Musiques urbaines

Genèse et enjeux d’une catégorie contestée

Par Karim Hammou
Publié le 29 janvier 2024
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Karim Hammou est sociologue, chargé de recherche au CNRS, rattaché au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (Cresppa-CSU). Ses recherches portent sur les carrières artistiques et les rapports de pouvoir dans les industries culturelles. Il a notamment co-dirigé avec Marie Sonnette-Manouguian l’ouvrage collectif 40 ans de musiques hip-hop en France (Presses de Sciences Po, 2022).


Résumé

Régulièrement critiquée, la catégorie de « musiques urbaines » se diffuse pourtant dans l’industrie musicale depuis vingt ans. Elle possède une double origine dont le point commun réside dans l’usage de métaphores spatiales pour appréhender des frontières sociales liées au racisme. La notion de « musiques urbaines » se systématise et se diffuse dans l’industrie musicale française au milieu des années 2000 pour désigner un segment professionnel au poids économique croissant initialement né autour du genre rap. Elle condense une histoire d’injustice liée au racisme dans la société en général, et dans la musique en particulier, que ni la disparition ni la banalisation de l’étiquette ne suffiront à surmonter.


Introduction

Depuis le milieu des années 2000, la catégorie « musiques urbaines » se diffuse dans les industries musicales. Contestée par beaucoup d’artistes, moquée dans des médias, pour le moins imparfaite de l’aveu d’un grand nombre de professionnels de la musique, la catégorie n’en reste pas moins utilisée. Pourquoi ? D’où vient-elle ? Quelle utilité revêt-elle ? Quels problèmes soulève-t-elle ? Au début des années 2010, un vendeur d’une grande surface spécialisée, dans laquelle la catégorie « musiques urbaines » désignait un rayonnage particulier, m’expliquait :

« C’est vrai que “musiques urbaines” c’est une catégorie fourre-tout, tout ce qui est un peu hip-hop, tout ce qui vient un peu de la rue… Ce n’est pas gégé comme catégorie, y a le hip-hop, le R&B, le ragga… Souvent ce ne sont pas les mêmes auditeurs, ou alors pas exactement. Mais nous on ne va pas faire une catégorie ragga, pour avoir trois disques dedans. C’est trop petit. »

Ses explications donnent à voir la multiplicité des problèmes qu’une catégorie comme celle des « musiques urbaines » contribue à résoudre. S’associent ainsi des enjeux de classification esthétique (la référence au hip-hop), sociologique (venir « un peu de la rue[1] »), technique (la liste des sous-catégories que recouvre la classification dans un logiciel informatique), marchande (un – ou plusieurs – type(s) de consommateurs).

Depuis, cette grande surface spécialisée a fait faillite et la consommation de musique enregistrée ne privilégie plus le format discographique[2]. Mais la notion de « musiques urbaines », elle, est toujours bien présente, et les œuvres qu’elle désigne ont vu leur part de chiffre d’affaires sur le marché de la musique enregistrée au moins doubler en dix ans[3]. Cette onde courte, fruit de plusieurs enquêtes[4], propose de revenir sur l’origine des « musiques urbaines » et leur histoire dans l’industrie musicale française, pour en déployer les enjeux actuels, liés aux logiques de racialisation[5] à l’œuvre dans les industries musicales.

La double généalogie des « musiques urbaines » dans les industries musicales françaises des années 1990

Durant les années 1990, la presse professionnelle des industries musicales françaises ne fait que rarement mention de l’existence d’un « urbain » musical. Sur une décennie et plusieurs titres de presse, on peut dénombrer moins d’une dizaine d’occurrences, s’attachant à des activités comme à des formes musicales très hétérogènes, et ne donnant presque jamais lieu à définition. Dans plusieurs cas, la mention de l’« urbain » apparaît sous la forme d’un anglicisme, comme lorsque Musique Info Hebdo relève en 1996 l’acquisition de 50% du label états-unien Priority Records par la major EMI[6]. C’est d’ailleurs ainsi que l’on trouve la seule définition explicite dans les pages de la presse : l’« urban », que le Bulletin des rotations présente en 1992 comme le format de « la radio black par excellence » sur les ondes états-uniennes[7]. Ces anglicismes incitent à se tourner vers les industries culturelles états-uniennes, influentes dans les pratiques des professionnels français[8], pour mieux comprendre les enjeux mouvants de ces catégorisations.

Une généalogie états-unienne : d’un format radio « pour tous » à une qualification euphémisée de la musique noire

Les industries musicales états-uniennes, dominantes sur le plan économique à l’échelle mondiale, sont marquées depuis les années 1920[9] par une ségrégation raciste explicite. Selon l’expression popularisée par le sociologue W.E.B. Du Bois, la « color line » structure le secteur, depuis la production musicale jusqu’à la distribution des enregistrements discographiques : musiques, musiciens et consommateurs noirs d’un côté, musiques, musiciens et consommateurs blancs de l’autre[10].

Les conquêtes politiques et sociales des luttes pour les droits civiques conduisent à de multiples transformations dans les années 1960. En ce qui concerne les industries musicales, un ensemble complexe de mouvements sociaux, d’innovations technologiques et de réglementations[11] permet à un nombre croissant d’artistes, de professionnels et d’entrepreneurs africains-américains d’acquérir des positions influentes dans le secteur[12]. Le directeur des programmes de WBLS, Frankie Crocker, est emblématique des nouvelles classes supérieures africaines-américaines qui se forment alors à la faveur de l’affaiblissement de la ségrégation raciale[13]. Il propose un style d’animation radiophonique qu’il qualifie de « sophistiqué », affirmant sa distinction vis-à-vis des radios noires antérieures, dont il juge le ton caricatural et méprisant pour les auditeurs. À ce style d’animation suave, humoristique et raffiné[14], il ajoute une programmation originale qui tend à s’affranchir de la color line, et que la radio promeut sous le slogan « The Sound of the 80’s » : le son des années 1980. « Il y a des artistes dont la musique transcende purement et simplement la couleur de peau », résume-t-il à la presse professionnelle de l’époque.

Dans le sillage de Crocker, une nouvelle génération d’animateurs et de programmateurs radio aussi bien blancs qu’africains-américains défendent à partir de la fin des années 1970 une programmation musicale mêlant jazz, rock, R&B et pop qu’ils qualifient de plus en plus souvent d’« urban contemporary »[15], littéralement urbain et contemporain. Portés par la conviction que la ségrégation des goûts et des musiques s’affaiblit, ces programmateurs radio forgent une catégorie géographique comme meilleur moyen de qualifier leurs auditeurs.

Cette catégorie a plusieurs avantages. D’abord, elle permet d’être au plus près de la logique radiophonique, dont la diffusion couvre un bassin de population spatialement délimité. Alors que les méthodes d’évaluations des goûts des auditeurs se rationalisent au moyen de panels tests et d’études, les audiences des stations sont décrites de manière de plus en plus fine. Ensuite, elle évoque un imaginaire de la ville moderne (« contemporary »), multiculturelle et syncrétique, ouverte sur le monde, tournée vers l’avenir. Enfin, l’« urban » permet de ne plus mentionner des catégories ethno-raciales dans des démarches commerciales qui espèrent dépasser la color line. Ainsi, l’affirmation de la non-pertinence de divisions raciales dans l’industrie radiophonique peut aussi n’être qu’une démarche tactique à destination des annonceurs qui évitent les clients non-blancs, au motif qu’ils n’auraient pas un pouvoir d’achat suffisant (voire que leur association à la marque pourrait porter préjudice à cette dernière)[16]. L’avènement de l’« urbain » musical est ainsi tendu entre une stratégie marchande de dépassement des catégories ethno-raciales (programmer en considérant que ces catégories ne sont plus les clivages pertinents), et une stratégie marchande d’euphémisation (programmer en utilisant des lignes de clivages raciales, mais en évitant de les expliciter auprès de différents acteurs – en particulier auditeurs et annonceurs)[17].

