Musique et territoires
Ancrage, structuration et attractivité

Le Hellfest Open Air Festival

Un levier d’attractivité territoriale

Par Corentin Charbonnier, Émilie Ruiz, Lise Bodin
Publié le 27 novembre 2025

Corentin Charbonnier est docteur en anthropologie et attaché temporaire denseignement et de recherche (ATER) à luniversité de Tours. Ses recherches portent principalement sur lindustrie musicale, les festivals et leurs publics, notamment sur les metal studies. Il a publié divers articles dans des revues telles quUrbanités et Hypothèses. Il est le commissaire de lexposition « Metal » qui sest tenue à la Philharmonie de Paris en 2024, et chargé des statistiques officielles du Hellfest et du Motocultor. 

Émilie Ruiz est maître de conférences habilitée à diriger des recherches en management de linnovation à luniversité SavoieMontBlanc et membre de lInstitut de recherche en gestion et économie (IREGE). Ses recherches, publiées dans diverses revues telles que la Revue française de gestion ou M@n@gement, traitent dinnovation ouverte et de créativité organisationnelle ainsi que des industries culturelles et créatives, avec un focus sur lindustrie musicale (festivals de metal). 

Lise Bodin est doctorante en anthropologie à luniversité de Tours, membre du laboratoire Cités, Territoires, Environnement et Sociétés (CITERES). Ses recherches portent sur le lien entre économie et culture appliqué aux festivals de musique metal. Elle a publié un article dans la revue Urbanités et a présenté ses recherches au colloque de lInternational Society for Metal Music Studies en 2025. 



Résumé

Depuis sa création en 2006, le Hellfest Open Air est devenu un acteur central du développement territorial de Clisson, petite commune de Loire-Atlantique. Ce festival de musiques extrêmes, au-delà de son rôle culturel, agit comme un levier d’attractivité et de structuration économique. En mobilisant les concepts de territoire créatif et de middleground, cette contribution met en lumière la manière dont le Hellfest articule les dynamiques entre acteurs institutionnels (upperground) et communautés créatives (underground). L’étude, fondée sur une analyse diachronique de l’implantation du festival, montre comment celui-ci a progressivement renforcé son ancrage local, pour générer des synergies territoriales durables et des retombées économiques significatives.


Introduction

Depuis près de deux décennies, le Hellfest Open Air Festival joue un rôle qui dépasse son statut d’événement musical. Implanté à Clisson (Loire-Atlantique), ce festival dédié aux musiques extrêmes (metal) est devenu un véritable catalyseur de dynamiques territoriales, associant enjeux culturels, sociaux et économiques. Né à la fin des années 1960 en Angleterre, le metal fait partie des plus anciennes musiques dites actuelles. La scène metal française s’est développée dès le milieu des années 1970, même si elle est restée peu représentée dans les médias et institutions durant plusieurs décennies. Dans une société où les perceptions autour de la culture metal évoluent, le Hellfest se distingue par sa capacité à aller au-delà des représentations négatives et à établir un dialogue fertile avec son environnement local.

En s’appuyant sur le Hellfest, cette contribution explore la notion de territoire créatif. Selon Gaëlle Dechamp et Bérangère L. Szostak, il s’agit d’un espace où diverses formes de savoirs sont générées – qu’ils soient scientifiques, industriels, mais aussi symboliques[1]. Dans ce type de territoire, les idées émergent grâce à l’interaction des acteurs locaux – communautés, organisations et individus – et profitent au développement des activités territoriales. Plus particulièrement, le cadre du middleground[2] permet de mieux comprendre cette orchestration territoriale. Ce concept, emprunté à la littérature sur la créativité organisationnelle, fait référence à un espace d’intermédiation qui connecte l’upperground (ici les acteurs institutionnels et économiques tels que les instances politiques, touristiques, les institutions locales, etc.) avec l’underground (les festivalières et festivaliers, les artistes et les communautés créatives issues de la scène metal qui développent l’activité économique du territoire durant le festival).

Ainsi, au-delà de leur influence sur leur identité, les festivals de musique deviennent un véritable moteur de créativité pour les territoires. Ils leur permettent de se renouveler et d’exprimer leur potentiel créatif à travers des projets, des événements et des espaces qui encouragent l’innovation. Ils deviennent une ressource pour la transformation des espaces urbains et l’émergence de nouvelles dynamiques sociales, culturelles et économiques. En agissant comme un middleground entre différents acteurs, la musique crée des ponts et participe à la construction d’une identité territoriale moderne et inclusive.

Au-delà de leur influence sur leur identité, les festivals de musique deviennent un véritable moteur de créativité pour les territoires.

Cependant, bien que le rôle du festival en tant que middleground puisse stimuler la créativité territoriale en connectant diverses communautés, il n’en reste pas moins que cette interaction entre différents acteurs, notamment issus de l’underground et de l’upperground, peut s’avérer complexe. D’une part, les festivaliers et artistes, qui font partie de l’underground, sont souvent motivés par des valeurs de liberté créative, d’autonomie artistique, et de subversion des normes établies. Leur objectif principal est de créer un espace d’expression personnelle et collective qui, bien que souhaitant se distinguer initialement des contraintes du marché et des attentes commerciales, s’y inscrit pleinement. D’autre part, les acteurs de l’upperground, tels que les institutions politiques ou les professions du tourisme, ont des intérêts souvent plus orientés vers la rentabilité, la gestion de l’image du territoire et l’attractivité économique. Pour autant, les acteurs locaux mettent également en place des actions d’intérêt général (début des travaux du nouveau lycée Aimé-Césaire en 2011 entraînant le déménagement du festival, désenclavement de Clisson, située dans l’aire d’attraction de la métropole nantaise, via la gare également sollicitée par les festivaliers, etc.).

