Loi Aillagon et mécénat dans la musique

Bilan, enjeux et perspectives

Par Anne Monier, Arthur Gautier, Camille Prost, Sophie Lanoote
Publié le 26 octobre 2023
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Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégée, Anne Monier est docteure en sciences sociales et chercheuse à la Chaire Philanthropie de l’ESSEC. Spécialiste de philanthropie, elle a notamment publié deux livres sur le sujet : Nos chers Amis Américains et le livre collectif Philanthropes en démocratie, ainsi que plusieurs articles scientifiques et chapitres d’ouvrage en français et en anglais. Elle enseigne aussi à l’Ecole d’Affaires Publiques de Sciences Po.

Arthur Gautier est Professeur Associé à l’ESSEC Business School et Directeur Exécutif de la Chaire Philanthropie de l’ESSEC. Il enseigne à la Grande Ecole et à l’ESSEC Executive Education. De 2016 à 2021, il a été Directeur académique du Certificat Français du Fundraising. Ses recherches portent principalement sur la philanthropie et les initiatives privées en faveur de l’intérêt général.

Docteure en philosophie, spécialiste de la philosophie de la musique et auteure d’une thèse intitulée « Une ontologie du quatuor à cordes, philosophie de la musique pour quatre instrumentistes », Camille Prost est aussi certifiée de l’Essec, titulaire d’un diplôme de Directrice de la collecte de fonds et du mécénat. Elle a travaillé à l’Opéra de Lille et à la Fondation Bettencourt Schueller avant de fonder son propre cabinet, Calamus Conseil, pour accompagner les acteurs du monde musical.

Sophie Lanoote fonde en 2008 l’agence Galatea, qui conjugue management artistique, production de concerts et conseil, auquel elle se consacre désormais, afin de mettre son expertise en stratégie, management et transformation au service des acteurs culturels privés et publics. Diplômée de Sciences Po Paris, où elle enseigne depuis 2017, elle a co-écrit Le Spectacle et le Vivant et Mécéner la musique en France aujourd’hui (2021), et réalise actuellement une étude sur la musique ancienne.


Résumé

La loi Aillagon, mise en place en 2003, visait à réformer le mécénat en France. Pour le secteur musical, elle a joué un rôle central dans les stratégies de financement de nombreux acteurs. Néanmoins, ses impacts exacts restent encore mal connus : 20 ans après sa création, quel est véritablement le bilan de cette loi dans la filière musicale ? L’objectif de cette onde courte est donc d’esquisser ce bilan, de rendre compte des conséquences positives amenées par la législation, mais aussi des difficultés rencontrées. Plus généralement, cette onde permet de plonger dans les liens actuels entre musique et mécénat et de dresser des pistes pour l’avenir.

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Introduction

Si le développement de la philanthropie contemporaine en France, qui commença dans les années 1960-1970, s’inscrit fortement dans le champ culturel1ROZIER S., « L’entreprise-providence. Mécénat des entreprises et transformation de l’action publique dans la France des années 1960-2000 », thèse de doctorat en science politique, Université Paris 1, 2001., il est rare de trouver des analyses du mécénat par secteur (spectacle vivant, musée, etc.), même s’il en existe certaines sur le patrimoine. Or, ces approches méritent d’être développées, car l’économie de la culture diffère d’un secteur à l’autre.

Le mécénat dans le secteur musical est, en ce sens, une vitrine du mécénat culturel, d’une part, parce qu’il regroupe toutes les formes de soutien matériel privé et sans contrepartie directe à diverses étapes (création, production, diffusion ou encore formation) et, d’autre part, parce qu’il permet d’intégrer à l’analyse un large panel d’acteurs et d’actrices, des donateurs et donatrices aux bénéficiaires en passant par les différentes structures impliquées dans le mécénat musical.

Mais le secteur musical est également un terrain singulier pour le mécénat. Premièrement, car le financement des acteurs et actrices est sous tension : la crise du disque au tournant des années 2000 a asséché les investissements phonographiques et l’essor récent des plateformes de streaming n’a pas totalement pallié les fragilités de l’industrie de la musique enregistrée. À cela s’est récemment ajoutée la pandémie de coronavirus et son lot d’annulations qui ont sévèrement impacté les ressources publiques et privées de tous les acteurs et actrices du spectacle vivant, donc aussi de la musique. Se pose donc la question de la place du mécénat dans cette économie en plein bouleversement. Deuxièmement, face aux inégalités observées dans le secteur musical — comme dans d’autres secteurs —, la question du rôle du mécénat est particulièrement pertinente2Lors d’un bilan organisé en 2018 par le ministère de la Culture, celui-ci pointait le mécénat « au service de la lutte contre les inégalités territoriales » et le rôle que le mécénat pouvait avoir dans la démocratisation de la culture.: inégalités d’accès à la pratique musicale, inégalités de financement de la musique (notamment entre cultures légitime et populaire), mais aussi inégalités entre producteurs ou diffuseurs dans l’accès aux financements.

