité : bien que malmené pendant la pandémie par la rhétorique de la culture non-essentielle, la « magie » du spectacle vivant opère toujours chez les jeunes générations. En revanche, l’épuisement chronique des travailleurs installés peut finir par en avoir raison. De plus, pour les 18-35 ans, la question des conditions de travail semble plus centrale que pour les générations précédentes qui toléraient mieux les mauvaises conditions[49]. Quel choix opérer : retrouver l’équilibre fragile d’avant la crise, fût-il brisé par la prise de conscience accrue de leur condition, et parfois de la perte de sens, par les acteurs des métiers techniques de la musique live durant la pandémie, ou véritablement transformer durablement la manière dont on pense le travail dans la musique afin qu’il soit humainement soutenable ?


[1] Dans le cadre de cet article, nous nous sommes entretenus depuis l’été 2022 avec 24 techniciens-régisseurs (dont 20 intermittents, 1 autoentrepreneur, 1 salarié, 2 reconvertis, et 4 partiellement), un chef d’entreprise de prestation technique, trois représentants syndicaux (Synpase, Synptac CGT, SMA), ainsi que deux employés de Thalie Santé. Ces données, largement mobilisées dans le présent article, sont complétées par un corpus de plus d’une centaine d’entretiens menés auprès de travailleurs, artistes, et spectateurs qui nous renseigne sur l’état plus général du milieu de la musique depuis la pandémie.

Le SMA (Syndicat des Musiques Actuelles) et le Synpase (Syndicat National des Professionnels de l’Audiovisuel, du Spectacle et de l’Événementiel) sont des syndicats d’employeurs, le Synptac CGT (Syndicat des Personnels Techniques, Administratifs et d’Accueil du Théâtre et des Activités culturelles) est un syndicat de salariés.

[2] Voir le site du projet : http://musicovid.univ-tours.fr.

[3] CNM, « La diffusion de spectacles de musiques actuelles et de variétés en France », 2021. https://cnm.fr/wp-content/uploads/2023/10/DiffusionSpectacleMAV_Synthese2019_CNM-1-1.pdf.

[4] Audiens/CPNEF-SV, « Tableau de bord statistique de l’emploi, Données 2021 », 2021. https://www.cpnefsv.org/donnees-statistiques/chiffres-cles.

[5] SAPIRO G., « La vocation artistique entre don et don de soi », Actes de la recherche en sciences sociales, n168, 2007, p. 4-11.

CASSE R., « Des vocations techniques “désintéressées” ? Le cas du spectacle vivant en Suisse à l’épreuve de l’articulation des temps sociaux », Les Politiques Sociales, 2020/2, no 3-4, 2020, p. 59-74.

[6] LORIOL M. & SPIELMANN L., « Quand la passion s’emmêle : De l’investissement de soi à la souffrance dans une MJC “scène de musiques actuelles” », dans M. Loriol & N. Leroux (dir.), Le travail passionné, Paris, Érès, 2015.

[7] SINIGAGLIA J., Artistes, intermittents, précaires en lutte : retour sur une mobilisation paradoxale (2003-2006), Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2012, p. 257.    

[8] Coreps Auvergne-Rhône-Alpes, « Les effets de la crise sanitaire sur l’emploi dans le spectacle », Enquête du groupe de travail « emploi et formation ». https://auvergnerhonealpes-spectaclevivant.fr/wp-content/uploads/2022/10/Enquete_Effets-de-la-crise-sanitaire-sur-lemploi_Spectacle-Vivant_AURA-SV_-2022.pdf.

[9] VULSER N., « Reprise difficile pour les festivals de musique », Le Monde, 17 août 2022. https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/17/pour-les-festivals-musicaux-une-reprise-semee-d-embuches-malgre-le-retour-du-public_6138219_3234.html.

[10] Coreps Auvergne-Rhône-Alpes, ibid.

[11] CARON A., « Pénurie de matériel et de personnel », dans ScenePlus, no 63, septembre 2022, p. 8-9.

[12] CESE, « Crise du secteur culturel : l’urgence d’agir », 2023. https://www.lecese.fr/actualites/crise-du-secteur-culturel-lurgence-dagir.

[13] Entretien avec Bastien, 40 ans, technicien et musicien intermittent, Bayonne (64), le 21 septembre 2022.

[14] Voir la plaquette synthétique réalisée par le Collectif des Régisseurs et l’équipe Musicovid, à partir des résultats du questionnaire distribué par le Collectif.

[15] CARON A., « Régie technique : des conditions de travail dégradées ? », dans ScènePlus, no 73, juin 2023, p. 8-9.    

[16] Entretien avec Marc, 31 ans, technicien intermittent semi-reconverti comme streamer sur Twitch, en visioconférence, le 24 février 2023.

[17] ZIMMERMANN B. Ce que travailler veut dire. Une sociologie des capacités et des parcours professionnels, Paris, Economica, 2011.

[18] Audiens, groupe de protection sociale paritaire à but non lucratif, expert des métiers de la création et de l’information depuis 2003, rend accessibles les données sociales dont il dispose dans le cadre du Datalab, afin d’éclairer les professionnels dans leurs missions. Les chiffres concernent les secteurs Spectacle vivant (branches privé, public et prestation technique) et GUSO.