Ces divergences peuvent parfois entraîner des tensions, car les objectifs des uns (dynamiser la scène musicale locale, favoriser l’innovation artistique) ne sont pas toujours alignés avec ceux des autres (attirer des touristes, garantir la stabilité économique). Les festivals, en tant qu’espaces de rencontre et d’échange entre ces deux mondes, doivent donc jouer un rôle d’équilibriste, cherchant à répondre à la fois aux exigences créatives des artistes et des festivaliers et aux attentes pratiques des autorités publiques et des acteurs économiques. Ce défi de coordination et de négociation entre des parties prenantes aux logiques souvent opposées fait partie intégrante de la gestion du middleground, et si ce travail de médiation est mal maîtrisé, il peut nuire à la réussite du festival et à la valorisation du territoire. L’enjeu est de créer des synergies entre ces différentes parties prenantes sans sacrifier l’authenticité de la scène créative locale, malgré des temporalités pouvant être différentes entre les acteurs.

Pour étudier cela, nous proposons de nous intéresser plus particulièrement au Hellfest, qu’il convient de qualifier, d’un point de vue scientifique, d’exemplaire[3], tant il s’agit d’un cas critique dont les fondements théoriques sont bien définis, d’un cas révélateur d’un phénomène peu accessible à toute investigation scientifique, et d’un cas extrême permettant d’étudier un phénomène rare. Le Hellfest se positionne comme un acteur structurant du développement local, multipliant les interactions entre culture et économie, grâce à diverses initiatives concrètes : l’instauration d’un rond-point surmonté d’une sculpture de guitare géante, la mise en place de la marque territoire[4] « Clisson Rock City », ou encore la création de partenariats avec les vigneronnes et vignerons locaux via le « Kingdom of Muscadet ». En 2024, la commande de la sculpture La gardienne des ténèbres à une association nantaise et le lancement du premier festival « Hellfest Kids » réservé aux habitantes et habitants de l’agglomération soulignent cette volonté de renforcer les liens territoriaux et s’inscrivent dans une forme de continuité : le Hellfest a, dès 2008, commencé à travailler avec des acteurs tels que Madneom pour structurer l’espace du festival avec des œuvres visuelles comme le Mausolée de Lemmy, créé en 2016 en hommage à Lemmy Kilmister, leader de Motörhead, décédé en 2015. Si la plupart des installations ont été prises en charge par le festival lui-même, pour la Gardienne des ténèbres (projet estimé à 12,5 millions d’euros), 7 millions de subventions ont été demandés au département, à la région, à la commune de Clisson ainsi qu’à l’agglomération Sèvre et Maine (amenant des tensions vis-à-vis de leur obtention ou refus).

En mobilisant les quatre composantes du middleground – espaces, lieux, projets et événements –, le Hellfest contribue à articuler les intérêts socio-économiques d’une multitude de parties prenantes. Tout en nous inscrivant dans la lignée des travaux d’Emmanuel Négrier et Marion Vidal[5], nous nous référons donc à ce modèle, qui invite à repenser le rôle des festivals de musique dans le développement local en montrant comment une identité culturelle forte peut devenir une force motrice pour l’attractivité, l’innovation et la cohésion sociale d’un territoire.

Présentation du Hellfest

Depuis sa création en 2006, le Hellfest Open Air Festival s’est imposé comme l’un des plus grands rendez-vous mondiaux des amateurs et amatrices de musiques extrêmes. Fondé par Ben Barbaud et Yoann Le Nevé, cet événement annuel se déroule à Clisson, une commune de 7 500 habitants située en Loire-Atlantique, près de Nantes. Organisé par l’association non lucrative Hellfest Productions, le festival attire chaque année des dizaines de milliers de spectateurs et spectatrices venus des quatre coins du monde.

Le Hellfest se distingue d’autres festivals de metal par sa programmation riche et diversifiée, rassemblant des groupes emblématiques et émergents de la scène metal et de ses innombrables sous-genres[6]. Cet éventail musical permet aux festivaliers de découvrir ou redécouvrir des groupes mythiques tout en explorant de nouveaux horizons sonores.

Au-delà de sa dimension musicale, le Hellfest joue un rôle économique et culturel majeur sur son territoire[7]. Il génère des retombées significatives pour l’hôtellerie, la restauration et les commerces locaux, tout en contribuant à donner de Clisson l’image d’un haut lieu de la culture « rock »[8]. En 2015, l’association Le Pôle annonçait plus de 20 millions de retombées économiques[9] ; en 2025, lors d’une conférence publique, Ben Barbaud annonçait plus de 60 millions. Le succès et la popularité grandissante du festival durant la deuxième décennie de son existence suggèrent l’importance du metal dans l’industrie musicale et témoignent du dynamisme de cette scène en perpétuelle évolution[10].

L’implantation territoriale du Hellfest a évolué au fil des ans. Des relations avec diverses parties prenantes se sont formalisées afin de lui permettre de rayonner sur son territoire, faisant de ce festival un middleground (voir figure 1).

Figure 1. Le Hellfest comme middleground du territoire (inspiré de Sarazin et al., 2017[11]).