L’avènement de la catégorie de l’« urbain » musical est ainsi tendu entre une stratégie marchande de dépassement des catégories ethno-raciales et une stratégie marchande d’euphémisation.

Cette ambivalence fait débat dans les industries musicales dès le début des années 1980. Les programmateurs africains-américains de stations noires reprochent à leurs concurrents des stations « urban » leur manque d’engagement communautaire. D’autres acteurs africains-américains du secteur estiment que c’est une déségrégation à sens unique : les stations « urban » diffusent aussi bien des artistes blancs que noirs, mais les stations « rock » ou « Top 40 »[18] restent pour la plupart hostiles aux œuvres des musiciens africains-américains.

Les efforts pour dépasser la ségrégation raciale de la radio se heurtent en outre aux catégories des instituts de sondages, qui associent rapidement « urban » et « black » dans les colonnes des tableaux statistiques décrivant la popularité des différents formats radiophoniques. Quant aux annonceurs publicitaires, nombre d’entre eux hésitent à promouvoir des produits destinés au grand public ou aux clientèles des classes supérieures sur les stations « urban ». Pour eux, les catégories ethno-raciales de consommateurs continuent d’être centrales, et ils reportent sur le nouveau format « urban » les stéréotypes qu’ils nourrissent vis-à-vis des radios noires. Dans certaines villes, ce format est donc rattrapé par l’histoire longue de la ségrégation raciale des industries culturelles que certains de ses promoteurs aspiraient à dépasser.

L’expression « urban music » devient ainsi un euphémisme pour désigner des segments professionnels et des niches de consommateurs racialisés, comme avant elle les catégories de race music, rhythm and blues, ou black music[19]. Le rêve d’une radio « dont la musique transcende la couleur de peau » au service d’auditeurs « sophistiqués » s’éloigne.

Mais la popularité du format ne fait pas de doute. Une dizaine de stations de radio à travers le pays définissent l’« urban contemporary » comme leur format en 1981. En 1986, on en compte plus d’une centaine. Dans plusieurs grandes villes du pays, et notamment New York, les radios « urban » rivalisent ou dépassent en audience les radios « Top 40 ». Compte tenu de l’enjeu crucial que représente la rotation en radio des nouveautés produites par les maisons de disques, la notion d’« urban » comme catégorie marchande s’impose dans les industries musicales états-uniennes, depuis le monde de la radio jusqu’aux multinationales du disque. À partir de 1991, urban devient même une méta-catégorie au sein du système de point de vente Elvis[20] de la chaîne de distribution Virgin Megastore, permettant le catalogage des disques vendus par la grande surface spécialisée.

Les réceptions françaises de cette histoire états-unienne sont multiples et précoces. Le milieu professionnel a les yeux rivés sur les industries musicales états-uniennes, d’autant que la fin des années 1980 voit la formation de réseaux radio commerciaux et la consolidation d’un oligopole de multinationales sur le marché du disque français. La structuration du paysage radiophonique états-unien en formats distincts intéresse tout particulièrement le monde professionnel de la musique en France. Le Bulletin des rotations consacre ainsi deux pages à expliciter ces formats dès 1992, dont le format Urban Contemporary. Certains acteurs des industries musicales appellent de leurs vœux une diversification thématique des réseaux radio FM analogue à la configuration états-unienne. Mais cette diversification n’est pensée que par l’émergence de formats rock (voire hard rock) – aucune intervention n’évoque la possibilité d’un format axé sur les musiques africaines-américaines comme la soul, le funk, le R&B ou le rap.

Une généalogie française : les « cultures urbaines » comme catégorie d’action publique

Face à ces évocations occasionnelles de l’urban états-unien, un article de Musique Info Hebdo détonne. En 1997, le magazine consacre une pleine page aux rencontres qui se déroulent au Parc de La Villette, à Paris, sous le titre : « Cultures urbaines : état des lieux à La Villette ». Dans le sillage de l’évènement dont c’est alors la seconde édition, l’article définit la notion de « cultures urbaines » comme les « cultures émergentes dans les quartiers aujourd’hui ». Un encadré y est spécifiquement consacré à la programmation musicale de l’événement, sous le titre « Musiques urbaines à La Villette : le programme ».

Difficile de trouver un point commun esthétique aux performances réunies dans cet encadré. Leur association à l’adjectif « urbain » s’appuie plutôt sur les caractéristiques sociales des musiciens. En effet, la présentation de la majorité de ces groupes insiste sur leur ancrage dans des quartiers politique de la ville, et souligne l’ascendance hors de France hexagonale des interprètes[21]. Pas d’anglicisme ici – il n’est jamais question d’« urban », mais avant tout de « cultures urbaines ». L’ensemble de l’article ne fait presque aucune mention des États-Unis – c’est d’une autre généalogie dont il témoigne, qui prend racine en France au début des années 1990.

L’émergence en France de la notion de « cultures urbaines » intervient au début des années 1990 à l’occasion de l’encadrement par les pouvoirs publics des danses hip-hop. La région Rhône-Alpes constitue l’un des creusets majeurs de cette genèse[22]. En 1991, le ministère de la Culture, en partenariat avec la délégation interministérielle à la Ville (DIV), lance l’opération « Quartiers lumières », soutenant plusieurs centaines de projets culturels dans les quartiers d’intervention de la politique de la ville. Cet événement, en Rhône-Alpes, est l’occasion pour la direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) d’approfondir le travail de repérage initié dans la deuxième moitié des années 1980, et de nouer des collaborations avec de nouveaux partenaires, notamment, avec le Fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS).

La prise en charge de pratiques artistiques liées à la jeunesse dans le cadre de l’action culturelle n’est pas neuve : elle est notamment centrale dans l’institutionnalisation du champ des « musiques actuelles » dans son ensemble[23]. Mais dans le cas des « cultures urbaines », la notion de jeunesse fonctionne aussi comme euphémisme de catégories de perception racialisées liées à l’histoire coloniale et postcoloniale de la France[24].

Le rapprochement entre la DRAC, la DIV et le FAS aboutit, en juin 1992, à la publication aux éditions de l’Aube de Danse, ville, danse, avec le concours technique d’Inter service migrant (ISM). Le livre reprend le principe de la présentation d’initiatives territorialisées, en l’élargissant. Il introduit le vocable des « danses urbaines » sans le définir explicitement, mais le fait apparaître comme synonyme d’une expression plus longue, « la pratique de la danse dans les grands ensembles urbains » (ibid. : 4). Dans cet ouvrage pionnier, les expressions « danses urbaines » ou « cultures urbaines » jouent sur la même polysémie que la catégorie d’action publique de « politique de la ville »[25]. Cette dernière n’est pas une politique de toute la ville ou de toutes les villes : elle désigne par un euphémisme une ville particularisée, définie par ses quartiers périphériques et marginalisés[26].

La DRAC Rhône-Alpes décline rapidement la notion de « cultures urbaines » dans le domaine musical, selon le même cadrage et le même principe de repérage d’initiatives artistiques locales, via deux nouveaux livres intitulés Paroles urbaines, paroles urgentes (1994), puis Musiques urbaines, musiques plurielles (1996).