[19] Pôle Emploi, « L’emploi intermittent dans le spectacle en 2022 » et « L’emploi intermittent dans le spectacle en 2019 », chiffres concernant les activités de soutien au spectacle vivant.      

[20] Coreps Auvergne-Rhône-Alpes, « Les effets de la crise sanitaire sur l’emploi dans le spectacle », art. cité.

[21] AFDAS, CPNEF-SV, ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, KYU. Diagnostic-action dans le secteur du spectacle vivant, rapport final, 2021. https://www.cpnefsv.org/sites/default/files/public/pdf/D-Donnees-statistiques/covid/Diagnostic%20action%20spectacle%20vivant%20-%20Rapport%20final%20-%20%20Mai%202021.pdf.

[22] AFDAS, CPNEF-SV, ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, KYU. Diagnostic-action, art. cité.

[23] Ce travail peut comprendre la mise à jour des fiches techniques, la communication avec les équipes des festivals et lieux, avec les artistes, etc.

[24] MENGER P. -M., « Les intermittents du spectacle », Espaces Temps, no 82, 2003, p. 65.

[25] BOURDIEU P., « La fabrique de l’habitus économique », Actes de la recherche en sciences sociales, no 150, 2003, p. 85.

[26] Collectif pour la santé des professionnelles et professionnels de la musique.

[27] SINIGAGLIA J., Artistes, intermittents, précaires en lutte, op. cit., p. 257.

[28] Entretien avec Corinne, 40 ans, technicienne lumière et régisseuse intermittente, Bordeaux (30), le 2 mars 2023.

[29] France Info – AFP, « Réunis dans le collectif “Les Artisans du spectacle”, producteurs, régisseurs, attachés de presse… lancent un appel à l’aide pour les “oubliés” de la culture », mai 2020. https://www.francetvinfo.fr/culture/reunis-dans-le-collectif-les-artisans-du-spectacle-producteurs-regisseurs-attaches-de-presse-lancent-un-appel-a-l-aide-pour-les-oublies-de-la-culture_3959179.html.

[30] La Buse est un collectif d’artistes, de chercheurs, d’intermittents « qui interroge le milieu de l’art en tant que milieu de travail ». https://la-buse.org/.

[31] Réseau Salariat (SFA-CGT) https://www.reseau-salariat.info/dossiers/pour_une_securite_sociale_de_la_culture_et_des_arts/.

[32] Lors des dernières élections des représentants du personnel, le Synptac-CGT est majoritaire dans le cadre du spectacle vivant public et spectacle vivant privé, tandis que c’est la CFDT dans le cadre de la prestation technique.

[33] SINIGAGLIA J., Artistes, intermittents, précaires en lutte, op. cit.

[34] OFFERLÉ M., Sociologie des groupes d’intérêt. Montchrestien, Paris, 1998.

[35] SINIGAGLIA J., Artistes, intermittents, précaires en lutte, op. cit.

[36] Un syndicat comme le Synptac représente pourtant bien ce type de métier, mais a reconnu lors d’un entretien avec Musicovid manquer de temps pour des problématiques aussi précises que celles traitées par le Collectif des régisseurs, et encourage donc l’initiative de ce dernier.

[37]  SINIGAGLIA J., Artistes, intermittents, précaires en lutte, op. cit., p. 59-60.

[38] Personne occupant le même poste et prenant le relais d’un premier travailleur afin de limiter l’amplitude horaire de chacun sur une même journée.

[39] Entretien avec Laetitia, 24 ans, régisseuse de salle et de tournée, Paris (75), 21 mars 2023.

[40] GRÉGOIRE M., Les Intermittents du spectacle : Enjeux d’un siècle de luttes (de 1919 à nos jours), Paris, La Dispute, 2013.

[41] DUBAR Cl., La socialisation : Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, 2022 [1re éd. 1991].

[42] SAINSAULIEU R., L’identité au travail, Paris, Presses de Science Po, 2019 [1re éd. 1977].

[43] Entretien avec Michel, 28 ans, régisseur général, visioconférence, 31 août 2023.

[44] Ce temps interprofessionnel pourrait se cumuler à la suite de contrats et serait calculé sur la base d’un pourcentage rapporté aux nombres d’heures travaillées.    

[45] SINIGAGLIA J., Artistes, intermittents, précaires en lutte, op. cit.

[46] UNESCO/Département de la Culture et du Tourisme des Émirats arabes unis, Culture in Times of Covid-19, op. cit.

[47] UNESCO/Département de la Culture et du Tourisme des Émirats arabes unis, Culture in Times of Covid-19. Resilience, Recovery and Revival (rapport international), 2022.

[48] La CIP Île-de-France, https://www.cip-idf.org/spip.php?article7451.

[49] BAUMLIN, F. et BENDAVID R., « Les ambivalences du nouveau rapport au travail », Fondation Jean Jaurès, 2023. https://www.jean-jaures.org/publication/je-taime-moi-non-plus-les-ambivalences-du-nouveau-rapport-au-travail/.

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