L’avènement de l’artiste entrepreneur dans la musique
Facteurs explicatifs et conditions de réussite
Introduction
« Artiste entrepreneur » : une expression qui s’est diffusée à une vitesse inédite dans les différentes sphères professionnelles et le grand public. Depuis une dizaine d’années, les articles académiques [1]se multiplient, des prix sont décernés pour récompenser les meilleurs projets[2], des formations sont proposées aux jeunes créateurs et créatrices, tandis que les responsables politiques, au niveau régional, national et européen, portent une attention toute particulière au rôle de la culture dans le développement économique. Cet engouement soudain peut laisser perplexe. Comme le soulignait l’économiste Xavier Greffe dès 2014[3], on pourrait considérer que cette expression n’apporte rien de nouveau : l’artiste a toujours été entrepreneur puisqu’il cherche à exploiter des opportunités, prend des risques, mobilise des ressources variées qu’il ne possède pas a priori et veille à en contrôler l’usage pour éviter les aléas[4].
L’engouement pour la notion d’artiste entrepreneur ne doit pas être considéré comme un effet de mode, mais au contraire comme l’un des symptômes des transformations profondes de notre système économique liées à la vague de fond qu’est le numérique. Notre objectif est d’identifier les facteurs explicatifs de l’avènement des artistes entrepreneurs dans la musique enregistrée et de mettre en exergue les compétences clés qu’ils doivent désormais détenir pour développer leurs activités. Pour cerner ces transformations, et prendre la mesure de leur impact, il est utile de faire un détour par les travaux sur les révolutions industrielles qui permettent de comprendre les mécanismes sous-jacents. Une fois le contexte posé, nous montrerons que les possibilités technologiques offertes aux acteurs et actrices de la musique, associées à l’adoption par les maisons de disques d’un modèle acquisition et développement (A&D), expliquent pourquoi l’artiste doit désormais gérer simultanément les facettes artistique et économique de la production de ses œuvres. Enfin, les conséquences sur les compétences que les artistes débutant leur carrière doivent maîtriser seront abordées.
La musique : une industrie profondément bouleversée par la troisième révolution industrielle
Comme le montrent les travaux de François Caron[5], nous sommes entrés à la fin du XXe siècle dans une troisième révolution industrielle avec l’apparition de la technologie numérique qui a permis le développement de systèmes automatiques de traitement, de stockage et de diffusion des données. Rappelons ici que la notion de révolution industrielle fait essentiellement référence à une période de modification radicale des modes de production et de consommation, liée à l’émergence et au développement de nouvelles industries et à la transformation des secteurs traditionnels. Ces révolutions prennent la forme de vagues d’innovations successives au fur et à mesure que le niveau de performance des technologies nouvelles augmente, autorisant des applications multiples dans des domaines d’activité eux-mêmes très variés. L’essor de la micro-informatique, la démocratisation d’Internet, l’apparition des objets nomades connectés, et l’arrivée de l’intelligence artificielle sont les principales vagues de la révolution actuelle.
Deux caractéristiques clés : mise en réseau et nouvelles formes d’organisation
Les ruptures engendrées par les révolutions industrielles sont liées aux possibilités de mise en réseau et aux nouvelles formes d’organisation qui en découlent. Grâce à ces réseaux, les percées technologiques qui apparaissent dans certains secteurs peuvent être introduites dans d’autres domaines, et irriguer tout le système économique. La première révolution industrielle exploitait le réseau ferroviaire tandis que la révolution actuelle s’appuie sur un réseau mondial d’échange d’informations.
L’autre caractéristique clé des révolutions industrielles est l’apparition de nouveaux modes d’organisation. En permettant l’envoi en temps réel et à coût quasi nul d’informations de toutes natures, et en facilitant grandement la collaboration à distance, les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont rendu possible l’émergence de nouveaux modes d’organisation. Deux dimensions clés des changements organisationnels en cours nécessitent ici d’être mis en exergue.
Tout d’abord, à partir du moment où il est aisé d’accéder rapidement à des ressources variées auprès d’un nombre important d’acteurs et d’actrices, posséder en interne des actifs et des compétences n’est plus une priorité stratégique pour une entreprise, si elle parvient à les obtenir chez des partenaires tout en contrôlant leur usage[6]. Ensuite, le développement des TIC a conduit des entreprises de secteurs très variés à mettre en place des dispositifs d’« intermédiation » avec des « apporteurs d’idées ». En effet, il est désormais possible pour des firmes souhaitant absorber des connaissances nouvelles d’entrer en contact avec une multitude de consommateurs et consommatrices, de communautés virtuelles, d’universitaires et même de mondes virtuels. Cela explique l’apparition au sein de ces firmes de dispositifs d’innovation plus ouverts dans lesquels les projets sont alimentés par des idées, des connaissances, ou encore des technologies apportées par des acteurs et actrices variés : internautes repérés dans des communautés virtuelles, partenaires industriels ou encore start-up pouvant faire l’objet d’une acquisition. Si la deuxième révolution industrielle a vu l’essor de modèles d’organisation de l’innovation « fermés » s’appuyant sur une puissante fonction recherche et développement (R&D), la période actuelle est marquée par une généralisation de dispositifs plus ouverts dans lesquels les équipes internes chargées de l’innovation sont encastrées dans des réseaux d’acteurs, d’actrices et de communautés. Popularisé par Henry Chesbrough[7], le concept d’open innovation (innovation ouverte) fait ainsi référence à un modèle organisationnel typique de l’actuelle révolution industrielle. Dans de nombreux secteurs, et notamment celui de la musique enregistrée, l’heure est désormais à la connexion avec la foule, à la collaboration sous toutes ses formes et à l’ouverture.