Création du lien avec la commune (2006-2011) 

L’histoire du Hellfest est indéniablement liée à l’histoire de la commune de Clisson. Comme tout événement, ce dernier ne peut avoir lieu sans l’accord préalable des institutions, dont la commune d’accueil. Lors des premières éditions, le festival a ainsi pu compter sur le soutien de la mairie de Clisson pour utiliser les infrastructures communales (complexe sportif du Val-de-Moine). Le festival a également choisi de s’appuyer sur Animaje, association locale d’éducation populaire, qui lui fournit de nombreuses et nombreux bénévoles (450 dès 2008) pour gérer différents postes sur le festival : accueil des artistes et gestion des loges, camping, dessoiffeurs et dessoiffeuses[12], etc. L’année 2007, deuxième édition du Hellfest, a été particulièrement pluvieuse. Elle a donc amené le festival à interagir avec des acteurs locaux, notamment pour rendre le site du festival praticable, illustrant le soutien reçu par ce dernier sur son territoire. Cette édition suggère aussi une forme de solidarité des Clissonnaises et Clissonnais, qui apportent leur aide aux festivaliers, en proposant quelques boissons chaudes, une douche, des bottes… Si, pendant ces premières éditions, le lien aux habitants est observable sans être quantifiable, il reflète néanmoins l’existence de liens forts entre le Hellfest et une partie des acteurs locaux[13].

Toutefois, malgré ces relations, le festival a fait face à une première opposition en 2008[14]. L’association Bien vivre à Clisson… sans Hellfest, créée du fait des représentations liées à la musique metal, incarne une première forme instituée de contestation locale. Dans cette lignée, les jeunes du Centre national des indépendants et paysans (CNIP) soutiennent une demande d’arrêt de subventions au festival. En 2010, le Hellfest devient la cible de critiques politiques et religieuses à l’échelle nationale alors qu’il franchit la barre des 20 000 visiteurs et visiteuses sur 3 jours. Les Associations familiales catholiques (AFC) intentent une action en justice contre le festival. Christine Boutin, alors membre fondatrice du Parti chrétien-démocrate, s’oppose publiquement à son existence via un courrier en date du 17 mars, envoyé à l’entreprise Kronenbourg, marque de bière partenaire du Hellfest, accusant le festival de valoriser la « culture de la mort ». De son côté, Philippe de Villiers, parlementaire européen, l’accuse d’être vecteur d’idées néfastes. En mai 2010, le député Patrick Roy saisit à l’Assemblée Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture, ainsi que les détracteurs et détractrices du Hellfest, rappelant l’importance de la diversité culturelle et de la scène « rock metal » en France. Le maire de Clisson, Jean-Pierre Coudrais, est amené à prendre la défense du festival, cherchant une solution pour sa pérennisation en 2012.

Changement de site, tournant symbolique (2012-2015)

Le projet de construction du lycée Aimé-Césaire, qui aboutit en 2013 à son ouverture sur l’ancien site du festival, amène ce dernier à déménager en 2012 de l’autre côté de la départementale D149, sur un terrain qui accueillait historiquement des vignes dédiées à la production de muscadet ainsi que le « Camping festivaliers ». La signature d’un bail local agricole avec les vignerons sous-tend un lien étroit entretenu avec le territoire. Le coût du déménagement est estimé à 1 million d’euros, dont 400 000 euros de subventions publiques provenant des collectivités locales. L’aménagement du site marque une volonté d’ancrage du festival dans la commune, avec des installations structurelles nouvelles comme une cathédrale éphémère et un arbre au centre du site, dont les branches forment l’inscription Hellfest. Soutenu par un nombre important de nouveaux mécènes et un public plus massif (passant de 25 000 visiteurs en 2011 à 46 000 en 2015), le Hellfest devient un rendez-vous symbolique pour ses participantes et participants, et institué localement.

Le festival devient aussi un levier de développement touristique, puisque le site est désormais ouvert au public à l’année, amenant ainsi les habitants à se le réapproprier, ainsi que l’esthétique proposée. Les festivaliers, au-delà de l’événement, commencent à découvrir la région à travers des projets touristiques, des partenariats avec les vignerons locaux et des initiatives comme la création du Kingdom of Muscadet en 2013 : un bar dédié à la consommation de muscadet, auquel conduisent une porte, représentant Bacchus avec une guitare, et une petite forêt. Cette collaboration avec le vignoble nantais se veut ainsi un soutien à l’économie locale[15].

En outre, l’élargissement des offres de logement par les habitants de Clisson eux-mêmes fait écho à leur intérêt économique pour le festival autant qu’à la demande des festivaliers. En effet, seules quelques solutions existaient initialement : un gîte (Moulin de Plessard) et deux hôtels, dont un ouvert en 2011. Avec la montée en puissance du festival, l’offre s’est diversifiée, notamment sur Airbnb, ainsi que via la plateforme Hellfest-hébergement.fr, active durant plusieurs années[16]. Désormais, de nombreux habitants louent des gîtes, des chambres d’hôtes ou proposent des emplacements pour tentes et camping-cars, générant ainsi une source de revenus supplémentaires, non seulement pendant le festival, mais aussi tout au long de l’année.

Le festival devient aussi un levier de développement touristique, puisque le site est désormais ouvert au public à l’année, amenant ainsi les habitants à se le réapproprier, ainsi que l’esthétique proposée.

Le lien avec la commune s’intensifie au fil des années. Dès 2014, le festival installe une guitare géante, réalisée par l’artiste Jean-François Buisson, à l’entrée du site, marquant un tournant dans la visibilité de l’événement. Cette guitare s’accompagne, sur l’un des bords du rond-point, d’un « H » (symbole du Hellfest) accompagné du message « Clisson Rock City », inscrit sur un vaste muret. Parallèlement, les commerçantes et commerçants locaux, conscients de l’intérêt socio-économique du festival pour le territoire, se mobilisent, en partenariat avec l’association des commerçants de Clisson, pour organiser des animations et renforcer les liens avec les festivaliers. Le développement des offres de logement, les transports améliorés (tram-train vers Nantes, gare SNCF et aéroport de Nantes aménagés pour les festivaliers) et l’augmentation des partenariats touristiques sont autant d’indicateurs de l’intégration croissante du festival dans le paysage local.