Cette publication vise donc à réfléchir aux enjeux du mécénat musical à l’occasion des vingt ans de la loi no 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite « loi Aillagon » du nom du ministre de la Culture l’ayant portée. Cette loi, qualifiée de « miracle » par Jean-Jacques Aillagon, a été saluée par des parlementaires comme « un dispositif parmi les plus incitatifs en Europe3SCHMITZ A., « Le mécénat culturel : outil indispensable de la vitalité culturelle », rapport d’information no 691 (2017-2018), mission d’information sur le mécénat culturel du Sénat, 2018.. » Mais qu’en disent les acteurs et actrices de la musique que cela concerne ? Nous commencerons par une analyse du contexte, puis, à partir des témoignages récoltés, nous étudierons les bénéfices de cette loi, ses limites, les problématiques qui demeurent, avant de proposer quelques pistes de réflexion pour l’avenir.

Méthodologie

Plus qu’un véritable bilan, il s’agit de s’interroger sur les enjeux du mécénat musical, d’analyser ses caractéristiques, tout en laissant certaines questions sans réponse. En effet, il est particulièrement difficile d’obtenir des données ou de trouver des recherches portant précisément sur le mécénat musical, ou sur les effets spécifiques de la loi Aillagon. L’article vise à faire entendre les voix de professionnelles et professionnels variés de l’écosystème du mécénat musical : petites vs grandes organisations, musique de répertoire vs musiques actuelles, organisations parisiennes vs implantées en région, projet exclusivement musical vs projet transdisciplinaire…

La méthode choisie ne vise donc pas une forme d’exhaustivité, les outils mobilisés ne sont pas ceux des études quantitatives et l’échantillon n’est pas représentatif de l’ensemble du monde musical. Utilisant des cas volontairement très contrastés en termes de taille, de localisation et d’esthétiques musicales, les autrices et l’auteur de cette « onde courte » ont eu recours à des entretiens qualitatifs ciblés auprès de professionnelles et professionnels de six organisations (voir ci-dessous et Tableau 1) et à leur propre expérience du mécénat musical. L’objectif ? Faire résonner ces témoignages entre eux, en acceptant la part de subjectivité qu’ils comportent, et les articuler à des développements plus conceptuels.

Les six organisations étudiées sont :

Le Centre de musique baroque de Versailles: créé en 1987 à l’initiative du ministère de la Culture, le centre a pour mission de faire rayonner les musiques baroques françaises des XVIIe et XVIIIe siècles. Le CMBV est situé depuis 1996 à l’Hôtel des Menus-Plaisirs de Versailles et propose des activités de recherche, d’édition, de formation, de production et d’action culturelle. Le mécénat représente 5 % d’un budget global avoisinant les 7 millions d’euros. Deux tiers du mécénat proviennent d’entreprises et de fondations, un tiers de particuliers. Deux salariés, un responsable et une assistante, s’y consacrent à temps plein. Un fonds de dotation a été créé en 2022 pour transmettre et partager le patrimoine baroque au service des jeunes talents et des publics et, ainsi, venir en appui sur les activités du CMBV.

La Fondation LUMA :créée en 2004 par Maja Hoffmann et basée à Zurich, la fondation soutient et finance des projets artistiques, dont certains intègrent de la musique. Tous visent à approfondir la compréhension des questions liées à l’environnement, aux droits de l’homme, à l’éducation et à la culture. Pour mener à bien son projet, LUMA possède en France un fonds de dotation, une SCI et une SAS pour ses activités commerciales. LUMA Arles emploie 120 salariés à l’année — dont une responsable mécénat et partenariats — et plus de 200 l’été. Transparaît à travers ce projet la vision personnelle d’une mécène philanthrope.

L’abbaye et fondation de Royaumont présente un modèle unique : depuis 1936, la Fondation offre une place de choix à la (re)découverte du répertoire et aux œuvres d’aujourd’hui. Il est la face émergée de l’activité du Centre international pour les artistes de la musique et de la danse de Royaumont qui propose des résidences d’artistes et développe des activités de création, de formation et de recherche. Le mécénat représente moins de 1/6e de son chiffre d’affaires, parce que ce lieu parvient à générer des ressources propres (hôtellerie, locations d’espaces…) et bénéficie de soutiens publics. Sans surprise, l’action culturelle et l’accès à la culture sont les axes forts du mécénat de la structure. L’artistique pur est quant à lui principalement financé par quelques gros mécènes. Les investissements structurels majeurs sont financés, eux, par de l’argent public. Sur ses 57 salariés, deux ont en charge le mécénat.