Les transformations de l’industrie de la musique enregistrée
Les industries créatives ne sont pas restées en marge des mouvements de fond qui viennent d’être décrits. L’industrie musicale est née avec la deuxième révolution industrielle. Elle apparaît en effet à la fin du XIXe siècle, au moment où il devient possible d’enregistrer, de reproduire et de diffuser des œuvres à grande échelle. Le support qui permet l’écoute (disque 78 tours, puis 33 et 45 tours, Compact Disc, cassette…) devient un produit de grande consommation et la musique une véritable industrie au moment même où le marketing apparaît[8]. Dès le début des années 1900, des enregistrements sur disques connaissent en effet un réel succès commercial : l’intégrale de Carmen est éditée en 1910, la Symphonie n°5 de Beethoven est enregistrée dans sa totalité en 1914, le premier disque de jazz est édité en 1917… Un marché de masse commence à naître, celui de la « répétition [9]». Les défis sont alors nombreux : trouver de nouveaux artistes, composer, écrire, jouer, enregistrer, éditer, fabriquer, commercialiser, protéger les droits… Progressivement, les maisons de disques vont s’imposer comme des actrices pivot de la filière musicale. Adoptant un mode d’organisation très intégré, elles tentent de gérer l’intégralité de la chaîne de valeur du disque : de la détection des artistes à l’exploitation commerciale des œuvres, en passant bien entendu par le financement des enregistrements. Pour réaliser toutes ces opérations, elles recrutent des équipes étoffées : auteurs et autrices, compositeurs et compositrices, musiciennes et musiciens de studio, ingénieures et ingénieurs du son, arrangeurs et arrangeuses, directeurs et directrices artistiques, mais aussi découvreurs et découvreuses de talents, responsables de label, attachées et attachés de presse, équipes commerciales et administratives, etc. Parallèlement, les maisons de disques les plus importantes se dotent de ressources matérielles d’envergure (matériel, studios d’enregistrement, etc.) et s’appuient sur leur appartenance à de grands groupes industriels pour avoir accès aux nouvelles technologies. À l’époque de sa splendeur, dans les années 1970, EMI possédait plusieurs labels spécialisés, un département de R&D, et les fameux studios londoniens d’Abbey Road dans lesquels évoluaient les meilleurs spécialistes du son[10]. Pendant de longues années, Polygram appartenait à Philips, l’inventeur de la cassette audio puis du Compact Disc (CD). Pour le géant néerlandais, il était vital de conserver une maison de disques performante et de lui donner des moyens nécessaires. Quand en octobre 1984, le groupe Dire Straits démarre la création de son album Brothers in Arms, il bénéficie d’équipements dernier cri permettant de réaliser l’enregistrement, le mixage et la gravure en numérique. C’est le premier album au monde à être commercialisé sous la forme d’un CD DDD (pour digital-digital-digital). Cette prouesse technologique n’a été possible qu’avec le soutien de Philips qui, via Polygram, détient le label Vertigo ayant signé Dire Straits[11].
Dans les années 1990, l’industrie musicale connaît un âge d’or avec des niveaux de vente exceptionnels[12]. Les entreprises installées ont réussi le passage de l’analogique au numérique tout en préservant leurs modèles d’affaires. On continue à vendre en magasins des CD comme on vendait des vinyles. Mais le développement de nouvelles technologies numériques va très vite entraîner une remise en cause profonde des processus en vigueur, à la fois du côté des maisons de disques, des fabricants de supports, des distributeurs, des amateurs et amatrices de musique, mais aussi des artistes. Ces technologies, en permettant la dématérialisation, la compression des fichiers (avec le MP3) et la transmission à distance, vont en effet favoriser l’arrivée de nouveaux concurrents capables de proposer des prestations inédites et de déstabiliser les acteurs et actrices en place qui ne disposent pas d’emblée des compétences et des infrastructures nécessaires pour s’adapter. Désormais, la production, la distribution et la consommation d’œuvres musicales sont largement dématérialisées. Si les ventes de CD se sont effondrées entre 2002 et 2008, les plateformes de streaming qui apparaissent sur la même période (Deezer, Spotify, YouTube…) ont vu leur nombre d’abonnés croître de manière spectaculaire. Comme d’autres domaines, l’industrie musicale a ainsi abandonné le modèle de l’achat et la vente de supports physiques pour entrer dans « l’âge de l’accès [13]» à des catalogues en ligne.
La chaîne de valeur de l’industrie musicale, avec ses frontières clairement établies et ses acteurs et actrices positionnés sur des maillons spécifiques (création, fabrication des supports et des matériels, distributeurs, diffuseurs…), est aujourd’hui complètement reconfigurée et a vu l’arrivée de plateformes expertes de la mise en relation en ligne. La « plateformisation » est observable à différents niveaux : entre les détenteurs des catalogues et auditeurs ou auditrices (via les offres de streaming), mais aussi entre artistes et fans prêts à financer les œuvres (via le crowdfunding), entre artistes et compositeurs ou compositrices (crowdsourcing[14]), etc. Forte de toutes ces évolutions, la filière musicale traditionnelle laisse ainsi place à un véritable écosystème constitué d’intervenantes et d’intervenants nombreux et variés[15]. On y trouve bien entendu les acteurs historiques (maisons de disques, distributeurs, etc.), mais aussi des offreurs de solutions de streaming, des fabricants de nouveaux outils de création, de composition et d’enregistrement des œuvres (Ableton Live et FL Studio), des géants issus de secteurs connexes (Apple, YouTube…), des concepteurs d’applications mobiles de réseautage social (comme TikTok) ou de jeux vidéo (des jeux en ligne comme Fortnite diffusent désormais des concerts en live), des spécialistes de la diffusion sécurisée en ligne (développement des concerts virtuels depuis la crise du Covid-19), des communautés très actives d’utilisateurs et d’utilisatrices, des concepteurs et conceptrices d’algorithmes pour la détection et la comptabilisation des œuvres diffusées, des plateformes d’achat-vente de boucles musicales, etc.