Lien formel renforcé, ancrage visible (2016-2022)

En 2022, du fait des éditions annulées au regard de la situation sanitaire liée au covid, le Hellfest organise une édition exceptionnelle de deux week-ends, qui permet à l’office de tourisme du Vignoble de Nantes de mettre en place un large programme touristique. Celui-ci comprend 80 animations et activités, allant des randonnées et visites de sites historiques à des dégustations de vin et à des excursions dans des lieux comme le château de Tiffauges, Pornic ou le parc du Puy du Fou. Un livret, relayé par les réseaux sociaux du festival, puis distribué pendant le festival, regroupe toutes ces informations, soulignant l’importance de l’offre touristique locale et du rayonnement accru de la région grâce au Hellfest. Selon les statistiques réalisées en début d’année 2022[17], plus de 20 000 festivaliers – hors résidentes et résidents de Loire-Atlantique – sont restés entre les deux week-ends.

Cette transformation a également impacté les infrastructures de transport. La ligne tram-train entre Clisson et Nantes a été améliorée pour faciliter l’accès des festivaliers. En 2022, grâce à ces multiples évolutions, le Hellfest n’est plus un simple festival : il est devenu un moteur de développement touristique et économique pour Clisson et sa région, attirant visiteurs et amateurs de metal tout au long de l’année.

La Société nationale des chemins de fer français (SNCF), exploitant de la gare de Nantes, principal point de transit vers le Hellfest, y a par exemple organisé une journée spéciale d’animations. De son côté, l’aéroport de Nantes a adapté ses infrastructures pour accueillir une guitare de quelques mètres de hauteur aux couleurs du Hellfest et installer un salon dédié aux festivaliers, marquant ainsi son engagement envers cet événement emblématique. Cette double édition a également abouti à la création de deux parkings : un « petit » parking est, situé non loin de la seconde zone commerciale de la commune, et le parking ouest, deuxième plus grand parking de France après celui de Disneyland Paris, à plusieurs kilomètres du festival et desservi par des navettes, de jour comme de nuit, pendant la durée du festival. Des aménagements ont également été mis en place dans les quartiers environnants pour limiter la circulation des festivaliers avec leurs véhicules. La D149, qui servait de parking temporaire, est fermée aux voitures, désormais uniquement praticable à pied et à vélo pour les festivaliers, et permettant l’accès aux véhicules de secours. Alors qu’il est géré dans un espace relativement restreint lors des premières éditions, en 2023, le Hellfest « déborde » sur la commune et l’agglomération[18].

L’année 2022 a également vu naître le projet de prévention, intitulé Hellcare, pour répondre aux problématiques sociales : prévention auditive, prévention des risques d’addiction, prévention des risques sexués. Le pôle Hellcare dispose également d’une zone de répit et d’un espace d’échange en cas de violences.

Relations renforcées, nouveaux impacts (depuis 2023) 

En 2023, le développement amorcé et formalisé au fil du temps est soutenu par des aménagements permanents, comme de nouvelles sculptures sur le site et des projets de mobilité renforcés. Cependant, la pérennité de l’événement dépend également de l’équilibre entre les attentes et les besoins des différents acteurs. Les tensions qui ont eu lieu en 2024 entre le Hellfest et l’agglomération Clisson Sèvre et Maine au sujet du réseau d’assainissement du festival en sont un exemple. En effet, si l’ouverture de la brasserie Hellcity en février 2025, notamment, nécessitait de renforcer la capacité du réseau, cette nouvelle infrastructure allait perpétuer par ailleurs, à travers une licence de marque, la présence quotidienne du Hellfest sur la commune. Or le festival est un vecteur de retombées économiques pour celle-ci : 890 emplois directs et indirects et 15 millions d’euros de fiscalité dont 80 % bénéficient à l’agglomération, d’après Ben Barbaud[19]. Cette situation illustre la recherche de compromis à laquelle peuvent faire face les événements dès lors qu’ils s’implantent durablement dans un territoire.

En ce qui concerne la population locale, le Hellfest a su tisser des liens forts avec une grande partie de celle-ci, en particulier avec des publics spécifiques variés. Si plusieurs milliers de bénévoles sont impliqués chaque année, l’événement a également ouvert son site à des initiatives sociales marquantes. Depuis 2015, il s’associe à la municipalité pour permettre aux habitants de découvrir les coulisses du festival, son implantation sur le territoire communal, et pour changer les représentations du public metal. Ainsi, les « visites des anciens » s’adressent à une tranche importante de la population clissonnaise – la part des plus de 60 ans est supérieure à 30 % –, un public dont la participation est d’autant plus intéressante qu’il est celui qui héberge les festivaliers. Du côté des plus jeunes, en 2024, le Hellfest met en œuvre une nouvelle initiative : le Hellfest Kids. Ce mini-festival d’une journée se déroule à Gétigné, commune voisine de Clisson, à l’espace Bellevue. Il est réservé aux élèves de CP de l’agglomération, chaque enfant pouvant venir avec deux accompagnantes ou accompagnants adultes, et la première édition a affiché complet avec plus de 3 000 personnes sur le site, dont 850 enfants. Le Hellfest Kids a permis aux artistes Smash Hit Combo puis Guillaume Aldebert de présenter un concert adapté au jeune public. Différentes activités étaient proposées par les associations locales, allant du maquillage aux barbes à papa, boissons, etc., dont les bénéfices ont été reversés dans leur totalité aux associations de la commune – renforçant, de ce fait, l’ancrage du festival auprès des familles et de l’agglomération. Le festival a ainsi consolidé ses engagements sociaux, en soutenant de nouvelles associations locales et par sa volonté de rendre accessible la culture metal auprès d’un public jeune. En 2025, il s’appuie par ailleurs toujours sur l’association Animaje pour les bénévoles.