D’autres initiatives reprennent et diffusent ces catégories, qui irriguent les mondes musicaux par le biais du spectacle vivant. En partenariat avec le Théâtre contemporain de la danse (TCD), situé à Paris, ces acteurs collaborent à la mise en place de « rencontres nationales », en 1996 qui prennent place à la Grande Halle de La Villette, précédemment citées. Après débat, ces rencontres nationales sont qualifiées de rencontres des « danses urbaines », notamment à l’initiative du FAS et de la DIV, là où le TCD aurait préféré utiliser le terme « danses hip-hop »[27]. Cet événement devient un rendez-vous régulier à partir de 1997, sous le nom de « Rencontres des cultures urbaines de La Villette », et bénéficie d’une forte visibilité médiatique[28] qui popularise l’expression de « cultures urbaines ».

La concurrence entre la formule des « cultures urbaines » et celle du « hip-hop » est explicite, et condense une lutte pour l’expertise autour de ces pratiques. Le choix de privilégier la notion de « cultures urbaines » permet ainsi aux professionnels de l’action culturelle et du travail social de dégager des marges de manœuvre et de s’affranchir des découpages privilégiés par les danseurs hip-hop (elle permet par exemple d’inclure la capoeira, des danses africaines, le slam, etc., au gré des besoins locaux et des effets de mode). Mais ce choix est aussi le fruit d’une méfiance vis-à-vis de la culture hip-hop elle-même, présumée encline à l’« enfermement culturel »[29]. Le développement de la notion de « cultures urbaines » s’accompagne ainsi d’un discours de valorisation de « la rencontre », du « métissage », de « l’ouverture » qui, en creux, assigne le hip-hop à une pratique « communautaire »[30].

La notion de « cultures urbaines » se voit bientôt dotée d’une définition précise. Ce travail est mené en particulier par l’Agence pour le développement des relations interculturelles (ADRI). Symbole de la « politique de retour des immigrés » de la présidence Giscard[31], l’ADRI n’est plus alors qu’un centre de ressource pour les acteurs du champ de l’intégration, et n’a plus de mission propre[32]. Son nouveau directeur cherche à « donner une nouvelle impulsion à cette Agence »[33]. Dans un premier temps, c’est auprès des « cultures urbaines » qu’il espère trouver cette nouvelle impulsion. Partenaire des Rencontres de La Villette de 1997, l’ADRI réinvestit à son initiative les compétences caractéristiques de l’Agence, notamment celle de répertorier des acteurs associatifs, renouant avec le périmètre d’intervention de l’ICEI : l’action culturelle.

À l’issue des Rencontres des cultures urbaines de la Villette de 1997, l’ADRI coordonne un répertoire des acteurs et projets culturels destiné à « dire ce que sont les cultures urbaines, c’est-à-dire de les désigner, délimiter, classifier »[34]. Ce Répertoire des cultures urbaines voit le jour en 1999. Il se décline en une version Internet, basée sur une libre déclaration, et une version papier qui opère une sélection « [éliminant] toutes les structures institutionnelles lorsqu’elles [ont] une vocation généraliste », excluant certaines disciplines « lorsqu’elles n’ont pas d’ancrage significatif dans les quartiers », et privilégiant tout particulièrement « les projets impliquant les habitants, favorisant la mixité, concernant les banlieues »[35]. C’est dire à quel point cet effort pour « dire ce que sont les cultures urbaines » est performatif : il les fait exister sous des formes compatibles avec les catégories racialisées de la politique de la ville[36].

***

Par son adjectif, la notion de « musiques urbaines » suggère une certaine spatialisation des activités musicales qu’elle qualifie. Mais cette piste est trompeuse : l’« urbain » de l’urban contemporary ou des cultures urbaines s’oppose moins au rural[37] qu’à une ville neutre, non marquée. La notion de « musiques urbaines » charrie une « spatialisation de problèmes sociaux[38] » liés à des inégalités ethno-raciales. L’« arrimage territorial[39] » des politiques de gestion des minorités en France et la tentative avortée de remplacer la « color line » par des découpages territoriaux au sein du monde de la radio états-unien débouchent tous deux sur des recouvrements de sens entre lexique de l’espace et lexique de la race. Néanmoins, les acteurs et enjeux investis dans chacune de ces deux généalogies sont différents et ne sont pas en lien direct. On ne relève en effet aucune trace d’allusion à la généalogie états-unienne de l’« urban contemporary » dans le processus de construction de la catégorie d’action publique des « cultures urbaines » en France.

La notion de « musiques urbaines » charrie une
« spatialisation de problèmes sociaux » liés à des inégalités ethno-raciales.

Qu’en est-il dans les industries musicales françaises ? Malgré des évocations le plus souvent elliptiques, les mentions de l’« urban » ou des « musiques urbaines » dans la presse professionnelle du secteur s’accompagnent elles aussi d’allusions à des clivages ethno-raciaux : comme on l’a vu, l’« urban » est évoqué comme le format de « la radio black par excellence » sur les ondes états-uniennes[40], et les « musiques urbaines » s’attachent à des musiciens dont on souligne l’ascendance étrangère.[41] L’ensemble de ces mentions permettent en outre de situer la naissance de la catégorie de « musiques urbaines » ailleurs que parmi les artistes[42] ou les auditeurs[43]. Il s’agit d’une catégorie d’intermédiaires culturels, soit « des individus et des organisations qui assurent une ou plusieurs fonctions situées entre la création artistique et la consommation par les publics »[44]. Mais jusqu’au début des années 2000, cette catégorie n’apparaît que de façon très épisodique dans la presse professionnelle, et recouvre des périmètres musicaux fluctuants. Cette situation va changer dans les années 2000.

Quand deux régimes de racialisation se rejoignent : la naturalisation des « musiques urbaines » dans les industries musicales des années 2000

Les usages de la notion de « musiques urbaines » se font plus réguliers et plus univoques dans les années 2000. Ils s’inscrivent à l’intersection des deux généalogies examinées dans la partie précédente : les « musiques urbaines », dans les industries musicales françaises, tendent à désigner des initiatives économiques et esthétiques qui articulent la logique de racialisation caractéristique de la racine états-unienne du terme et celle caractéristique de l’imaginaire des « banlieues » au cœur des politiques des « cultures urbaines ». Ce processus émerge moins d’un consensus théorique sur une définition que de la convergence pratique d’acteurs des industries musicales soumis à des contraintes analogues et interdépendants entre eux : diffuseurs, programmateurs, et producteurs. Il se renforce par l’inscription matérielle de la catégorie de « musiques urbaines » dans des dispositifs des industries musicales – prix, classements, etc.

L’« urbain » des diffuseurs : un format négocié avec les instances de régulation publiques

Tout au long des années 2000, la presse professionnelle permet d’identifier des médias et entrepreneurs de spectacle comme des relais importants du vocable des « musiques urbaines ». Elle se fait notamment l’écho du concert Urban Peace au Stade de France, organisé pour la première fois en 2002. Cet événement mobilise, dans sa communication, l’imaginaire états-unien des musiques urbaines, apparent dès le choix d’un anglicisme pour désigner l’événement. Mais Urban Peace assure aussi sa promotion en s’appuyant sur l’imaginaire des banlieues, opérant une jonction entre les deux modes de racialisation musicale qui restaient déconnectés dans les années 1990. Le concert s’affirme en effet « sous le signe de la paix et de la solidarité urbaine » : il s’agit de donner une bonne image d’une musique, d’artistes et de publics associés à la violence[45]. L’évènement est de surcroît scénographié par Eric Checco, metteur en scène devenu directeur d’un théâtre municipal dans la ville de Garges (Val d’Oise, IDF). Quatre ans plus tard, en 2006, il devient responsable de l’exposition Rue au Grand Palais, marquant une étape de l’institutionnalisation des « cultures urbaines ».