Le Festival des Eurockéennes de Belfort : né en 1989, à l’initiative du Conseil général du Territoire de Belfort, les « Eurocks » sont une des principales manifestations plein air dédiées aux musiques actuelles en France et en Europe. Chaque année, une soixantaine de concerts et spectacles sont organisés pendant trois jours pour près de 125 000 festivalières et festivaliers, le premier week-end de juillet. Parmi les dix salariés permanents, trois personnes sont impliquées dans le mécénat et les partenariats avec les entreprises. Sur un budget global de 9,7 millions d’euros en 2023, le mécénat représente 15 % (1,45 M€) et le parrainage, 10 % (97 000 €), soit 25 % du budget global, ce qui dépasse la moyenne sectorielle (17 %). Un « Club des partenaires » a été fondé dès 1991 avec une dizaine d’entreprises membres. Devenu « Club des mécènes » en 2005, à la faveur des possibilités offertes par la loi Aillagon, il compte aujourd’hui 140 entreprises membres qui soutiennent le festival en mécénat financier (de 5 000 à 200 000 €), en nature ou de compétences.

L’Épicerie Moderne : salle de concert labellisée Scène de musiques actuelles (SMAC), elle peut accueillir de 60 à 750 spectateurs. Située à Feyzin (10 000 habitants), petite ville de l’agglomération lyonnaise, dans une zone de grande concentration industrielle qu’on appelle « la Vallée de la Chimie », L’Épicerie Moderne a sur le papier un grand choix de potentiels mécènes et partenaires. De premiers parrainages porteurs de sens ont été initiés il y a cinq ans environ, mais le mécénat a plus de mal à se développer. Aujourd’hui, seul le directeur de l’association développe mécénat et partenariats, sans salarié dédié. En 2022, ces ressources ont rapporté 30 000 euros, soit 3,5 % d’un budget global d’environ 850 000 euros.

ProQuartet – Centre européen de Musique de chambre: né en 1987, il contribue au rayonnement du quatuor à cordes, au soutien de l’ensemble de la communauté de la musique de chambre et à l’élargissement des publics qui s’y intéressent. Le mécénat, auquel 1 ETP est dédié (pour une équipe qui compte neuf salariés), représente 2 % d’un budget global s’élevant à 1,2 million d’euros en 2022. Deux des projets portés par ProQuartet s’avèrent actuellement très porteurs pour le développement du mécénat : d’une part, le nouveau programme de formations/résidences, d’autre part, le projet « ProQuartet part en friche », une réflexion autour du public « jeunes adultes », au-devant desquels va ProQuartet, via des tiers-lieux et des friches scrupuleusement choisies, qui sont autant de lieux de rencontres, de mixité sociale et de projets.

Tableau 1 : Entretiens réalisés

Personne interrogéeFonctionStructureDate de création de la structureLieu d’implantation
Tony FavierResponsable mécénat et relations publiquesCentre de musique baroque de Versailles1987Versailles
Christophe DanzinDevelopment and partnerships directorLUMA Arles2013Arles
Pierre Hassim MalbecResponsable du mécénat et de la philanthropieFondation Royaumont1964Asnières-sur-Oise
Frédéric AdamResponsable pôle partenariatEurockéennes de Belfort1989Territoire de Belfort
Grégoire PotinDirecteurL’Épicerie Moderne2005Feyzin
François JolivetAncien directeurL’Épicerie Moderne2005Feyzin
Charlotte Bartissol. Orlane AquilinaDirectrice. Responsable du mécénatProQuartet1987Paris

Loi Aillagon et musique : une mise en contexte

Le mécénat musical

Il est important de souligner à quel point il est difficile d’obtenir des chiffres précis et de la recherche académique portant précisément sur le mécénat musical. Si le ministère de la Culture publie chaque année un rapport sur « Le poids économique direct de la culture », qui s’établit à 45,3 milliards d’euros en 2021, soit 2 % de l’ensemble de l’économie, il existe peu de chiffres sur le poids particulier de la musique, et encore moins sur l’étendue du mécénat musical. Un article du ministère de la Culture évoque néanmoins les propos d’Hervé Merlin, sous-directeur des affaires économiques et financières au ministère de la Culture lorsque est organisée la journée « Musique et Solidarité » en juin 2022 : « Au sein du mécénat culturel, la musique, qui représente un tiers des dons à hauteur de 90 millions d’euros, fait partie des domaines les plus soutenus4« Le mécénat musical à l’heure de la solidarité », publié le 22 juin 2022 sur le site du ministère de la Culture https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Le-mecenat-musical-a-l-heure-de-la-solidarite#:~:text=« Au sein du mécénat culturel,édition des « Jeudi du mécénat ». »