Chaque révolution industrielle voit l’arrivée de nouveaux acteurs et actrices économiques, tandis que les géants installés tentent de se transformer sous peine de disparaître. Dans la musique, les dispositifs de création, d’enregistrement, de diffusion et de monétisation des œuvres apparus depuis quelques années constituent les différentes facettes d’un « monde nouveau » qui est en train de naître et qui menace les acteurs et actrices traditionnels. En particulier, et comme vont le montrer les développements suivants, les maisons de disques ont entamé depuis quelques années une réorganisation de leur activité dans une logique d’ouverture du processus d’innovation. Comme d’autres acteurs et actrices d’industries variées, elles semblent s’être converties à l’innovation ouverte pour survivre aux effets de la troisième révolution industrielle[16].
Quand les maisons de disques se tournent vers l’innovation ouverte
Dès les années 1950, la musique enregistrée est dominée par les maisons de disques qui contrôlent l’ensemble de la chaîne de valeur. L’impossibilité pour les artistes d’accéder aux ressources nécessaires à la production d’une œuvre musicale et à diffusion à grande échelle protège les positions de ces maisons de disques, mais les oblige en contrepartie à prendre en charge la recherche de nouveaux talents. Dans les grandes firmes telles que Motown, Polygram ou EMI, les procédures d’évaluation, de sélection et de formation des artistes sont alors organisées en interne. Si ce mode d’organisation a fait la fortune des grandes maisons de disques, il est en train de disparaître sous l’effet conjugué de trois évolutions rendues possibles par la révolution numérique, et qui amènent ces acteurs et actrices historiques à se réorganiser.
Trois évolutions clés liées au numérique
Les technologies numériques et les outils de mise en réseau ont tout d’abord permis à de nouveaux arrivants et aux artistes eux-mêmes de prendre en charge des activités qui nécessitaient auparavant des ressources et des compétences que seuls des acteurs et actrices spécialisés pouvaient posséder. Les facilités de mise en relation ont permis le développement des dispositifs de financement par le public (crowdfunding) et de ventes directes (direct-to-fan[17]).
Dès 2003, le groupe Radiohead a ainsi décidé de publier son album In Rainbows uniquement en téléchargement et a proposé aux internautes d’en fixer le prix. Les progrès réalisés dans les technologies numériques rendent également possible la conception d’une œuvre musicale de qualité « professionnelle » avec un simple ordinateur portable équipé de logiciels dédiés. La diffusion des œuvres est elle-même facilitée du fait de leur dématérialisation. De nombreux nouveaux modèles de distribution ont fleuri ces dernières années, permettant aux artistes d’entrer en contact direct avec leur public (Bandcamp, SoundCloud ou Jamendo). Parallèlement, promouvoir soi-même sa musique est devenu envisageable via les réseaux sociaux. Facebook, Instagram, ou encore TikTok sont autant de moyens de présenter sa musique à un large public. De même, des agrégateurs comme TuneCore permettent de distribuer la musique en contournant la barrière à l’entrée de la sélection par le milieu professionnel. En d’autres termes, la révolution numérique a conduit à une remise en cause de la position dominante des maisons de disques en favorisant un accès facilité aux ressources permettant la production, l’édition, la promotion et la distribution. Mais dans le même temps, avec l’avènement d’Internet et des médias sociaux, il est devenu beaucoup plus facile pour les maisons de disques de s’appuyer sur d’autres acteurs et actrices afin d’ajouter de la valeur à leurs produits et services. En amont du secteur, les équipementiers ont commencé à développer de nouveaux outils de création, de composition, d’enregistrement et de diffusion des œuvres. Dans des secteurs connexes, de nombreuses offres inédites liées à la musique sont proposées (musique pour sonneries, iPod puis iPhone d’Apple, diffusion de musique sur YouTube, etc.). Les activités commerciales s’organisent désormais plus en réseau qu’elles ne sont structurées au sein d’une chaîne de valeur linéaire associant des acteurs et actrices aux rôles bien délimités[18].
Enfin, avec le développement des plateformes de streaming musical, il est désormais facile pour l’auditeur ou l’auditrice d’accéder à un nombre colossal d’œuvres enregistrées. Dès 2018, on estimait qu’il faudrait plus de 16 millions d’années pour écouter l’ensemble des titres présents sur la plateforme Spotify[19]. Les effets de cette profusion sont multiples et paradoxaux. Même si elles élargissent leur choix, les technologies numériques concentrent l’attention des consommateurs et consommatrices sur les titres les plus populaires et les plus grandes plateformes. En 2017, aux États-Unis, alors que 377 milliards de chansons ont été streamées, 99 % des écoutes se sont concentrées sur 10 % des titres[20]. Comme le souligne Steve Cooper, directeur de Warner Music Group (entretien de 2022), « aujourd’hui, chaque jour de la semaine, environ 100 000 morceaux de musique sont téléchargés sur SoundCloud, Spotify, Apple, etc. Pouvoir séparer sa propre musique des 99 999 autres morceaux téléchargés ce jour-là est incroyablement complexe et incroyablement difficile[21]».
L’adoption d’un modèle A&D
Les évolutions qui viennent d’être présentées ont des effets paradoxaux et s’avèrent complexes à gérer. Les maisons de disques, après une réorganisation difficile dans les années 2000, ont néanmoins réussi à se redéployer vers des fonctions d’« intermédiation », notamment pour mener leurs deux missions premières : l’exploration afin de détecter des opportunités (la recherche) et l’exploitation de celles dont le potentiel est avéré (le développement). Traditionnellement, les maisons de disques prenaient en charge ces deux phases. Elles essayaient de repérer de nouveaux artistes à un stade très précoce de leur carrière (l’exploration) pour ensuite leur allouer les ressources nécessaires à leur développement commercial (l’exploitation). Ce choix est loin d’être unique et spécifique à la musique : toute entreprise qui souhaite innover doit parvenir à gérer ces deux phases. Et au cours du XXe siècle, dans la plupart des secteurs d’activité, l’articulation des phases d’exploration et d’exploitation de l’innovation radicale était réalisée en interne dans un processus associant schématiquement la R&D, la production et le marketing.