Partenaire essentiel de l’événement, la radio Skyrock opère la même jonction. Comme Urban Peace, sa programmation associe rap et R&B[46] – les genres désormais privilégiés dans la définition états-unienne de l’hypergenre[47] de l’urban. Mais sa communication publique insiste aussi dans la première moitié des années 2000 sur son rôle citoyen en tant que promotrice de la « culture métissée issue des cités »[48], dans une démarche très explicite de lobbying auprès des pouvoirs publics en général et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en particulier[49]. Le PDG de Skyrock, Pierre Bellanger, présente la programmation de la station comme destinée non pas à « une France blanche des plus de trente ans », comme d’autres médias, en particulier télévisuels, mais à « une France multicolore des moins de trente »[50]. « Nous avions rompu le cordon sanitaire qui protégeait les “Olivier” des “Abdel” et les “Sylvie” des “Nabila” »,[51] résume-t-il, dans une formule qui fait allusion à une logique de racialisation sur la base de prénoms d’étymologie arabe.

En parallèle, la chaîne de télévision Trace TV voit le jour. Son PDG, Olivier Laouchez[52], explicite le format de la chaîne :

« On défend les musiques urbaines qui sont principalement des musiques noires et tropicales. On avait dit qu’on ferait une télévision autour de la thématique de la musique et des cultures urbaines. C’est ce qu’on a fait. »[53]

La double mention des musiques noires et des cultures urbaines est significative de l’articulation des deux généalogies des « musiques urbaines », et c’est en ces termes que Trace TV négocie sa convention avec le CSA. Fin 2010, Trace TV devient Trace Urban.

La large couverture dont ces initiatives bénéficient dans la presse professionnelle musicale standardise la notion de musiques urbaines : ces dernières font l’objet d’une application désormais régulière – par le contenu, puis de plus en plus par la fréquence – dans les activités des industries musicales[54]. Portées par des acteurs à l’interface entre les pouvoirs publics (notamment le Conseil supérieur de l’Audiovisuel, CSA) et les industries musicales, ces initiatives jouent ainsi un rôle notable dans la jonction entre les deux logiques de racialisation associées dans les années 1990 aux « musiques urbaines ». Elles contribuent également à ce que la notion désigne de plus en plus explicitement certaines esthétiques, certaines œuvres, et certains artistes – en premier lieu ceux liés au genre rap, qui forme le noyau symbolique et matériel de ces projets.

L’« urbain » des programmateurs : faire exister le hip-hop sur scène en s’appuyant sur les institutions publiques locales

Le vocabulaire des musiques urbaines se diffuse dans un autre domaine des industries musicales, celui des festivals. À partir du milieu des années 2000, plusieurs festivals qui font du « hip-hop » leur périmètre esthétique de prédilection se développent et se pérennisent. Dès 2002, l’association Call 911 organise chaque année les Hip Hop Dayz à Lille. En 2004, naît le festival L’Original à Lyon, l’année suivante le festival Hip Opsession tient sa première édition à Nantes et Angers, et en 2006 se tient le festival Paris Hip Hop. Ces festivals sont pluridisciplinaires : ils rassemblent des concerts, mais aussi des performances dansées, des démonstrations ou des expositions de graffitis, parfois des projections de films ou des tenues de tables rondes. Comme le nom de plusieurs d’entre eux l’indique, ils s’inscrivent explicitement dans la filiation d’une « culture hip hop », définie comme un mouvement artistique pluridisciplinaire notamment promu par Afrika Bambaataa, DJ et leader de l’organisation artistique, politique et spirituelle Zulu Nation, à partir du tournant des années 1980[55].

En 2007, le festival L’Original se dote d’un concours musical intitulé Buzz Booster, qui vise à faire connaître divers artistes locaux. L’initiative lyonnaise est le point de ralliement d’initiatives similaires développées dans d’autres régions. En 2010, les associations organisant les festivals hip hop de Lille, Lyon, Nantes et Paris mettent en place une version nationale du concours lyonnais, sous le même nom. Au début des années 2010, le dispositif Buzz Booster mobilise chaque année jusqu’à huit régions différentes[56], 300 à 800 groupes candidats, et est l’occasion d’une trentaine de concerts annuels fréquentés par 4 à 8 000 spectateurs[57].

Pour la plupart des directeurs et programmateurs de ces festivals[58], la référence à la « culture hip-hop » est cruciale. Elle permet en premier lieu le cadrage de leur activité professionnelle : « l’objectif, c’est de faire reconnaître le hip-hop comme pratique artistique, et que nos interlocuteurs institutionnels ne soient plus les services jeunesse ou politique de la ville ». Mais elle est aussi un vecteur de socialisation culturelle (« le hip-hop c’était une passion. J’ai l’habitude de dire que c’est ma culture d’origine » ; « moi dès l’enfance, j’étais « H.I.P. H.O.P. »[59], « j’étais de cette génération-là ») et de définition normative de leur pratique et de leur environnement. Ainsi, l’une des personnes rencontrées distingue ses partenaires de travail selon qu’ils sont « hip-hop » ou non, autrement dit selon qu’ils manifestent un investissement de longue date dans tout ou partie des pratiques artistiques associées à ce mouvement culturel, tandis que tel autre justifie l’orientation d’un dispositif par référence aux « valeurs du hip-hop ».

Pourtant, dans la communication de ces festivals, et notamment sur les flyers qui annoncent les différentes étapes du Buzz Booster, les notions de « hip hop » et de « musiques urbaines » se côtoient, jusqu’à être aussi présentes l’une que l’autre au tournant des années 2010. L’explication qu’en donnent les animateurs du dispositif est partie liée aux conditions d’organisation et de financement locales des événements organisés : « c’est bien dans un dossier de subvention d’écrire “cultures urbaines”. Ça peut correspondre aux critères de financement, à cause des critères politiques de la ville, des financements qui lui sont dédiés » commente ainsi l’un des animateurs du réseau. L’enjeu peut aussi être de ménager l’image du festival auprès de partenaires institutionnels : « Quand on est en rendez-vous avec quelqu’un qu’on sent un peu réticent, comme on a pu le voir dans les DRAC, etc., on va parler de “cultures urbaines”. Et après, petit à petit, on lui parle de hip-hop, parce que c’est notre champ. Expliquer notre démarche, c’est quand même le but. ». Mais pour plusieurs des organisateurs rencontrés, cette visée stratégique s’accompagne d’une démarche pédagogique explicite. Il s’agit de faire comprendre son activité en substituant progressivement un vocabulaire plus juste : « les élus, les politiques, leur expliquer la différence entre hip-hop et le fourre-tout des cultures urbaines, ça fait partie de notre rôle ».

De façon notable, les critiques ne portent pas ou pas principalement sur la géographie imaginaire des « cultures urbaines ». L’idée d’un lien privilégié entre les pratiques artistiques promues par ces festivals et la banlieue est souvent tenue pour acquise. Une forme d’ambivalence vis-à-vis du cadrage des « cultures urbaines » est même présente chez certains : « la dimension de l’urbain, elle est importante, ici en France, avec l’histoire des quartiers. Mais en même temps, le terme urbain est vraiment déplacé, il renvoie plus à une connotation sociale, avec l’image négative des quartiers ». Dans cet extrait d’entretien, la référence à « l’histoire des quartiers » valorise une authenticité analogue à celle promue par la notion de « cultures urbaines ». Elle s’en distingue néanmoins par la portée esthétique centrale qui est conférée aux pratiques liées au hip-hop contre leur « connotation sociale ».