En ce qui concerne ses engagements environnementaux, le Hellfest s’appuie désormais aussi sur le projet Anima’Green pour la collecte des déchets. Un projet de développement de l’emploi des énergies renouvelables a également abouti à la mise en place de panneaux solaires pour alimenter différents lieux, tels que le parking ouest, et pour permettre d’y recharger les voitures électriques. Sur ce même parking, une écologue intervient afin de préserver l’habitat naturel d’une dizaine de couples d’alouettes. Sur le site, dès 2024, le Hellfest s’est engagé dans un partenariat avec l’organisation non gouvernementale (ONG) Savage Lands, menée par le musicien Sylvain Demercastel. Celle-ci, dont l’objet principal est de préserver les forêts du Costa Rica, a engagé, dans le cadre de ce partenariat, différentes actions afin de favoriser, dans les années à venir, la reforestation des alentours du site du festival. Dans l’espace de l’Extreme Market, plusieurs associations sont représentées, notamment des associations régionales telles qu’Hardcore Cares, qui reloge des animaux, ou encore la Société protectrice des animaux (SPA) de Montaigu. Enfin, l’enquête menée par Le Pôle[20] souligne l’importance du partenariat avec la Ressourcerie culturelle de Montaigu-Vendée, qui permet de favoriser l’économie circulaire. Ces opérations ont commencé d’être mises en œuvre au cours de la dernière décennie, en même temps que le festival accédait à la pérennité économique, et sont toujours en phrase de développement – en témoigne la création en mai 2025 du Hellfest Lab, sous la direction de Cindy Pajot, responsable RSO (responsabilité sociétale des organisations) du festival.

Ces différentes initiatives illustrent la fonction d’intermédiation du Hellfest entre upperground et underground : elles amènent des institutions publiques à travailler directement avec des associations locales ou des artistes, ce qui n’aurait pas lieu sans le cadre offert par le festival. Le Hellfest agit ainsi comme catalyseur de relations inédites, en transformant des coopérations ponctuelles en véritables dynamiques territoriales.

Si, à ce jour, le Hellfest Open Air bénéficie d’une bonne visibilité, son impact économique est plus grand encore. Le festival joue un rôle clé dans le développement de Clisson, si bien qu’il est intégré au projet de développement communal 2020-2030, et plus précisément à l’atelier « Renforcer encore et valoriser pleinement l’image et la notoriété du territoire » organisé en 2021 par l’agglomération Sèvre et Maine, dont les objectifs concernaient les points suivants : construire une identité forte en valorisant la richesse du territoire, pour les résidents et les touristes ; questionner le tourisme local ; apporter une réflexion collective autour de l’identification des axes de développement, mais aussi autour de la communication du territoire en la matière.

Le festival a ainsi consolidé ses engagements sociaux, en soutenant de nouvelles associations locales et par sa volonté de rendre accessible la culture metal auprès d’un public jeune.

Impacts de la consommation du public

En 2022, le Hellfest a sollicité plusieurs chercheurs et chercheuses (incluant l’auteur et les autrices de l’article), regroupés sous le collectif Hellstats, pour réaliser une étude en amont et en aval de la double édition du festival (récoltant près de 13 000 réponses exploitables), afin de mieux connaître son public et ses pratiques et, ainsi, d’adapter son offre.

Une première étude menée par Christophe Guibert et Gérôme Guibert en 2011[21] faisait état d’une moyenne d’âge des festivaliers de 26 ans. Si celle-ci était ensuite de 32,7 ans en 2019, la dernière enquête de 2022[22] témoigne d’une moyenne d’âge dépassant dorénavant les 39 ans. Le public féminin atteint également les 27 %, alors qu’il ne représentait que 19,3 % en 2011. En outre, les dernières données collectées montrent que le public du Hellfest est en majorité une population active, composée à 48,9 % de cadres et professions intellectuelles supérieures, et pour 78,6 % détentrice au minimum d’un bac + 2 – parmi lesquels 36,7 % sont également titulaires d’un bac + 5. Ces chiffres témoignent d’un public disposant d’un pouvoir d’achat de plus en plus important au fil des ans. Dans le même temps, une part du public vieillit en même temps que le festival (selon l’enquête 2019, plus de la moitié des festivaliers venaient depuis plus de 7 ans), ce qui a un impact sur les pratiques d’hébergement : de plus en plus de festivaliers dorment en gîte ou chez l’habitant. Par ailleurs, l’étude « Hellstats » met en évidence l’apparition de nouveaux publics (notamment caractérisés par une diversité de goûts), qui viennent au Hellfest pour vivre une expérience : en 2022, 25,7 % de la population interrogée étaient des primo-festivaliers. Il est important de souligner que l’image médiatique du festival n’est plus la même que durant ses premières années : les différents médias favorisent aujourd’hui l’acceptabilité du genre metal. À titre d’exemple, les reportages de M6, qui jusqu’en 2011 critiquaient ouvertement le festival ou le stigmatisaient, sont devenus dithyrambiques. Les médias généralistes, nombreux, dans la dernière décennie, à être venus au Hellfest, font changer le regard sur le festival. Celui-ci est devenu pérenne et a investi dans une identité visuelle (parc ouvert à l’année où l’on peut découvrir les structures), se rendant identifiable.

Plus de quinze ans après l’arrivée du Hellfest à Clisson, les festivaliers, dont le profil a donc évolué au fil des ans, et les habitants ont noué des liens forts[23] , ne serait-ce que par l’intermédiaire des habitudes créées sur le territoire. Ainsi, l’entretien avec l’un des responsables de l’association des commerçants en 2023 attestait de zones plus ou moins fréquentées dans la commune. De plus, l’un des aspects incontournables du séjour a trait à l’hébergement ; or, si le camping gratuit proposé par le festival reste le premier choix pour se loger (38,3 % des festivaliers en 2022), 25,5 % des festivaliers ont opté pour un logement en gîte, à l’hôtel ou chez l’habitant lors de la double édition. Il est intéressant de noter que malgré la visibilité internationale du Hellfest, en 2022, 17,8 % des festivaliers déclarent provenir du département Loire-Atlantique (44).