Michel Ferrary a cependant montré que, dans des secteurs à évolution rapide, le processus exploration-exploitation associe de plus en plus souvent des organisations complémentaires[22]. Certaines prennent à leur charge les activités d’exploration et s’associent ensuite à un partenaire pour la phase d’exploitation. La forme la plus classique de ce processus est celle dans laquelle une grande entreprise acquiert (ou collabore avec) une start-up à potentiel pour assurer l’industrialisation et la commercialisation de la technologie conçue par cette dernière. C’est la raison pour laquelle on qualifie désormais ce modèle d’A&D – modèle que des entreprises comme Google ou Cisco ont été parmi les premières à mettre en place et que l’on retrouve aujourd’hui dans de nombreux secteurs, même la pharmacie, qui a pendant longtemps privilégié la R&D interne.
Dans un tel schéma, l’entreprise qui décide de se centrer sur l’exploitation se désengage relativement du volet interne de sa R&D, mais doit développer des compétences et des dispositifs de détection des projets d’innovation à potentiel et des opportunités d’affaires. Du côté des maisons de disques, on relève depuis quelques années un abandon du modèle de la R&D au profit d’une logique A&D. Ce phénomène de désengagement dans la phase de recherche de nouveaux talents est constaté par de nombreux acteurs et actrices de l’industrie[23]. Pour signer un contrat avec un label, un artiste en devenir doit avoir préalablement démontré son potentiel. Le niveau d’exigence des professionnelles et professionnels a considérablement augmenté depuis les années 2000, notamment parce que les facilités de création et de mise en réseau génèrent un nombre beaucoup plus important de musiciennes, musiciens et d’artistes potentiels. Les réseaux sociaux sont devenus des outils de promotion incontournables et utilisés, au moins pour un temps, par les artistes eux-mêmes. Avant de signer un artiste en devenir, il s’avère donc crucial pour les maisons de disques d’évaluer s’il maîtrise suffisamment ces réseaux et interagit avec son audience de façon cohérente et engageante. Ainsi, les maisons de disques exigent un premier « produit » déjà finalisé et associé à une identité forte, autrement dit un artiste « prêt à l’emploi ». Comme l’affirme Kevin Breuner, vice-président de CD Baby, un distributeur en ligne de musique indépendante, « dans l’environnement musical actuel, si un artiste vise un contrat avec une grande maison de disques, il devra travailler à la construction de sa base de fans et de sa carrière avant que cela ne devienne une réalité [24]». Cette prédilection des maisons de disques pour l’exploitation explique les nombreux rachats de catalogues musicaux de stars depuis quelques années : Bob Dylan, Bruce Springsteen, Tina Turner, Neil Young, etc. Les back catalogues offrent en effet une rentabilité maximale, car les coûts variables liés à leur exploitation sont désormais quasi nuls. D’ailleurs, ces rachats ne sont pas uniquement le fait des maisons de disques. Depuis quelques années, des holdings se sont développées dans l’objectif de détenir et d’exploiter des droits de propriété intellectuelle et, plus largement, des actifs incorporels (droits à l’image, noms de domaine, etc.)[25]. Une major comme Universal peut tirer profit du nombre de streams de superstars comme Eminem, les Beatles ou les Spice Girls, souvent comparable à celui d’artistes actuels, sans avoir à supporter des coûts de développement, de communication ou de fabrication de CD[26]. Parallèlement, pour continuer à enrichir leurs propres catalogues de nouveautés tout en limitant les risques financiers, les maisons de disques préfèrent désormais miser sur l’autoproduction, c’est-à-dire la prise en charge par les artistes eux-mêmes d’un nombre de plus en plus important d’aspects de la production musicale, notamment l’enregistrement[27].
Les deux premières parties du chapitre ont permis de cerner les facteurs explicatifs de la montée en puissance de la figure de l’artiste entrepreneur : l’impulsion technologique des révolutions industrielles, et la nouvelle organisation de la musique enregistrée avec l’adoption d’un modèle A&D. Le recentrage des maisons de disques sur l’exploitation a conduit à faire de l’autoproduction un point de passage obligé et non plus seulement un choix pour les nouveaux artistes. Ces derniers doivent désormais travailler seuls pour émerger et espérer être repérés. Même ceux pour qui l’objectif de développement est avant tout de signer avec un label doivent passer par cette phase d’autoproduction pour espérer être identifiés par les professionnelles et professionnels de la musique. Dans la partie suivante, nous abordons les conséquences pour l’artiste. Pour ce dernier en effet, l’autoproduction nécessite la maîtrise de compétences entrepreneuriales auparavant détenues par les labels, et qui sont autant de conditions de réussites dans son projet.
La nécessité pour les nouveaux artistes de développer des compétences entrepreneuriales
Afin de mettre en évidence les compétences entrepreneuriales que les artistes doivent désormais maîtriser, nous avons, dans le cadre d’un projet de recherche universitaire, déployé une méthode qualitative. Notre objectif était de recueillir le point de vue d’une grande variété d’acteurs et d’actrices issus des grandes organisations de l’industrie (majors, plateformes de streaming, festivals), mais aussi de petites structures (labels indépendants, sociétés de conseil et d’accompagnement) et celui des artistes eux- mêmes. Nous avons ainsi réalisé trente entretiens sur la période 2020-2023, notamment huit avec des artistes en développement. Ces derniers étaient des personnes de moins de 30 ans souhaitant faire carrière dans la musique et travaillant sur leur projet depuis plus d’un an[28].