La démarche de ces organisateurs d’événements culturels dédiés à la culture hip-hop est, à bien des égards, une réponse à la stratégie qui avait prévalu lors de la mise en place des Rencontres urbaines de La Villette. Elle confirme la rivalité qui peut exister entre les théorisations des « cultures urbaines » et de la « culture hip-hop », définissant des expertises en partie concurrentes dans la promotion et l’encadrement de pratiques similaires.

La démarche des programmateurs confirme la rivalité qui peut exister entre les théorisations des « cultures urbaines » et de la « culture hip-hop ».

À la lumière de ces entretiens, les mentions des « musiques urbaines » sur les flyers du Buzz Booster prennent un sens nouveau. Elles apparaissent comme une concession tactique dans les négociations liées à la mise en place et la pérennisation du dispositif. Au début des années 2010, la mention de l’adjectif « urbain » (cultures ou musiques) est présente sur 40 à 60% des flyers produits et diffusés à travers la France pour promouvoir le Buzz Booster. Et de fait, au milieu des années 2010, la notion de musiques urbaines perd du terrain, jusqu’à disparaître quasiment complètement de la communication publique du Buzz Booster à la fin des années 2010[60], au profit de la catégorie de « hip-hop », de « rap », ou du choix de ne faire figurer aucune étiquette générique explicite.

Au-delà de ce réseau cherchant à imposer une expertise hip-hop, la notion de musiques urbaines devient aussi une catégorie mobilisée par les programmateurs de salle de musiques actuelles. À l’image du vendeur évoqué dans l’introduction de ce texte, ils font des musiques urbaines une catégorie utile faute de mieux, notamment lorsqu’ils visent des publics ou des partenaires peu spécialistes des esthétiques que recouvre cet hypergenre[61].

L’« urbain » des producteurs : nommer un segment racialisé de l’industrie de la musique enregistrée

À rebours de cet usage tactique et circonscrit, plusieurs acteurs dominants de l’industrie de la musique enregistrée systématisent et généralisent l’usage de la notion de musique urbaine. Au fil des années 2000, les maisons de disques développent progressivement des subdivisions consacrées à ces musiques non-blanches, et les qualifient elles aussi de « musiques urbaines ». Dès janvier 2001, Nicolas Nardone, le nouveau directeur du label Small chez Sony, affirme dans La lettre vouloir faire de son label le « leader sur le segment des musiques dites urbaines »[62]. Si la formule connote encore une certaine hésitation quant au qualificatif d’« urbain », le ton devient bientôt plus affirmé pour évoquer « le pôle urbain de Because Music »[63], la vocation de « fer de lance de Warner sur le créneau urbain »[64] du label Up Music, ou la renaissance, après la crise de l’industrie du disque, d’East West (Warner) et Def Jam (Universal) dont « la couleur […] devrait rester très urbaine »[65]. Les acteurs dominants de l’industrie de la musique enregistrée délimitent ainsi un segment professionnel initialement né autour du genre rap, mais le débordant rapidement et au poids économique croissant[66]. Dans ce mouvement, ils intègrent ou forment en leur sein des professionnels qui ont intérêt à la pérennisation et la valorisation marchande de ce segment, ce qui peut passer par le marquage et la défense de l’étiquette de musiques urbaines, étendard de leur expertise.

La notion devient en outre un point de référence dans un nombre croissant de dispositifs de jugements. Elle est ainsi non seulement standardisée, mais aussi naturalisée : les musiques urbaines deviennent suffisamment familières pour que le caractère débattu et imparfait de cette étiquette passe en arrière-plan[67], notamment dans les indicateurs permettant de mesurer le succès musical. Dès 2003, un des classements des meilleures rotations en radio publié de façon hebdomadaire par Musique Info Hebdo, jusque-là intitulé « Black Liste », prend le nom d’ « Urban Mix »[68]. En 2007, l’institut Yacast commence à mobiliser occasionnellement la catégorie de musiques urbaines dans son travail de veille sur les médias musicaux[69], tandis que l’institut GfK, multinationale de l’étude de marché, mobilise la catégorie à l’occasion d’une radiographie des disquaires en France[70].

La notion de “musiques urbaines” est ainsi non seulement standardisée, mais aussi naturalisée : les musiques urbaines deviennent suffisamment familières pour que le caractère débattu et imparfait de cette étiquette passe en arrière-plan.

À compter de mars 2004, Trace TV introduit à son tour un classement au titre significatif, évoqué dans les colonnes de la presse professionnelle : le vendredi, la chaîne propose une soirée thématique « Urban Hit », soit « un classement de référence des 50 hits urbains »[71]. Au milieu des années 2000, les musiques urbaines sont désormais plus qu’une catégorie d’intermédiaires culturels : elles désignent des titres précis[72], voire des artistes aussi différents que Diam’s[73] et Magic System[74], incitant les acteurs des industries musicales à penser ensemble des genres musicaux comme le rap et le R&B, puis une multiplicité d’autres courants musicaux aux histoires hétérogènes (zouk, ragga, dancehall, raï, ndombolo, zouglou, reggaeton, afrobeat, etc.).

La naturalisation des « musiques urbaines » passe aussi par des cérémonies, qu’elles introduisent une catégorie dédiée ou se spécialisent entièrement dans l’attribution de récompenses aux artistes associés à cet hypergenre, et au segment professionnel qu’il désigne. L’association Dix Mille Lieux organise ainsi, en 2011 et 2012, le prix « Les Voix urbaines », diffusé sur Canal Street et Trace TV[75]. Cette dernière organise sa propre cérémonie, les Trace Urban Music Awards, en 2013 et 2014.

Mais ce sont surtout les Victoires de la musique, cérémonie de référence du secteur musical, qui marquent un tournant en 2007 en définissant une nouvelle catégorie de récompense, la Victoire « Album de musiques urbaines » en 2007. Celle-ci vient résoudre, et ce pendant plus de dix ans, les incertitudes de dénomination qui pesaient jusque-là sur une catégorie spécifique récompensant depuis 1999 les esthétiques musicales associées selon les années aux étiquettes rap, groove, R&B, ragga, slam, etc. Chaque année, Les Victoires de la musique font l’objet d’annonces et de comptes-rendus détaillés dans les pages de la presse professionnelle. En 2016, c’est au tour de la SACEM d’introduire une catégorie « musiques urbaines » dans sa cérémonie annuelle des Grands Prix.

Le processus de naturalisation des « musiques urbaines » s’achève au milieu des années 2010. D’un usage de plus en plus banal dans les colonnes de la presse professionnelle, la catégorie devient pivot dans la veille du marché de la musique enregistrée supervisée par le Syndicat national des éditeurs phonographiques (SNEP) qui travaille à partir de 2009 avec l’institut GfK pour la mise au point des classements hebdomadaires de référence du secteur. La notion de « musiques urbaines » apparaît de façon ordinaire dans la communication du syndicat à partir de 2017, s’introduit dans les playlists des plateformes de streaming[76], et devient une composante stable des catégories structurant l’industrie de la musique enregistrée.