Une étude menée par Sophie Lanoote et Camille Prost, « Mécéner la musique en France aujourd’hui5Livre blanc diffusé par Galatea Conseil et Calamus Conseil : https://www.calamusconseil.fr/livreblanc ou https://www.galateaconseil.com/» rappelait également quelques éléments structurants, notamment que « si de nombreuses fondations soutiennent financièrement la musique, plus nombreuses encore sont celles qui, ces dernières années, se sont créées pour lever des fonds » (p. 13), créant un écosystème d’une grande diversité. La musique est soutenue par beaucoup de petites, voire de très petites fondations abritées6« Une fondation abritée, également appelée fondation sous égide, est une structure philanthropique qui permet à une personne, une famille ou une entreprise de créer une fondation sans les contraintes administratives et financières d’une fondation indépendante. Elle est abritée par une fondation reconnue d’utilité publique, dite fondation abritante, qui assume toutes les démarches de création, de gestion comptable, financière et juridique. Le fondateur peut ainsi se consacrer pleinement à la cause et au choix de projets qui le mobilisent tout en bénéficiant de l’image et du “label” de la fondation abritante. Une convention définit l’objet et les modalités de gestion de la fondation abritée. » (source : https://www.info-legs.fr/glossaire/definition-fondation-abritee/)., car elle occupe pour certaines familles de mélomanes une place centrale dans leur histoire. L’écosystème de la philanthropie musicale se compose ainsi de quelques grandes fondations d’entreprise (Orange, Société Générale, Banque populaire, etc.) ou familiales (Fondation Bettencourt Schueller, Fondation Daniel et Nina Carasso), des fondateurs parfois très discrets, et des fonds de dotation et fondations abritées (p. 14).

Concernant les projets soutenus, il existe peu de données, mais certains aspects sont notables. Le ministère de la Culture insiste sur le développement des initiatives qui mêlent musique et solidarité, avec un développement du « mécénat croisé qui associe culture et volet social7Publication du ministère de la Culture, « Le mécénat musical à l’heure de la solidarité », 22 juin 2022, art. cit. ». D’autre part, des initiatives originales ont émergé avec, par exemple, une coordination au niveau territorial — comme le projet « Mécènes pour la Musique » dans les Pays de la Loire, qui est un fonds de dotation qui « collecte du mécénat financier, de moyens ou de compétences au profit des projets musicaux du territoire régional8Source : Site internet https://www.mecenespourlamusique.com/. », permettant de dépasser les problèmes de concurrence entre acteurs et actrices.

La philanthropie a connu, ces dernières années, un développement important avec environ quatre fois plus de fondations (en comptant les fonds de dotation) aujourd’hui qu’en 2003 et une multiplication par 2,5 ou 3 (selon les estimations) des montants donnés9Observatoire de la philanthropie, Panorama national des générosités – 2e édition, Paris, Fondation de France, septembre 2021., tout comme une multiplication par 3,8 du nombre d’entreprises mécènes10Baromètre du mécénat d’entreprise 2022, Admical.. La mise en application, en 2003, de la loi Aillagon a constitué un tournant pour les acteurs et actrices de l’intérêt général, notamment dans la culture. Mais qu’en est-il pour la musique ? La loi a-t-elle contribué à changer le mécénat musical et le secteur musical plus largement ? Si oui, comment ?

Bref historique de la loi Aillagon

L’arrivée de la loi Aillagon dans le paysage philanthropique s’inscrit dans un contexte de soutien de l’État au mécénat culturel, depuis l’arrivée d’André Malraux au ministère de la Culture en 195911MOULIN R., L’Artiste, l’Institution et le Marché, Paris, Flammarion, 1997 [1992]. : la philanthropie fait l’objet d’une promotion forte de la part des acteurs et actrices étatiques, qui souhaitent voir se développer l’investissement privé aux côtés du financement public12ROZIER S., « L’entreprise-providence. Mécénat des entreprises et transformation de l’action publique dans la France des années 1960-2000 », op. cit.. Elle s’insère aussi dans un moment de transformation du secteur public, après la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2001 : « La logique économique de performance, au sens ici d’une gestion publique orientée vers les résultats, véhiculée par la “constitution financière de l’État” qu’est la LOLF, soumet désormais la politique culturelle à de nouvelles approches tant dans sa conception (projets annuels de performance [ou PAP] définissant la performance attendue inscrite en loi de finances annuelle) que dans sa mise en œuvre (rapports annuels de performance [ou RAP] mesurant la performance obtenue inscrite en loi de règlement)13SAOUDI M., « Le mécénat culturel. Vers la fin de l’“exception culturelle française” ? », Gestion & Finances publiques, vol. 2, no 2, 2018, p. 87-91.. »