Ces entretiens ont été complétés par diverses données secondaires, issues notamment de la presse spécialisée. L’exploitation des données nous a permis de mettre en évidence cinq compétences clés à maîtriser par les nouveaux artistes
Formuler un concept artistique attrayant
Une première compétence clé est revenue tout au long des entretiens : être en mesure de proposer un véritable projet musical (ou concept). On pourrait même affirmer que, pour évoluer en tant qu’artiste, le plus important n’est plus de savoir jouer de la musique ou chanter, mais de proposer un concept artistique ou musical, une direction artistique, voire transmettre un message. Les éléments qui permettent de catégoriser l’artiste sont devenus très importants à l’heure où les webradios, les plateformes de streaming et, plus largement, les sites commerciaux, tentent d’exploiter, via des systèmes de recommandation, les liens entre les artistes pour proposer des contenus adaptés aux auditeurs et auditrices. Comme un entrepreneur ou une entrepreneuse à qui l’on demande de « pitcher» son projet, l’artiste doit savoir présenter son ambition de manière attrayante et convaincante. Les propos tenus par un assistant chef de projet dans un label vont dans ce sens :
Je pense que, dans notre label, ce qui est le plus important pour nous lorsque nous signons, c’est que les artistes aient déjà des idées assez précises et concrètes de ce qu’ils veulent faire. Qu’ils aient déjà un projet en tête […]. Pour moi, la règle numéro un, la toute première chose, c’est de définir un projet artistique. Il faut comprendre ce que l’on veut dégager en tant qu’artiste, savoir et avoir quelque chose à dire, savoir pourquoi on veut s’adresser aux gens et à qui. Actuellement, faire du son est tellement simple qu’on est passé à l’étape suivante, qui est d’avoir un projet.
Bâtir, animer et pérenniser son réseau de partenaires
Dans un contexte de dématérialisation où les moyens de mise en relation sont nombreux, l’enjeu est tout d’abord de savoir bien identifier les partenaires clés qui feront avancer le projet et les convaincre de s’y associer. L’autoproduction est aussi synonyme de complexification des tâches et de l’environnement pour l’artiste. Il est donc crucial de savoir bâtir et animer son réseau de partenaires, ainsi que de le pérenniser. L’accompagnement reste une étape essentielle dans le développement d’un projet musical, même si les labels n’assurent plus cette fonction au début de la carrière d’un artiste. Cet impératif explique sans doute l’apparition depuis quelques années de sociétés d’accompagnement des artistes entrepreneurs qui proposent des services d’aide juridique, de soutien technique, de communication digitale, de coaching, et d’optimisation des revenus, allant ainsi au-delà des fonctions traditionnellement assurées par les managers d’artistes. On relève en particulier le développement d’accompagnateurs et d’accompagnatrices spécialisés dans l’analyse de données (data analytics) qui proposent des services d’accès aux données et de suivi des évolutions de la consommation. Un directeur artistique nous confiait ainsi :
Il y a une sorte de redistribution d’une partie du pouvoir, qui est allé directement aux artistes grâce aux nouveaux outils. Cependant, par la suite, il ne suffit pas d’exploiter les opportunités. Il faut avoir des partenaires solides sur des points clés, pour des missions précises. On peut faire beaucoup tout seul, mais à un moment donné il faut que quelqu’un vous accompagne et vous aide à franchir une étape.
Grâce à ce réseau de partenaires, l’artiste va pouvoir prendre en charge, directement ou indirectement via son manager différentes tâches et fonctions et en déléguer d’autres à des partenaires, voire acheter des services clés en main à des sociétés spécialisées. La maîtrise du cadre juridique et administratif paraît particulièrement cruciale. Comme elle nécessite des savoirs spécifiques, elle semble le plus souvent déléguée[29].
Les travaux sur les conditions de réussite du modèle A&D dans des secteurs de haute technologie[30] ont insisté sur l’importance du soutien à la création d’entreprise. Pour tirer profit d’un tel modèle, les organisations doivent parvenir à s’appuyer sur des dispositifs et des acteurs et actrices dédiés à la détection et au soutien de projets entrepreneuriaux. Il semble en être de même dans la musique. Le désengagement des labels du développement des artistes va de pair avec l’émergence de nombreuses sociétés qui permettent aux artistes de s’entourer de professionnelles et professionnels avant même d’obtenir la signature d’un label. Dans l’industrie musicale, on assiste à une augmentation du nombre et du type de sociétés dédiées à des services spécifiques : management, conseil juridique, accompagnement artistique, marketing digital, etc. Même si elle reste difficile à quantifier, cette augmentation a été soulignée dès 2019 dans le rapport de l’Agence Phare pour la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture[31]. Le rapport souligne notamment l’augmentation du nombre de start-up et d’entreprises innovantes du secteur musical (passant par exemple de 250 à 334 entre 2016 et 2017) et leur ancrage dans des activités de services. De même, plusieurs de nos interlocuteurs et interlocutrices ont souligné la diversification et l’augmentation des intermédiaires impliqués dans le développement des artistes. Comme l’a souligné le responsable d’une agence spécialisée dans le conseil aux jeunes talents, « les maisons de disques attendent des artistes qu’ils démontrent le potentiel économique de leur projet. Mais ce faisant, elles prennent le risque de les voir signer avec les concurrents. Elles sont donc dans l’obligation de tisser des relations avec les intermédiaires qui explorent à leur place. Cette situation ouvre des espaces de négociation intéressants pour les artistes, à condition qu’ils soient bien accompagnés ».