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Réunis lors d’une émission de radio, plusieurs actrices et acteurs du segment professionnel de l’« urbain » commentent cette évolution en 2017. Dans les termes de Karim Thiam, cadre pendant quinze chez Sony Music ayant connu les évolutions de nomenclature qui ont marqué le travail en maison de disques des années 1990 aux années 2010, « quand on se parle dans le milieu professionnel, on se comprend tout de suite »[77]. La catégorie des « musiques urbaines » banalise une opposition entre des musiques « non-blanches » et des musiques qu’on doit logiquement qualifier de « blanches »[78], alors que d’autres découpages en circulation de longue date dans l’industrie musicale privilégient des critères linguistique (francophone vs anglophone), national (français versus international) ou une distinction de légitimité (musiques classiques / sérieuses versus musiques amplifiées / populaires). Puis, poursuivant son analyse, K. Thiam explique :

« Musique urbaine, pour caricaturer, on va dire, c’est un peu la musique qui tourne autour du rap. La blague qu’on fait souvent, c’est de dire que c’est la musique des Noirs et des Arabes faite par les Noirs et les Arabes. […] C’est quelque chose qui a grandi aussi beaucoup dans les banlieues. Donc, c’est-à-dire que c’est la rencontre de plein de cultures, de plein de langages, de plein de disciplines, qui ont fait qu’à un moment, il y a une mayonnaise qui a monté et avec une puissance qui a fait que malgré les médias qu’on avait à l’époque [dans les années 1990] qui n’étaient pas forcément fans de cette musique-là, c’est un mouvement qui a réussi à trouver son chemin. »[79]

Un tel découpage explicite est nouveau au cœur des industries musicales hexagonales, mais la ligne de partage racialisée qu’il manifeste, elle, est bien plus ancienne[80]. Elle passait jusqu’alors aux marges d’un marché de la musique enregistrée dont la blanchité était la norme implicite.

Conclusion : « Musiques urbaines »… Ou quoi ?

La notion de « musiques urbaines » fonctionne comme d’autres hypergenres utilisés de longue date dans les mondes musicaux : « musiques actuelles », « musiques amplifiées »[81], « musiques du monde »… Elle est un « langage d’action »[82] dont le sens est relationnel, dépendant de la proximité ou de la distance symboliques avec d’autres étiquetages. Ce langage d’action véhicule un découpage racialisé, et souligne la centralité économique, depuis dix ans, de musiques et d’artistes altérisés du fait de leur lien présumé à une origine essentialisée.

On peut se réjouir de ce passage des marges au centre, tout en prêtant attention aux limites manifestes de cette inclusion. L’idée même d’un « segment professionnel » rappelle son caractère inachevé. Au début des années 2020, un événement l’illustre. Récompensé aux Grammy Awards de 2020 dans la catégorie « Meilleur album de rap », Tyler, The Creator dénonce lors de la cérémonie états-unienne l’étiquette de l’« urbain », et souligne son sentiment d’injustice à voir sa musique maintenue hors de la catégorie la plus générale, celle de « pop ».

« À chaque fois que nous – et je veux dire les gars qui me ressemblent – faisons quelque chose qui dépasse les genres, ils le mettent toujours dans une catégorie rap ou urbaine, ça craint. Je n’aime pas ce mot “urbain”, pour moi c’est juste une façon politiquement correcte de dire le “N-word“. »[83]

Dix ans après la création d’une catégorie dédiée aux Victoires de la musique, cinq ans après la naturalisation de la notion dans la communication du SNEP, la critique de Tyler, The Creator rencontre un large écho en France[84]. Mais cet écho ne doit pas masquer la façon originale dont la racialisation musicale opère dans la France hexagonale.

Tout d’abord, la critique de Tyler, The Creator porte aussi bien sur la catégorie de l’« urbain » que celle de « rap », appliquée à son album Igor. Son intervention interroge ainsi la frontière entre audience particulière et grand public – et les catégories et pratiques professionnelles destinées à orienter les œuvres vers l’une ou l’autre. Or si aux États-Unis les artistes afro-américains se voient souvent interdire la catégorie « pop », en France, la catégorie de « variété » a longtemps été appliquée à tout album produit en major et rencontrant un large succès commercial, tels ceux de Sniper, Fonky Family ou Diam’s dans les années 2000, contribuant à occulter, dans les statistiques officielles du secteur, le poids commercial croissant du rap[85].

Ensuite, en réaction aux critiques, les Grammy Awards n’ont pas transformé la catégorie « Meilleur album rap », mais celle récompensant le « Meilleur album urbain », renommé l’année suivante en « Meilleur album R&B ». Cette évolution montre qu’entre rap, urbain et R&B, il y a plus qu’un jeu de synonymes. Et force est de constater qu’en la matière, l’expertise peine à être reconnue dans l’industrie musicale hexagonale[86]. Ainsi Aya Nakamura s’est successivement vue classée dans les Top SNEP annuels en « Rap français » jusqu’en 2019, « Soul/Funk/R&B français » en 2020, avant de rejoindre en 2022 la catégorie « Urbain ».

Enfin, en utilisant le N-word dans sa déclaration, Tyler, The Creator explicite la centralité des formes de racialisation caractéristique de l’industrie musicale états-unienne. Les discussions autour des musiques urbaines en France doivent tenir compte de cette forme de racialisation, qui pèse en France en vertu des logiques transnationales, mais doivent également tenir compte des logiques de racialisation spécifiquement hexagonales.

La nouvelle cérémonie de récompenses musicales Les Flammes illustre particulièrement bien ce dernier enjeu. Booska-P et Yard, les médias qui sont à l’origine de l’initiative se sont historiquement définis par le rap et les « cultures urbaines ». Booska-P naît en 2005 comme un site de « rap français ». Fort de son succès d’audience, il diversifie à partir de 2007 son périmètre éditorial[87], une évolution que le site revendique six ans plus tard en se définissant comme un « média urbain ». Yard, quant à lui, est une agence de communication doublée d’un média défini à sa création en 2014 comme spécialisée dans « la culture urbaine, […] la culture la plus large, consommée et métissée »[88]. La notion d’« urbain » est cependant absente de la cérémonie des Flammes, qu’il s’agisse de ses catégories de récompense ou de sa communication publique. Pour les organisateurs de la première édition, en 2022, Les Flammes sont une « cérémonie des cultures populaires […] parce qu’on y célèbre les cultures issues des quartiers populaires »[89]. Comme certains animateurs du réseau Buzz Booster, cette formule manifeste une volonté de rendre à « l’histoire des quartiers » une valorisation publique qui leur est régulièrement refusée, tout en soulignant le large succès commercial de formes esthétiques « parmi les plus populaires de la francophonie ».

***

Absente de la communication de la cérémonie, la notion d’« urbain » est cependant omniprésente dans la couverture journalistique de l’événement. En 2024, les « musiques urbaines », catégorie d’intermédiaires culturels permettant à un milieu professionnel de « se comprendre tout de suite » est devenue une catégorie contestée, mais familière dans les espaces publics médiatiques. Faut-il le déplorer ? La notion de « musiques urbaines » est un révélateur des évolutions et des inégalités dans les industries musicales contemporaines, plutôt qu’un totem qu’il faudrait défendre ou briser en tant que tel.

Que la catégorie des « musiques urbaines » reste débattue est sans doute une bonne chose : le soupçon qui pèse sur elle est un antidote à sa naturalisation.