La présentation du texte de loi est faite à la deuxième séance du mardi 1er avril 2003. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication de mai 2002 à mars 2004, rappelle l’objectif de la loi : « libérer les initiatives » et permettre aux acteurs et actrices de « la société civile » de participer au développement de la vie culturelle et publique. Face à un régime fiscal qu’il ne trouve « pas assez lisible », « trop complexe » et « peu avantageux », il propose un texte qu’il qualifie de « véritable révolution ». Parmi les arguments mis en avant, il y a celui, déjà connu, d’un certain « retard français », et en particulier « trois retards » (celui du mécénat des particuliers, du mécénat des entreprises et du nombre de fondations) qui s’appuient sur une comparaison avec la situation aux États-Unis, et parfois également avec le Royaume-Uni.Il considère ainsi que les incitations fiscales portées par les pouvoirs publics vont permettre de changer la donne :

« Ces trois retards, je les résumerai en un chiffre. Aux États-Unis, l’apport du mécénat représente environ 217 milliards d’euros, soit 2,1 % du PIB, contre seulement 0,09 % en France. La générosité des Français n’est pas en cause. Cette générosité existe et ne demande qu’à être mobilisée. C’est la détermination des pouvoirs publics qui manquait encore. Cette détermination, la réforme que je vous présente vise à la rendre plus lucide, plus forte, plus lisible. »

Est évoquée également la manière dont cette loi va permettre aux associations de bénéficier davantage de la générosité des Français. Le lien est fait, dans le discours, avec la célèbre loi du 1er juillet 1901 qui a permis de reconnaître la liberté associative et de favoriser le développement des associations.

Les débats se multiplient ensuite à l’Assemblée nationale, et certains de ses membres expriment des craintes. On peut évoquer notamment la peur d’un « repli budgétaire généralisé » de la part de l’État (« Puisque le budget craque, pourquoi ne pas faire appel au privé ? Tel pourrait être après tout le raisonnement de votre gouvernement pour de nombreux secteurs traditionnels d’intervention de la puissance publique14Débats parlementaires, Assemblée nationale, 2e séance du mardi 1er avril 2003 : https://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030182.asp. ») et la crainte d’une entrée massive des protagonistes économiques dans les mondes qui étaient, jusque-là, l’apanage de l’État (« Ce dispositif est-il réellement destiné au monde culturel, ou ne vise-t-il pas plutôt à favoriser les acteurs privés du monde économique15Ibid. ? »).

Le ministre avait, à la fin de sa déclaration sur le texte, anticipé la question du désengagement de l’État, réaffirmant la « sanctuarisation » du budget du ministère de la Culture. Il est aussi défendu par d’autres membres de l’Assemblée nationale, notamment Michel Herbillon, qui note que le mécénat a soulevé, à tort, du scepticisme en France, de la suspicion, « ce qui n’est pas sans conséquences négatives ». Il évoque plusieurs raisons à cela : « le manque d’audace », les « réticences idéologiques », « la méfiance […] vis-à-vis de l’argent ». Il considère que « non, le mécénat n’est pas un moyen de se substituer à l’action de l’État, c’est au contraire un moyen pour faire plus et pour faire autrement » et, reprenant les mots de Jean-Pierre Raffarin : « L’État n’a pas le monopole de l’intérêt général16Ibid.. »

La loi est adoptée le 21 juillet et promulguée le 1er août 2003. Texte de vingt-trois articles, elle a pour objectif, entre autres, d’harmoniser les différents dispositifs fiscaux applicables aux dons qui existaient jusqu’alors. Les déductions fiscales sont régies par les articles 200 et 238 bis du Code général des Impôts (CGI), qui octroie une déduction sur l’impôt sur le revenu (IR) de 66 % du montant des dons, dans la limite de 20 % du revenu imposable, de 75 % pour les dons aux organisations venant en aide aux personnes en difficulté (« loi Coluche »), et de 75 % sur l’impôt sur la fortune immobilière, dans la limite de 50 000 euros. Pour les entreprises, la déduction sur l’impôt sur les sociétés est de 60 % du montant des dons, dans la limite de 20 000 euros ou de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxe — plafond de déduction abaissé à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros annuels.

Quels effets de la loi Aillagon ?

Depuis l’adoption de cette loi, vingt ans se sont écoulés. Que s’est-il passé ? Quels ont été ses effets ? Il est difficile de répondre clairement à cette question. Cependant, sont constatées plusieurs évolutions dont on peut penser qu’elles sont, en partie, liées à cette loi — même si le lien de causalité n’est pas formellement établi.