Impliquer une communauté
Les possibilités offertes par les technologies numériques ont fait de la connexion avec le public une chance pour les artistes en devenir, mais aussi une condition sine qua none pour viser la signature d’un label. Les cheffes et chefs de projets numériques, les directeurs et directrices artistiques des labels et les entreprises spécialisées dans l’accompagnement marketing ont fait de cette connexion un indicateur du potentiel de l’artiste et un critère de sélection. Dès les premières étapes de son projet, l’artiste doit démontrer qu’il dispose d’un public fidèle et régulier, même restreint. Disposer d’une communauté de fans avant même de signer avec un label offre à l’artiste un pouvoir de négociation plus important lors de la négociation d’un contrat avec une maison de disques. Les propos tenus par un artiste interrogé sont, sur ce point, très explicites :
Aujourd’hui, j’ai l’impression que la stratégie, surtout de la part des majors, est de signer des projets qui sont déjà très bien développés et de ne pas prendre de risques avec un projet… La plupart des artistes qui sont signés sont des gens qui existent déjà, pas forcément dans la musique d’ailleurs, mais qui ont déjà une communauté…
L’artiste doit ainsi savoir s’adresser régulièrement à ses fans, via les réseaux sociaux, et faire en sorte qu’ils se sentent impliqués dans son projet. La présence sur ces réseaux et leur utilisation judicieuse constituent une compétence que les artistes doivent absolument posséder, au moins pour un temps. Les modalités sont diverses : partage d’informations exclusives, concours, accès à des contenus exclusifs, sondages sur les différentes versions d’une chanson en cours de création, etc. Leur utilisation nécessite de disposer d’outils sophistiqués de collecte et d’analyse de données, comme nous le confiait un jeune artiste :
J’utilise les données pour évaluer le fonctionnement de ma musique, pour déterminer qui m’écoute, pour savoir qui sont mes auditeurs, pour voir quelles sont les chansons qui marchent le mieux aussi… Par exemple, je participe à de nombreux concours en ce moment, et la chanson que je propose au jury à chaque fois est celle qui a été la plus écoutée sur Spotify, parce que je pense que c’est celle que les gens aiment le plus. J’utilise également les données lorsque je diffuse des publicités pour cibler mon public. Je regarde l’âge et le lieu d’origine de mes auditeurs, ce qui me permet de déterminer les critères de ciblage des publicités.
Enfin, le développement d’une communauté favorise la présence de l’artiste sur les plateformes de streaming, qui représentent le principal moyen accessible de distribution de masse et le meilleur moyen de promotion pour un nouvel artiste. En effet, les algorithmes des plateformes de streaming, telles que Spotify, Apple Music ou Deezer, sont désormais étroitement liés aux réseaux sociaux. Ils sont utilisés dans des systèmes de recommandation hybrides qui combinent l’analyse des caractéristiques de la musique appréciée par l’auditeur ou l’auditrice (150 à 500 caractéristiques) avec les notes et commentaires qu’il ou elle laisse sur le Web ou dans les applications de réseautage[32]. Comme nous l’a confirmé un analyste de métadonnées d’une plateforme de streaming, si un artiste parvient à assurer une présence sur les réseaux sociaux, il augmente ses chances d’être repéré par les algorithmes des plateformes et inclus dans les listes de lecture :
Si vous êtes déjà présent sur les réseaux sociaux, si vous attirez déjà un peu de trafic, si vous avez déjà une existence en tant qu’artiste, alors vous pouvez vous présenter aux listes de lecture et avoir une chance.
En parallèle, les labels commencent à développer des outils pour évaluer le potentiel des artistes, en utilisant les données fournies par les plateformes et collectées sur les réseaux sociaux. Un directeur artistique nous a ainsi déclaré :
Nous utilisons un indicateur qui permet de connaître, quelle que soit la taille du projet, le pourcentage de chance qu’il explose bientôt. Il prend en compte le taux d’engagement des followers, mais aussi beaucoup d’autres données. Ainsi, un petit artiste qui génère peu de streams, peu de followers, peut avoir un bon score. À l’inverse, un artiste très suivi peut avoir beaucoup de followers, mais un faible taux d’engagement.
Ces propos semblent indiquer que, pour certains responsables de maisons de disques, le potentiel d’un artiste réside donc dans son taux d’engagement sur ses réseaux sociaux.
Élaborer une stratégie marketing
Le développement d’un artiste n’est pas possible sans une stratégie marketing appropriée. Celle-ci peut prendre différentes formes en fonction du stade de développement de sa carrière et doit être affinée au fur et à mesure qu’il gagne en audience. Cependant, il est important dès le départ de savoir comment « raconter l’histoire » du projet, comment le présenter au public. Dans l’élaboration de cette stratégie marketing, la connaissance du numérique et des réseaux sociaux est également indispensable. L’artiste en devenir doit se tenir au courant des nouveaux modes de communication, des nouveaux outils, des nouvelles tendances. Il doit savoir choisir les outils les plus appropriés : Facebook, Instagram, YouTube, TikTok, sans oublier la presse, la radio, la télévision, le merchandising, etc. L’impact des réseaux sociaux sur le développement des artistes est aujourd’hui énorme, et TikTok en est un parfait exemple. Cette plateforme a une influence majeure sur les nouvelles tendances et découvertes musicales. Elle est aujourd’hui le réseau social qui convertit le plus les extraits de musique intégrés dans les vidéos en flux sur les plateformes de streaming : les utilisateurs et utilisatrices découvrent un échantillon de musique qu’ils aiment et vont directement sur Spotify, Deezer, etc.
Un directeur artistique interrogé l’a reconnu : « Malheureusement, oui, nous demandons aux artistes d’être des experts en numérique.» Connaître son public, le cibler, le développer via les réseaux sociaux, puis rechercher des partenariats, des modes de communication ou de vente originaux, produire des visuels et des images pour faire parler de sa musique sont autant d’étapes d’une stratégie marketing qui doit être mise en place dès le début du lancement du projet musical.
Jouer en public
La musique live est au cœur du modèle économique de l’industrie musicale et du développement des artistes. Seule une très petite proportion d’artistes peut compter sur le streaming comme source majeure de revenus. À la fin de 2021, d’après une étude réalisée par l’Unesco, seul 0,47 % des créateurs et créatrices présents sur la plateforme Spotify aux États-Unis généraient plus de 10 000 dollars de droits d’auteur[33]. En France, l’enquête sur les musiciens et la transformation numérique[34] a montré que 75 % des musiciennes et musiciens déclarent percevoir un revenu annuel net inférieur à 30 000 euros et 20 % un revenu inférieur à 9 000 euros. Dans la même étude, 70 % des musiciennes et musiciens citent les concerts comme l’une de leurs deux principales sources de revenus, et seulement 10 % incluent les droits d’auteur dans leurs deux principales sources de revenus.