Alors qu’il est indéniablement un levier d’attractivité territoriale, le festival n’entraîne pas l’effet économique escompté pour les commerces locaux.

Géographiquement, les logements les plus plébiscités sont ceux aux alentours du site (et pouvant être rejoints à pied, la plupart des voies environnantes excluant l’emploi des voitures). La mise en cartographie (voir figure 2) permet de mettre en lumière la concentration de lieux d’hébergement dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres séparant notamment le festival de la métropole nantaise, desservie toutes les nuits, pendant l’événement, par des navettes de type bus et train.

Figure 2. Hellfest : distance des lieux de logement par rapport au site du festival (hors camping). Source : enquête « Hellstats », 2022. Cartographie réalisée avec Google Earth Pro.

Légende :  
20,3 % des festivaliers logent dans le rayon de 2 km (rouge). 
10,7 % logent dans le rayon de 2 à 5 km (violet). 
6,6 % logent dans le rayon de 5 à 10 km (vert). 
13,5 % logent dans le rayon de 10 à 30 km (bleu). 
11,8 % logent au-delà de 30 km. 

Si le nombre de personnes logeant à l’extérieur du festival entraîne indéniablement des retombées économiques sur le territoire, la fréquentation des commerces locaux est disparate. L’enquête réalisée en 2022 montre que 29,2 % des festivaliers font leurs courses en amont du festival, et 29,6 % les font en arrivant au Hellfest à la grande surface E.Leclerc de Clisson, qui demeure le premier choix des festivaliers (6,29 % indiquent faire leurs courses au Super U et 1,57 % à l’Intermarché). Ce choix s’explique par la localisation du festival à 350 mètres du centre commercial et par les nombreuses opérations mises en place par E.Leclerc sur la nourriture, les boissons, les caisses spécifiques, jusqu’au festival « Hellfest le Off » instauré depuis 2014. En ce qui concerne les commerces locaux, 45 % des festivaliers interrogés déclarent ne pas les fréquenter. L’activité économique est ainsi concentrée au sein même du festival.

Le Hellfest ayant développé une offre répondant aux besoins des festivaliers (possibilité de recharger son téléphone portable, distributeurs automatiques de billets, vente de cigarettes électroniques, de petits déjeuners, etc.), ce dernier peut être qualifié de festival 360°, car il limite ainsi leurs déplacements dans la commune. Alors qu’il est indéniablement un levier d’attractivité territoriale, le festival n’entraîne pas l’effet économique escompté pour les commerces locaux. Les données récoltées par les observations menées lors des différentes éditions permettent de constater que les festivaliers ont tendance à ne pas sortir de l’enceinte du festival une fois les animations commencées. Ainsi, en ce qui concerne les dépenses réalisées en dehors du site du festival (dans les commerces de Clisson et le vignoble), 44,5 % des répondantes et répondants interrogés en 2022 déclarent ne rien avoir dépensé et 22,3 % ont dépensé moins de 50 euros. Seuls 3,9 % de festivaliers déclarent avoir dépensé plus de 200 euros. En réponse à ce constat, l’association des commerçants de Clisson multiplie les opérations visant à drainer le flux de festivaliers vers leurs commerces.

Les résultats de cette étude sont à nuancer : les retombées indirectes d’un festival sur son territoire peuvent être de plusieurs natures[24]. Ainsi, dans la lignée des travaux de Yann Nicolas[25], notre article montre que le festival est une source d’emploi : directe si l’employeur est le festival ; indirecte dans le cas d’une prestation de service, de communication, de presse, etc. ; induite si ces emplois sont créés par la présence du festival sur sa commune, témoignant d’une « économie d’opinion[26] » via sa réputation. Nous pourrions par exemple citer des restaurateurs tels que le fast-food McDonald’s de Clisson, situé sur le parking de l’E.Leclerc et qui nécessite l’embauche de personnel saisonnier le temps du week-end du Hellfest, ou encore la présence de nombreux Uber dans la commune, absents le reste de l’année. Le festival participe à créer des emplois, certes saisonniers et temporaires, parfois précaires, mais générant d’importants échanges économiques sur le territoire de la commune d’accueil.

Conclusion 

Outre les retombées économiques ponctuelles qu’il génère, le Hellfest s’est durablement ancré dans le territoire, en agissant comme un middleground connectant deux sphères souvent disjointes : l’underground (festivaliers, artistes, associations locales, petits commerçants) et l’upperground (collectivités, acteurs économiques, institutions publiques). Comme nous l’avons vu précédemment, en mobilisant les quatre composantes du middleground – projets, lieux, espaces et événements –, le festival a su aligner les intérêts et les attentes de ces parties prenantes, créant ainsi un écosystème créatif cohérent et durable.

Dans ce contexte, le middleground devient le lieu d’un métissage entre l’événement majeur et diverses initiatives locales. Ce croisement entre les festivaliers, la population locale et les acteurs dont le rayonnement est plus large (par exemple, bookers, agentes et agents, labels pour les acteurs économiques et mairie, département, région pour les institutions publiques) est un processus qui favorise l’ouverture et l’implantation du festival sur son territoire, mais qui soulève parfois des tensions, notamment autour des enjeux d’acceptabilité sociale et politique du festival.