Un rapport de la Cour des comptes de 2018 rappelle le « développement sans précédent du mécénat depuis 2003 », et mentionne, entre autres, une forte progression du nombre d’entreprises mécènes et la mise en place de politiques de mécénat structurées au sein notamment des plus grandes d’entre elles, une multiplication des modes d’intervention avec l’essor rapide des fondations et fonds de dotation, la diversification des domaines d’intervention au-delà du domaine culturel (social, éducation, santé, etc.), notamment suite à la crise de 2008. Si le paysage de la philanthropie française s’est effectivement développé et complexifié depuis 2003, la loi a-t-elle réellement eu un effet si important ? Peu de travaux académiques explorent cette question, excepté un livre récent de trois économistes.

« Les dons privés répondent-ils aux incitations ? » demandent Gabrielle Fack, Camille Landais et Alix Myczkowski dans leur ouvrage Biens publics, charité privée : Comment l’État peut-il réguler le charity business ? (éditions Rue d’Ulm, 2018). Ils montrent que les études récentes menées depuis le début des années 1990 ont largement remis en cause un certain nombre de résultats, grâce à l’utilisation de données administratives plus détaillées et possédant une dimension longitudinale. En observant les mêmes individus au cours du temps, sujets à des incitations différentes, les chercheurs ont été capables de mesurer de manière plus précise l’impact des réductions d’impôt sur les comportements de dons. Ils montrent une « faible réponse des dons aux incitations », mais qui cache en réalité des effets très contrastés : « Lorsque celles-ci ont été augmentées fortement en 2003, puis en 2005, passant de 50 à 66 %, le montant total des dons ne semble pas dévier systématiquement de sa tendance […]. Les études récentes montrent également que la réponse des comportements de dons aux incitations est incroyablement hétérogène. » (p. 79) Ils soulignent ainsi que certains individus sont très sensibles aux réductions du prix du don et d’autres le sont moins, ces différences reposant sur certains éléments comme le niveau du don (« les dons les plus élevés semblent plus sensibles aux incitations que les petits dons » [p. 82]) ou le niveau de revenu, « caractéristique observable la plus évidence (…) pour expliquer ces différences » (p. 82). Ainsi, les dons des contribuables les plus aisés semblent répondre très fortement aux incitations fiscales, tandis que les dons du reste de la population semblent moins sensibles à celles-ci (p. 83).

Une ombre sur la loi ?

Depuis la promulgation de la loi Aillagon en 2003, des craintes s’expriment régulièrement quant à sa possible remise en cause. En 2018, la Cour des comptes a été saisie suite à « une demande d’enquête portant sur la dépense fiscale relative au mécénat des entreprises17« Le soutien public au mécénat des entreprises. Un dispositif à mieux encadrer », rapport de la Cour des comptes, novembre 2018, p. 5. ». La Cour estime que le mécénat mène à une « dépense fiscale croissante » (près de 900 M€), « à l’efficience mal évaluée et peu contrôlée ». À la dépense fiscale très importante s’ajoutent des difficultés liées au manque de moyens de l’État, qui ne peut jouer convenablement son rôle de contrôle. En effet, « face au développement très rapide des fondations et fonds de dotation, l’État peine (…) à assurer sa mission de surveillance et de contrôle, renforçant les risques identifiés par la Cour » (p. 10).

Dans son rapport, la Cour des comptes pointe les pratiques problématiques de deux fondations en particulier, la Fondation FACE et la Fondation Louis Vuitton. Le rapport souligne notamment des fragilités dans la gouvernance et la gestion, des failles dans la sélection des projets ou l’utilisation de la dotation pourtant non consomptible (pour la Fondation FACE), ou des réductions d’impôts extrêmement importantes (pour la Fondation Louis Vuitton).

Un rapport du Sénat de 2018 (« Le mécénat culturel : outil indispensable de la vitalité culturelle », 2017-2018) revient sur les acquis des dernières années et les points de vigilance. Avec un titre plutôt élogieux, le rapport considère que la loi de 2003 a « joué le rôle de modèle pour d’autres législations » en Europe, et souligne que le mécénat constitue « une manne essentielle pour les acteurs culturels dans la période actuelle », mais il rappelle néanmoins la nécessité d’encadrer les pratiques pour éviter les dérives.

De même, en 2019, les dons des grandes fortunes qui ont fait suite à l’incendie de Notre-Dame ont provoqué une nouvelle vague de critiques, ce qui amène certains grands donateurs à renoncer publiquement à la déduction fiscale, puis l’État à se saisir de cette question pour ce qui concerne les entreprises. Dans la loi de finances pour 2020, le taux de réduction de l’impôt sur les sociétés est ainsi abaissé de 60 % à 40 % pour les dépenses de mécénat excédant 2 millions d’euros annuels. Cette réforme s’inscrit dans un contexte d’inquiétude chez les professionnelles et les professionnels de la collecte de fonds vis-à-vis d’autres évolutions fiscales, notamment la transformation de l’ISF en IFI en 2018 ou l’entrée en vigueur du prélèvement à la source en 2019. Malgré son ancrage dans la vie publique, la loi Aillagon n’est donc pas à l’abri des évolutions et arbitrages politiques qui animent notre pays.