Ainsi, même si nous sommes entrés dans une ère de dématérialisation, les concerts restent très importants dans la carrière d’un ou une artiste émergent, notamment parce qu’il existe de nombreux mécanismes de découverte, de tremplin et de lancement des artistes dans l’environnement live. En France, la majorité des structures spécialisées dans le développement des artistes évolue dans la distribution et la production de spectacles musicaux. Un programmateur de festival nous déclarait ainsi :
Vous voyez des gens comme Christine and the Queens [Chris, Redcar] ou Owlle, on les a programmés, ils n’étaient pas encore signés, et vous avez eu tous les producteurs et les labels qui sont venus, donc c’est très intéressant et important.
Cela semble donc montrer que le live reste un terrain de découverte pour les chasseurs et chasseuses de talents.
Conclusion
L’objectif de cette contribution était de montrer que les raisons de l’avènement de l’artiste entrepreneur dans la musique sont profondes. À défaut d’être totalement nouvelle, cette représentation de l’artiste comme un entrepreneur revêt aujourd’hui une importance toute particulière dans le monde de la musique, du fait d’évolutions technologiques et organisationnelles ayant profondément transformé cette industrie. Elles sont liées aux transformations rendues possibles par les technologies numériques au cœur de la troisième révolution industrielle. L’exploitation désormais aisée des dispositifs de mise en réseau, couplée à l’arrivée de nouveaux modes d’organisation, a conduit les maisons de disques à abandonner progressivement un mode de développement interne des nouveaux artistes pour privilégier une logique d’exploitation. Ce recentrage est, selon nous, l’explication première de la multiplication des artistes entrepreneurs.
Les artistes en développement dans l’industrie musicale doivent désormais posséder diverses compétences entrepreneuriales, dès le début de leur projet. Les cinq compétences que nous avons identifiées peuvent être considérées comme des facteurs clés de succès pour un nouvel artiste qui souhaite faire carrière. Il faut cependant garder à l’esprit que nos résultats s’appuient notamment sur des entretiens menés avec des artistes souhaitant signer le plus vite possible avec une maison de disques. Il est certain que d’autres peuvent faire des choix différents, notamment pour conserver une grande indépendance artistique, et que les contrats qu’ils peuvent signer avec des maisons de disques sont désormais très variés. L’avènement de l’artiste entrepreneur est donc aussi celui de nouveaux équilibres et de nouveaux choix pour l’artiste, entre son niveau d’indépendance – soit le degré de pouvoir de gestion et de décision sur la création et sur les étapes de développement du projet – et les risques financiers qui pèsent sur lui.
[1] Burkhardt-Bourgeois K., Jarrier E. et Bourgeon-Renault D., « Comment les artistes entrepreneurs exercent-ils leur liberté de décision face aux mécanismes qui les gouvernent ? Le cas de l’art vivant », Finance contrôle stratégie, vol. 24, no 3, 2021, p. 1-37, en ligne : doi.org/10.4000/fcs.8210.
[2] Par exemple le prix Artiste-Entrepreneur décerné par Moovjee.
[3] GREFFE X., « Artistic jobs in the digital age », The Journal of Arts Management, Law, and Society, vol. 34, no 1, 2004, p. 79-96.
[4] GREFFE X., « Les artistes-entrepreneurs », L’Observatoire, vol. 1, no 44, 2014, p. 50-52.
[5] CARON F., Les deux révolutions industrielles du xxe siècle, Paris, Éditions Albin Michel, 1997.
[6] Uber, Airbnb, Blablacar, ou encore Vinted sont quelques exemples bien connus de ces nouvelles organisations que l’on nomme désormais plateformes, qui ont pris des positions avantageuses sur des secteurs traditionnels sans posséder les ressources clés de leurs concurrents. Sur le fonctionnement des plateformes, voir BENAVENT C., Plateformes. Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux… Comment ils influencent nos choix, Limoges, FYP Éditions, 2016.
[7] Chesbrough H. W., Open Innovation. The New Imperative for Creating and Profiting from Technology, Boston (Mass.), Harvard Business School Press, 2003.
[8] VOLLE P., « Marketing. Comprendre l’origine historique », dans MBA marketing. Tout ce qu’il faut savoir sur le marketing par les meilleurs professeurs et praticiens, Paris, Eyrolles, 2011, p. 23-45.
[9] Selon l’expression de Jacques Attali dans ATTALI J., Bruits. Essai sur l’économie politique de la musique, Paris, Le Livre de poche, 2001.
[10] FORDE E., The Final Days of EMI. Selling the Pig, Londres, Omnibus Press, 2019.
[11] Sur ces évolutions de l’organisation des maisons de disques, voir TELLIER A., Nouvelles vibrations. S’inspirer des stars du rock, de la pop et du hip-hop pour innover, Caen, Éditions EMS, 2020.
[12] FANEN S., Boulevard du stream. Du MP3 à Deezer, la musique libérée, Bègles, Le Castor astral, 2017.
[13] Selon l’expression de Jeremy Rifkin: RIFKIN J., The Age of Access. The New Culture of Hypercapitalism Where All Life is a Paid-For Experience, Londres, Penguin, 2001.
[14] Pratique qui consiste à externaliser tout ou partie d’un travail à un grand nombre de personnes, identifiées et sollicitées grâce à des plateformes de mise en relation. Ce travail n’est pas nécessairement rémunéré.
[15] RUIZ E., TELLIER A. et PENIN J., « Comprendre les transformations de l’industrie musicale. Une approche par le modèle d’affaires », Revue française de gestion, n° 294, 2021, p. 79-97.