Ce rôle d’interface, initialement fondé sur une acceptabilité conditionnelle des institutions locales, a évolué vers une légitimité territoriale forte, incarnée par la création d’une marque territoire partagée : Clisson Rock City. Ce changement illustre la capacité du Hellfest à faire du territoire non seulement un espace d’accueil, mais aussi un acteur à part entière du projet culturel. Les installations permanentes – telles que la guitare géante, le Mausolée de Lemmy, ou encore la brasserie Hellcity – participent à la création d’une identité partagée entre le festival et la commune, tout en favorisant l’émergence d’un tourisme pérenne.

Le Hellfest est aujourd’hui bien plus qu’un événement : il est devenu une destination touristique à part entière, dont le rayonnement dépasse la temporalité du festival. Le site, accessible tout au long de l’année, attire curieuses et curieux, passionnées et passionnés, tandis que les partenariats avec les vignerons locaux ou les initiatives de l’office de tourisme favorisent une dynamique de tourisme durable, ainsi que la construction de lieux de consommation répondant aux besoins de ces « touristes singuliers ». Ainsi, l’espace culturel E.Leclerc a créé un espace dédié au Hellfest permettant d’acquérir des objets inédits, estampillés des logos « H » ou « Hellfest » ; et la boutique Sin City, spécialisée dans les looks de metal, s’est installée face à la gare. Cette transformation territoriale est à la fois symbolique et économique, mais produit aussi de nouveaux enjeux sociaux et environnementaux[27].

Le lancement du Hellfest Kids, les visites du site pour les seniors, les engagements écologiques et la mise en réseau avec des associations locales montrent que le festival cherche désormais à être un acteur de la cohésion sociale et de la durabilité environnementale. Le Hellfest n’agit plus uniquement pour son propre bénéfice économique, mais participe activement à la valorisation du territoire dans toutes ses dimensions.

Il convient toutefois de souligner que cette fonction d’intermédiaire du festival n’efface pas les divergences persistantes. Les exemples du financement de certaines installations, de la répartition inégale des retombées économiques entre commerces, ou encore des tensions autour des infrastructures (eaux usées, mobilité) rappellent que l’articulation entre upperground et underground n’est jamais acquise. Le Hellfest doit composer avec des temporalités, des objectifs et des représentations qui ne se superposent pas toujours, ce qui en fait un espace de médiation autant qu’un lieu de friction. En somme, le cas du Hellfest illustre la manière dont un festival peut devenir un moteur de créativité territoriale en alignant les intérêts de ses parties prenantes, grâce à une stratégie d’intermédiation solide.

Enseignements tirés du cas du Hellfest 

Le cas du Hellfest est porteur de divers enseignements, que nous synthétisons dans le tableau 1.

EnseignementDétail
Penser l’implantation comme une co-construction territorialeS’associer très tôt avec les acteurs locaux (élues et élus, commerçants, habitants, associations) pour co-construire l’événement. Ne pas viser l’acceptabilité minimale, mais la création d’une identité territoriale partagée.
Devenir un middleground : aligner les parties prenantes  Être une interface active entre l’upperground (institutionnels) et l’underground (public, associations, artistes). Cela suppose de connaître les attentes des acteurs (questionnaires, évaluations) et de créer des projets qui répondent à leurs besoins spécifiques.
Investir dans des lieux, espaces et événements durablesCréer des espaces visibles et pérennes (exemples : sculpture, salle ou espace ouverts et accessibles pour tous les publics) permettant de prolonger l’expérience, de la faire connaître et ainsi se distancier des préjugés, et de stimuler le tourisme hors période événementielle.  Favoriser des événements annexes visant un public distinct (à l’image du Hellfest Kids), pour inclure toute la population (et amorcer un renouvellement du public).
Passer du levier économique à la valeur sociale et environnementale  Développer des actions durables au-delà de l’économie : écologie, inclusion sociale, initiatives culturelles locales.  S’ancrer durablement, en étant créateur d’emplois, permet de participer au dynamisme territorial. Démontrer son utilité sociale et diversifier ses retombées. 
Co-construire une marque territoire  Co-construire avec la commune une marque partagée qui valorise à la fois l’événement et le territoire (exemples : Clisson Rock City, Kingdom of Muscadet). Cela renforce la légitimité du festival auprès du grand public et des décideurs.

Bien que le cas du Hellfest soit exemplaire et reste relativement unique en son genre, son modèle invite à repenser la place des événements culturels dans le développement local, non plus comme des leviers économiques isolés, mais comme des interfaces stratégiques au service de l’attractivité, de la cohésion sociale, de l’innovation et de la durabilité des territoires, faisant de ces derniers des territoires créatifs. Le cas du Hellfest amène toutefois à des précautions : pour un festival, l’enjeu de son implantation territoriale réside dans l’articulation des acteurs de l’underground. La réponse aux besoins des festivaliers et de la population locale doit impérativement associer les acteurs économiques locaux et leurs savoir-faire, afin de satisfaire les attentes de l’ensemble des parties prenantes.


[1] DECHAMP G. et SZOSTAK B. L., « Créativité organisationnelle et territoire créatif : nature de l’influence et enjeux stratégiques pour les organisations », M@n@gement, vol. 19, no 2, 2016, p. 61-88, en ligne : https://doi.org/10.3917/mana.192.0061.

[2] COHENDET P. et al., « The anatomy of the creative city », Industry and Innovation, vol. 17, no 1, 2010, p. 91-111.

[3] YIN R. K., « Designing case studies », dans L. Maruster et M. J. Gijsenberg (éd.), Qualitative Research Methods, Londres, Sage, 2013, p. 359-400.

[4] Ensemble des stratégies de communication et d’identité mises en place pour promouvoir un territoire. Voir MARTIN E. et CAPELLI S., « Place brand communities: from terminal to instrumental values », Journal of Product & Brand Management, vol. 27, no 7, 2018, p. 793-806.