Après ce court rappel de l’historique et des enjeux de la loi, nous allons maintenant tenter de comprendre la manière dont les acteurs et actrices de la musique la perçoivent et les impacts qu’elle a pu avoir. Rappelons qu’il s’agit de visions subjectives des personnes interrogées, mais néanmoins révélatrices de la manière dont les acteurs et actrices du secteur se sont approprié cette loi.

Le constat d’indéniables impacts positifs

Des entretiens conduits dans le cadre de cette étude émerge un certain consensus sur le fait que la loi Aillagon a eu des impacts positifs sur l’ensemble du secteur. Frédéric Adam, qui pilote le mécénat et les partenariats pour les Eurockéennes depuis bientôt trente ans, évoque avec amusement que cette loi est l’une des rares qui ont permis aux festivals d’obtenir plus de ressources sans ajouter de contraintes nouvelles : « Quand Jean-Marc Pautras [alors futur président des Eurockéennes, 2009-2015] m’a appelé en 2003 pour me dire qu’une nouvelle loi allait bientôt arriver et changer la vie du festival, j’étais un peu dubitatif. En général, dans notre activité, quand une loi est votée, c’est rarement une bonne nouvelle ! Ce sont souvent de nouvelles contraintes administratives et de sécurité et ça s’accompagne d’un investissement de notre part. » Christophe Danzin, quant à lui, souligne le caractère très avantageux de la loi d’un point de vue fiscal : « Je ne sais pas s’il existe une loi plus avantageuse ailleurs ! Elle a eu une importance considérable et une telle loi était nécessaire pour éveiller les consciences. »Plus précisément, les bénéfices que cette loi a apportés aux acteurs et actrices de la musique peuvent être classés en trois grandes catégories.

Les impacts financiers : l’apport de ressources supplémentaires

La loi semble avoir généré une augmentation notable du nombre de mécènes et des montants collectés. Pierre-Hassim Malbec est convaincu que « la loi Aillagon a eu un impact très positif sur l’ensemble du secteur : augmentation des dons, intérêt accru des Français pour le mécénat et développement des pratiques philanthropiques… » Ce qui est vrai du côté du mécénat individuel l’est tout autant du côté du mécénat d’entreprise. Pour les Eurockéennes, la loi a globalement permis à l’équipe de démarcher plus d’entreprises et de mieux structurer l’offre de mécénat du festival. Elle a organisé de nombreuses réunions d’information sur le Territoire de Belfort pour faire connaître les dispositions légales aux entreprises locales, ce qui a permis de démocratiser la pratique du mécénat. L’avantage fiscal a probablement permis d’attirer des entreprises nouvelles et d’obtenir des ressources supplémentaires, dans un contexte de tension budgétaire et de pression concurrentielle pour les festivals. Néanmoins, difficile de savoir si le mécénat a globalement complété ou compensé les financements publics des organisations musicales, associatives ou publiques. Au-delà des anecdotes et analyses de chacun et chacune pris individuellement, il n’existe à notre connaissance aucune étude ayant étayé ou infirmé une corrélation entre hausse du mécénat et baisse des subventions publiques18Les quatre dernières éditions de l’enquête « Le paysage associatif français » de Viviane Tchernonog et Lionel Prouteau soulignent une stabilité du mécénat dans le budget total des associations (autour de 5 %). La baisse progressive des subventions publiques constatée entre 2005 et 2020 (de 34 à 20 % du budget total) est surtout compensée par une hausse des recettes d’activité (de 49 à 66 %), comprenant à la fois les prestations auprès des particuliers et les commandes publiques., a fortiori dans le domaine musical.

Les impacts symboliques et pédagogiques : l’apport d’une forme de légitimité au mécénat et aux organisations d’intérêt général

La loi semble avoir légitimé les organisations éligibles au mécénat, que sont notamment les associations ayant un caractère d’intérêt général. Ce qui a permis de les distinguer d’entreprises privées agissant dans le même champ professionnel et de renforcer leur crédibilité :« Cette loi a concerné les associations qui organisaient des festivals. C’est très important pour nous. On a pu conserver notre état d’esprit et notre identité associative dans la prise de décision. La différence est notable avec les gros festivals organisés par des entreprises américaines. »Frédéric Adam ajoute que la loi a permis d’affirmer l’esprit du mécénat, sans contrepartie directe, visant un intérêt général et non un intérêt commercial ou particulier. Aux Eurockéennes, le club d’entreprises soutenant le festival a changé de nom en 2005, de « Club des partenaires » à « Club des mécènes ». Une manière de faire de la pédagogie auprès d’entreprises nouvelles : « Ces contreparties limitées à 25 %, c’est aussi un atout pour nous. On pourrait expliquer à un partenaire qui serait plus gourmand que la moyenne que c’est la loi qui nous impose ce cadre ! » De son côté, Tony Favier souligne que « cette loi a permis de mettre un coup de projecteur sur ce qu’est le mécénat et de rassurer les personnes qui avaient besoin de l’être sur cette question. »La loi a donc permis d’ancrer dans les esprits ce qu’était le mécénat, tout en lui donnant une reconnaissance officielle et un encouragement qui a aidé les organisations éligibles à convaincre de nouveaux mécènes à les soutenir.