En effet, selon qui l’utilise, dans quel contexte, et à quelles fins, elle peut jouer des rôles différents, voire contradictoires. Sa banalisation manifeste l’avènement d’un segment professionnel racialisé au cœur du marché de la musique enregistrée, né en France autour du succès commercial du rap. Face à de tels enjeux, le simple bannissement aussi bien que la légitimation de l’étiquette « musiques urbaines » peuvent ne représenter que le changement de façade de hiérarchies identiques : supprimer ou normaliser la notion ne change pas les discriminations que son emploi révèle et c’est donc bien à ces discriminations qu’il faut s’intéresser. En effet, seul l’examen de la prise en charge globale du racisme dans l’industrie musicale permet d’évaluer la politique de lutte (ou de reproduction) d’inégalités anciennes, transversales et durables.

Mais que la catégorie « musiques urbaines » reste débattue est sans doute une bonne chose : le soupçon qui pèse sur elle est un antidote à sa naturalisation. Il incite à la réflexivité sur les lignes de partage produites par une histoire d’injustices liées au racisme dans la société en général, et dans les industries musicales en particulier.


[1] Sur la notion de « rue » dans l’économie du rap, voir Hammou K., Une histoire du rap en France, Paris, la Découverte, 2012, p. 193 et suiv.

[2] En 2022, selon le SNEP, le chiffre d’affaires des ventes physiques de musique enregistrée était trois fois moins important que le chiffre d’affaires de l’exploitation numérique de la musique enregistrée, soit une « inversion du modèle des ventes de la musique en 10 ans ». SNEP, La production musicale française en 2022, p.4.

[3] Hammou K. et Sonnette-Manouguian M., 40 ans de musiques hip-hop en France, Paris, Presses de Sciences Po, 2022.

[4] Ces enquêtes s’appuient en premier lieu sur le relevé systématique des usages de la notion de musiques urbaines dans la presse professionnelles du secteur musical des années 1980 aux années 2010 : Show Magazine, Le Bulletin des rotations (Le Bulletin), La Lettre du disque (La lettre), Musique Info Hebdo (MIH), etc. Ce matériau a été complété par une enquête dans la presse professionnelle états-unienne des années 1970-1980 (Billboard, Radio & Records, Broadcasting Magazine, etc.), ainsi que deux recherches inédites, l’une sur l’institutionnalisation des « cultures urbaines », la seconde sur les premières années du dispositif de repérage artistique Buzz Booster, au cours de laquelle plusieurs entretiens ont été conduits avec des responsables régionaux du dispositif. On trouvera des résultats plus détaillés de ces enquêtes dans Hammou K. et Sonnette-Manouguian M., op. cit., et Hammou K., « La racialisation musicale comme action conjointe. La carrière de la catégorie d’urban contemporary dans l’industrie musicale états-unienne (1979-1984) », in M. Fontaine et E. Pedler (dir.), L’épreuve des frontières sociales, collection Enquête n°14, Editions de l’EHESS, 2023, pp.65-88.

[5] La racialisation décrit les processus situés de production et de négociation de catégorisations raciales. Voir Brun S. et Cosquer C., Sociologie de la race, Armand Colin, 2022.

[6] MIH n°97, 26 nov. 1996.

[7] Le Bulletin n°43, janv. 1992.

[8] Hennion A., Les professionnels du disque, Paris, Métailié.1981 ; Roueff O., Jazz, les échelles du plaisir, Paris, La Dispute, 2013.

[9] Roy W. G., « “Race records” and “hillbilly music”: institutional origins of racial categories in the American commercial recording industry », Poetics vol. 32 n°3-4, 2004.

[10] Brackett D., Categorizing sound. Genre and Twentieth-Century Popular Music, Oakland, University of California Press, 2006.

[11] Dowd T. J., « Structural Power and the Construction of Markets », Comparative Social Research vol. 21, 2003.

[12] Le label Motown de Berry Gordy, créé en 1959, en est un des exemples les plus célèbres. Voir Garofalo R. et Waksman S. Rockin’out: popular music in the USA, Pearson, 2014, p. 155.

[13] Collins S. M., « The making of the black middle class », Social Problems vol. 30 n°4, 1983.

[14] On en trouve un exemple dans l’introduction enregistrée par Frankie Crocker pour la compilation The Best Of Frankie Crocker (8th Wonder Of The World), Lost Nite Records, 1967.

[15] L’origine exacte de l’expression est toujours débattue. Voir Dan Charnas, « Long Kiss Goodbye: Fear Of A Black Planet Killed A Black Radio Station », Newsone, 2 mai 2012. En ligne : https://newsone.com/2005493/long-kiss-goodbye-charnas-987-kiss-fm-wbls/.

[16] Skrentny J. D., After Civil Rights: Racial Realism in the New American Workplace, Princeton University Press, 2015.

[17] Klaess J., Breaks in the Air: The Birth of Rap Radio in New York City, Duke University Press, 2022, p.50 ; Nelson George, The Death of Rhythm & Blues, New York, Penguin Books, 1988, p. 159.

[18] Le format « Top 40 » correspond à une programmation des 40 titres les plus populaires dans les classements musicaux, en particulier celui publié par le magazine Billboard.

[19] Negus K., Music Genres and Corporate Cultures, Londres, Routledge, 1999.

[20] EPoS-Linked Virgin Information System.

[21] « Née aux Framboisins [sic] à Saint Denis de parents algériens », « d’origine guadeloupéenne », « elles chantent leurs origines (Algérie, Portugal, Bretagne, Italie) », etc. MIH n°3, 3 oct. 1997, p.9.

[22] Faure S. et Garcia M.-C., Culture hip-hop, jeunes des cités et politiques publiques, La Dispute, 2005, p.45.

[23] Le Guern Philippe, « En arrière la musique ! Sociologies des musiques populaires en France. La genèse d’un champ », Réseaux vol. 141‑142, n°2‑3, 2007.

[24] Escafré-Dublet A., Culture et immigration : de la question sociale à l’enjeu politique, 1958-2007, Rennes, PUR, 2014, p.150.

[25] Tissot S., L’Etat et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, Paris, Le Seuil, 2007.

[26] Estèbe P., L’usage des quartiers, L’Harmattan, 2004, p.69.

[27] Pélissier C., Le rôle des institutions en termes de légitimation des nouvelles formes d’expression artistique, l’exemple de la culture hip-hop, IEP de Lyon, 1999.

[28] Shapiro R., « L’émergence d’une critique artistique : la danse hip-hop », Sociologie de l’Art / OPuS, vol. 3 n°1, 2004.

[29] Faure S. et Garcia M.-C., op. cit., p. 60 et suiv.

[30] Ibid.

[31] Escafré-Dublet A., op. cit., p. 134.

[32] Keyhani N., Les « relations interculturelles » : trajectoire sociale d’une catégorie réformatrice, thèse de doctorat en sociologie, ENS Cachan, 2014, p. 458.

[33] Luc Gruson, entretien réalisé par Jean-Jacques Girardot et publié dans Cités n°1, 2000, p.142.

[34] Luc Gruson, « Les cultures urbaines : points de repères et références », introduction au Répertoire des cultures urbaines, Adri, 1999.

[35] Ibid.

[36] Palomarès E. et Roux G., « Quand les politiques urbaines font exister la race », Terrains & travaux vol.°39 n°2, 2021.

[37] Canova N., Montagnat M. et Sourisseau R., « Musiques et ruralités. Entre idées reçues, singularités et opportunités », décembre 2022, en ligne : https://cnmlab.fr/onde-courte/musiques-et-ruralites/.

[38] Tissot S. et Poupeau F., « La spatialisation des problèmes sociaux », Actes de la recherche en sciences sociales n°159, 2005.

[39] Doytcheva M., Une discrimination positive à la française ? Ethnicité et territoire dans les politiques de la ville, Paris, La Découverte, 2007, p. 83.