[5] NÉGRIER E. et VIDAL M., « L’impact économique de la culture. Réels défis et fausses pistes », Economia della Cultura, no 4, 2009, p. 487-498, en ligne : https://hal.science/hal-01437511v1.

[6] CHARBONNIER C. et GARCIN M. (dir.), Metal. Diabolus in musica, Paris, Gründ-Philharmonie de Paris, 2024.

[7] GUIBERT C., « Festival Hellfest de Clisson. Les retombées économiques de la musique metal plus fortes que sa stigmatisation », Espaces. Tourisme et loisirs, no 309, déc. 2012, p. 13-18, en ligne : https://shs.hal.science/halshs-01098692v1.

[8] PAVAGEAU H., « Hellfest : quelles retombées économiques pour le territoire ? », L’Hebdo de Sèvre et Maine, 27 mai 2016, en ligne : https://actu.fr/pays-de-la-loire/clisson_44043/hellfest-quelles-retombees-economiques-pour-le-territoire_9038510.html.

[9] Le Pôle de coopération pour les musiques actuelles en Pays de la Loire, « Les festivals de musiques actuelles en Pays de la Loire », 2016, en ligne : https://lepole.asso.fr/library/document/file/2022/10/eddf5e2b-424b-426c-b546-414cc5e19fab.pdf.

[10] MOREIRA E., « Hellfest : les chiffres dantesques du célèbre festival de metal », Les Échos, 16 juin 2022, en ligne : https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/hellfest-les-chiffres-dantesques-du-celebre-festival-de-metal-1413781.

[11] SARAZIN B. et al., « La pratique des communautés : comment l’entreprise peut mobiliser les communautés d’innovation », dans B. Sarazin et al., Les communautés d’innovation. De la liberté créatrice à l’innovation organisée, Caen, EMS (Éditions management et société), 2017.

[12] Spécialistes de la distribution de boissons ambulante.

[13] CHARBONNIER C., « Approche anthropologique du festival du Hellfest : un lieu de pèlerinage pour metalheads », thèse en anthropologie, Tours, université de Tours, 2015.

[14] GUIBERT G., « Le Hellfest, arène discursive. Sociologie des festivals de musique live comme sphères publiques », Criminocorpus, no 11, 2018, https://doi.org/10.4000/criminocorpus.6393.

[15] À titre indicatif, avec une consommation atteignant 24 000 litres de vin en 2024, et la vente de 6 000 bouteilles de la cuvée spéciale Hellfest.

[16] Avant sa fermeture en 2024, à la suite de tentatives de fraude.

[17] Données internes « Hellstats » de 2022. Au sujet de cette étude, voir notamment RAINEAU C., « Entretien. “Plus du tiers des festivaliers du Hellfest présentent un niveau bac +5” », Presse Océan, 25 mai 2023, en ligne : https://www.ouest-france.fr/festivals/hellfest/entretien-plus-du-tiers-des-festivaliers-du-hellfest-presentent-un-niveau-bac-5-103c7a86-f988-11ed-9cb0-66cad6563dc6.

[18] BODIN L. et al., « Déborder en ville sans déborder la ville : le Hellfest à Clisson », Urbanités, no 19, 28 juin 2024, en ligne : https://www.revue-urbanites.fr/19-bodin.

[19] Voir MALBŒUF V., « Assainissement du bar-brasserie du Hellfest : Ben Barbaud monte au créneau et tacle les élus locaux », L’Hebdo de Sèvre et Maine, 29 oct. 2024, en ligne : https://actu.fr/pays-de-la-loire/clisson_44043/assainissement-du-bar-brasserie-du-hellfest-ben-barbaud-monte-au-creneau-et-tacle-les-elus-locaux_61797194.html.

[20] Le Pôle, « Énergie, restauration, mobilités, déchets : on a tout compté ! », 2 juill. 2024, en ligne : https://lepole.asso.fr/posts/3004/energie-restauration-mobilites-dechets-on-a-tout-compte.

[21] GUIBERT C. et GUIBERT G., « The social characteristics of the contemporary metalhead. The Hellfest survey », dans A. Brown et al. (éd.), Global Metal Music and Culture. Current Directions in Metal Studies, New York, Routledge, 2016, p. 167-189.

[22] CHARBONNIER C., « Gentrifying metal? the evolving gender and social class characteristics of metal festival audiences: a statistical study of the Hellfest festival (France) », dans R. Garbaye et G. Guibert (éd.), Musical Scenes and Social Class. Debating Punk and Metal, Cham, Palgrave Macmillan, 2024, p. 195-209.

[23] FREY C., « Clisson Rock City. Le Hellfest du siècle », France Bleu, sept. 2022, en ligne : https://www.francebleu.fr/emissions/clisson-rock-city-bienvenue-au-hellfest.

[24] Les retombées directes pour le territoire sont les dépenses générées par l’activité du festival elle-même : l’argent dépensé dans la production de l’événement, le cachet des artistes, les montants versés aux entreprises prestataires de services, ou encore l’achat du ticket d’entrée. Les retombées indirectes prennent entre autres en compte les dépenses touristiques du public. Voir BRENNETOT A., « Des festivals pour animer les territoires », Annales de Géographie, t. 113, no 635, 2004, p. 29-50, en ligne : https://doi.org/10.3406/geo.2004.21409.

[25] NICOLAS Y., « Les premiers principes de l’analyse d’impact économique local d’une activité culturelle », Culture méthodes, no 2007-1, avr. 2007, p. 1-8, en ligne : https://books.openedition.org/deps/324.

[26] ORLÉAN A., Le pouvoir de la finance, Paris, Odile Jacob, 1999.

[27] ARGENTINI C., « Hellfest 2025. Un vrai business qui fait aussi travailler 225 entreprises en Pays de la Loire », Ouest-France, 18 juin 2025.

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