[16] Pour une analyse de ces réseaux d’acteurs et d’actrices à l’œuvre, voir TELLIER A., « L’adoption de l’open innovation dans l’industrie musicale. Une analyse des collectifs d’acteurs dans le rap américain », Revue française de gestion, n° 296, 2021, p. 85-106.
[17] On peut citer par exemple les plateformes Ulule, FundedByMe, ou encore Bandcamp.
[18] Sur ces transformations, voir GRAHAM G. et al., « The transformation of the music industry supply chain. A major label perspective », International Journal of Operations & Production Management, vol. 24, n° 11, 2004, p. 1087-1103.
[19] LOUIS J.-P., « Spotify. Dix ans en dix chiffres », Les Échos, 15 oct. 2018, en ligne : www.lesechos.fr/tech- medias/medias/spotify-dix-ans-en-dix- chiffres-141771.
[20] LELIÈVRE A., « La métamorphose de l’industrie musicale américaine en sept chiffres », Les Échos, 4 janv. 2017, en ligne : www.lesechos.fr/2017/01/la- metamorphose-de-lindustrie-musicale- americaine-en-7-chiffres-158904.
[21] INGHAM T., « It’s happened. 100,000 tracks are now being uploaded to streaming services like Spotify each day », Music Business Worldwide, 6 oct. 2022, en ligne : www.musicbusinessworldwide.com/its-happened-100000-tracks-are-now- being-uploaded
[22] FERRARY M., « Écosystème intrapreneurial et innovation. Le cas Google », Revue française de gestion, vol. 233, n° 4, 2013, p. 107-122.
[23] RÉGUER-PETIT M., MONFORT M. et AUDRAN M., « Étude exploratoire sur l’autoproduction des artistes de la musique », DGMIC du ministère de la Culture/Agence Phare, 2019 ; GARCIN P., « Devenir musicien dans l’ère numérique », Sociologie de l’art, vol. 23-24, n° 1-2, 2015, p. 93-109.
[24] DURANT C., « The changing role of a music distributor in 2022 », EDM.COM, 4 avr. 2022, en ligne: edm. com/industry/the-changing-role-of-a-music-distributor-in-2022 (traduit par Pop’n Music, 4 avr. 2022, en ligne: www.popnmusic.fr/levolution-du-role- dun-distributeur-de-musique-en-2022).
[25] QUIQUEREZ A. et SCHINDLER T., « L’investissement dans des catalogues musicaux français et étrangers. Pratiques et risques », CNMlab,2023, en ligne : www.cnmlab.fr/onde-courte/ linvestissement-dans-des-catalogues- musicaux-francais-et-etrangers.
[26] SAINT PIERRE L. (de) et HENNESSY U.,« Comment le streaming a permis aux majors de reprendre le contrôle du marché de la musique », Oeconomicus, 27 juill. 2020, en ligne : www. oeconomicus.fr/comment-le-streaming- a-permis-aux-majors-de-reprendre-le- controle-du-marche-de-la-musique.
[27] L’autoproduction n’est pas nouvelle dans l’industrie musicale. Dès les années 1970, avec la pratique du do it yourself (DIY), les groupes punks ont tenté de s’émanciper des labels et distributeurs traditionnels pour préserver leur liberté d’expression. Plus récemment, la dématérialisation de la musique et la démocratisation des outils de production et de distribution ont été perçues comme une chance pour les artistes de s’affranchir des maisons de disques et de développer des relations directes avec leurs publics. Cependant, cette autoproduction « choisie » a montré ses limites. L’arrivée de nouveaux acteurs et actrices puissants (plateformes de streaming), la nécessité d’entretenir des relations avec les tourneurs et l’obligation de développer de nouvelles pratiques marketing obligent toujours les artistes à négocier des contrats avec des acteurs et actrices établis.
Dans les faits, la prise en charge par les artistes de la réalisation d’un enregistrement musical, de son financement et de sa distribution s’avère très difficile.
[28] Nous avons interrogé deux responsables d’agences spécialisées dans l’accompagnement d’artistes ; cinq directeurs artistiques/managers de labels ; huit artistes en phase de développement ; trois responsables de labels en charge de la détection et du recrutement de nouveaux artistes ; trois Data Analysts pour des labels et des plateformes ; un découvreur de talents pour un label ; deux Business Developers pour des labels ; un responsable des relations avec les marques pour un label ; un directeur de la stratégie digitale pour un label ; trois chefs de projet pour des labels ; un programmateur de concerts.
[29] On voit ainsi apparaître des structures d’accompagnement comme IDeal Rights dont la mission affichée est de crée les bases juridiques, administratives et financières nécessaires aux artistes indépendants
[30] FERRARY M., « L’innovation radicale. Entre cluster ambidextre et organisations spécialisées », Revue française de gestion, vol. 187, n° 7, 2008, p. 109-125
[31] Agence Phare, « Autoproduction musicale. Étude exploratoire sur l’autoproduction des artistes de la musique », ministère de la Culture et de la Communication, mars 2018-févr. 2019, en ligne : agencephare.com/missions/ autoproduction-musicale.
[32] BEUSCART J.-S., COAVOUX S. et MAILLARD S., « Les algorithmes de recommandation musicale et l’autonomie de l’auditeur. Analyse des écoutes d’un panel d’utilisateurs de streaming », Réseaux, vol. 1, n° 213, 2019, p. 17-47.
[33] Unesco, « Répartition des revenus et transformation dans la chaîne de valeur du streaming musical », Perspectives pour la diversité des expressions culturelles, déc. 2022, en ligne : courier.unesco.org/ creativity/sites/default/files/medias/fichiers/2023/01/2-policy_ perspectives_music_fr-web%20%281%29.pdf.
[34] BACACHE M., BOURREAU M. et MOREAU F., Les musiciens et la transformation numérique. Un nouvel équilibre ?, Lausanne, Peter Lang, 2018.