[40] Le Bulletin n°43, janv. 1992.

[41] MIH n°3, 3 oct. 1997, p.9.

[42] En 2008, elle était ainsi quasi absente de la base de données de l’IRMA recensant les musiciens français, et les laissant libre de définir eux-mêmes les genres musicaux dans lesquels s’inscrivent leurs pratiques musicales. Sur les 9 000 artistes et groupes répertoriés, seul 6 faisaient appel à l’adjectif « urbain » pour qualifier leur proposition artistique. Sur cette base de données, voir Lizé W, Naudier F. et Roueff O., Intermédiaires du travail artistique : à la frontière de l’art et du commerce, Paris, Ministère de la culture et de la Communication, DEPS, 2011, p.244 et suiv.

[43] Du côté des publics, la catégorie de musiques urbaines n’apparaît jamais pas dans le champ ouvert permettant aux personnes interrogées de définir leur « genre musical préféré » dans le cadre des enquêtes sur les Pratiques culturelles du ministère de la Culture conduites en 2008 et 2018. Voir également Lesacher C., « Explorer la circulation de la catégorie “musiques urbaines” à la fin des années 2010 en France », Volume !, à paraître.

[44] Lizé W., Naudier D., Sofio S. (dir.), Les stratèges de la notoriété. Intermédiaires et production de la valeur dans les univers artistiques, Paris, Archives Contemporaines, 2014, p.V.

[45] Voir les articles consacrés par Libération à la première édition du concert : https://www.liberation.fr/culture/2002/09/20/grand-messe-rap-au-stade-de-france_416046/ et https://www.liberation.fr/culture/2002/09/23/le-stade-de-france-a-rappe-en-paix_416306/.

[46] Le programmateur de la station, Laurent Bouneau, relève ainsi être « [tributaires] de la création en musiques urbaines ». MIH n°430, 13 avril 2007, p.20

[47] Buch E., « Le duo de la musique savante et de la musique populaire », Enquêtes n°10, 2013.

[48] Bellanger P., 2004, « La mondialisation de la jeunesse par le hip-hop et l’Internet », Cahiers de médiologie / IRCAM n°18, 2004, p.185.

[49] Dauncey H. et Hare G., « French youth talk radio: the free market and free speech », Media, Culture & Society vol. 21 n°1, 1999.

[50] Bellanger P., « Des radios libres aux skyblogs. Entretien », Le Débat, vol. 139 n°2, 2006.

[51] Ibid.

[52] « Quelqu’un du disque nous a dit, quand on a monté Trace TV avec Kenzi [sic], qu’on n’avait aucune chance “parce que deux Noirs qui montent une chaîne de télé, c’est impossible”. Ça nous a beaucoup motivés en fait. » (MIH n°295, 19 mars 2004 p.18).

[53] MIH n°295, 19 mars 2004, p.18 ; voir aussi MIH n°426, 16 mars 2007 p.6.

[54] Bowker G. C. & Star S. L., Sorting things out: classification and its consequences, Cambridge, MIT Press, 2000, p.13.

[55] Hammou K. et Sonnette-Manouguian M., op. cit., « Introduction. Que changent les musiques hip-hop ? ».

[56] Entre 2015 et 2016, j’ai réalisé une série d’entretiens avec les personnes assurant la direction artistique de cinq de ces huit festivals. Les citations de cette sous-partie sont extraites de ces entretiens.

[57] Buzz Booster France, « Rapport bilan 2008-2013 » réalisé par le Collectif L’Original. Document interne au réseau Buzz Booster.

[59] Émission diffusée sur TF1 en 1984 et ayant popularisé la culture hip-hop, en particulier par la danse.

[60] Elle reste l’un des mots clés de la description du dispositif sur son site web en 2003 : https://buzzbooster.fr/#ledispositif.

[61] Lesacher C., art. cit.

[62] La lettre n°278, 16 janv. 2001, p.2.

[63] MIH n°419, 26 janv. 2007, p.21.

[64] MIH n°421, 9 fév. 2007, p.21. Voir aussi MIH n°287, 23 janv. 2004, p.30.

[65] MIH n°534, déc. 2011, p.8.

[66] Hammou K. et Sonnette-Manouguian M., op. cit., chap. III, « Socio-économie de l’”urbain” musical ».

[67] Bowker G. C. & Star S. L., op. cit., p.294-295.

[68] MIH n°260, 30 mai 2003, p.18.

[69] Yacast, Bilan Radio TV Clubs Programmation musicale 2007.

[70] MIH n°419, 26 janvier 2007, p.20.

[71] La Lettre n°415, 18 mars 2004, p.2.

[72] MIH décrit par exemple la stratégie marketing de la compilation Écoute la rue Marianne comme « une promo street classique pour un album de musique urbaine ». MIH n°423, 23 fév. 2007, p.5.

[73] MIH n°418, 19 janv. 2007, p.50.

[74] MIH n°530, juillet 2011 p.38.

[75] MIH n°530, juillet 2011, p.40.

[76] Lesacher C., art. cit.

[77] « Les musiques urbaines », L’Atelier radiophonique de Cédric, Radio Campus Paris, 24 déc. 2017. En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=jcJayxSR9kw.

[78] C’est par exemple explicite dans La Lettre n°295, 22 mai 2001, p.7.

[79] « Les musiques urbaines », L’Atelier radiophonique de Cédric, émission citée.

[80] Huber-Yahi N., « Approches politiques et sociales des productions musicales de l’immigration et des quartiers populaires des années 1960-1990 », Hommes & migrations n°1325, 2019, p. 145-152 ; Nganso A., La fabrique de la sono mondiale. Des musiques africaines face à l’impérialisme culturel, Paris, Amsterdam, 2023.

[81] Philippe Teillet P., « Éléments pour une histoire des politiques publiques en faveur des “musiques amplifiées” in P. Poirrier, Les collectivités locales et la culture, Paris, La Documentation Française, 2002.

[82] Pedler E. et Cheyronnaud J., « Penser les théories ordinaires », Enquêtes n°10, 2013, p.14.

[83] « It sucks that whenever we — and I mean guys that look like me — do anything that’s genre-bending or that’s anything they always put it in a rap or urban category. I don’t like that ‘urban’ word — it’s just a politically correct way to say the n-word to me. », voir en ligne : https://edition.cnn.com/2020/01/27/entertainment/tyler-the-creator-grammys-intl-scli/index.html.

[84] On trouvera un bon résumé du débat anglo-saxon et de ses échos en France dans Fanen S., « À la benne, les “musiques urbaines” ? », Les Jours, 12 sept. 2020. En ligne : https://lesjours.fr/obsessions/musique-racisme/ep5-musiques-urbaines/.

[85] Hammou K. et Sonnette-Manouguian M., op. cit., p.93.

[86] Pour une réflexion approfondie sur le statut du R&B dans les industries musicales françaises, voir Tchokokam R., Sensibles : une histoire du R&B français, Paris, Audimat, 2023.

[87] Cette chronologie du site a été vérifiée à l’aide de l’Internet Archive Wayback Machine.

[88] Maud Vincent, « Yard : la niche de la culture urbaine », publié le 31 mars 2014, Emarketing.fr.

[89] « Booska-P, Smile & Yard annoncent Les Flammes », publié le 10 oct. 2020, Yard. Voir également l’intervention d’Amadou Ba, co-fondateur de Booska-P, lors de la conférence « Institutionnalisation du rap : reconnaissance ou renoncement ? », du MAMA Music & Convention, 12 oct. 2023.

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