Les impacts stratégiques : un vecteur d’innovation

Le mécénat encouragé par la loi permet de faire des choses nouvelles, que financements publics et ressources de billetterie, de restauration, de bar, etc., ne permettent pas toujours de faire. Il peut aussi constituer un « aiguillon » pour les porteurs de projets, soucieux de se distinguer de la concurrence auprès de potentiels futurs mécènes.

Aux Eurockéennes, à la suite de la loi Aillagon, le mécénat a d’abord été fléché vers des créations originales de 2004 à 2007 entre les élèves du conservatoire de Belfort et les artistes Dionysos, Camille, Émilie Simon ou The Pascals. À partir de 2010, le festival a mis en place l’opération « Eurocks Solidaires » pour structurer et valoriser ses activités en matière de citoyenneté, de prévention des risques, d’accessibilité à tous et d’environnement. Ce fut l’occasion de développer un mécénat innovant non directement lié à l’artistique, mais à la dimension sociale et environnementale du festival, particulièrement soucieux de son impact écologique : zéro plastique sur le site, vaisselle consignée partagée entre festivals, site labellisé LPO, norme ISO 20121, bilan carbone détaillé, grand parking à vélos…

Le mécénat et les partenariats peuvent aussi permettre de toucher de nouveaux publics. Un projet marquant pour l’équipe de L’Épicerie Moderne a été l’organisation, fin 2018, d’un « arbre de Noël » musical sur une journée entière pour les salariés d’une entreprise de ménage locale et leurs familles. François Jolivet, directeur à l’époque, se souvient avec émotion d’avoir vu parents et enfants ravis de découvrir le lieu, de s’initier au DJ-ing, à la sérigraphie : « Ça nous a permis de toucher un public qui n’a pas l’habitude de fréquenter les SMAC […], de leur faire découvrir des formes artistiques et des pratiques culturelles, d’ouvrir le lieu pour qu’ils se l’approprient. C’était une réussite. » Pour l’actuel directeur, Grégoire Potin, le mécénat et le parrainage avec des entreprises permettent des innovations hors du cadre strict des conventions de partenariat avec les tutelles publiques. Il entrevoit des perspectives prometteuses entre L’Épicerie Moderne et les entreprises, en termes de créativité musicale, notamment de pouvoir délocaliser des concerts sur des sites industriels du territoire, mais aussi et de l’apport mutuel de compétences techniques. Un autre exemple est le projet « ProQuartet part en friches » qui vise à faire venir la musique de chambre dans des tiers-lieux et friches partenaires de l’association, lieux de mixité sociale où ce genre de musiques est habituellement absent. N’entrant dans aucun dispositif de subvention publique, le projet qui n’avait pas de mécène initialement a néanmoins été développé par l’équipe de l’association, avant d’obtenir ensuite du mécénat de la part de Banque populaire Rives de Paris pour pérenniser le projet.

Une loi qui n’a pas résolu toutes les difficultés

Signe que les professionnelles et professionnels en charge du mécénat dans les organisations musicales sont plutôt attachés à la loi du 1er août 2003, leur première réaction quand on leur demande ce qu’il faudrait changer dans le cadre juridique et fiscal du mécénat est souvent : « Ne changeons rien ! » Néanmoins, si le cadre actuel leur semble favorable et équilibré, plusieurs difficultés sont aussi évoquées.

Celles-ci viennent moins du contenu de la loi Aillagon que de son application concrète et des problèmes qu’elle n’a pu résoudre par elle-même : l’existence d’importantes inégalités dans l’accès au mécénat ; le caractère plus ou moins satisfaisant des modes de relation mécènes-mécénés ; une confusion des genres en matière partenariale ; les effets pervers d’une forme de « course aux projets » ; une interrogation, enfin, sur le bien-fondé des avantages prêtés aux outils plus récents, tels les fonds de dotation.

D’importantes inégalités entre protagonistes

La première, et sans doute la plus grande difficulté rencontrée par les organisations musicales, est aisément perceptible : tous les projets musicaux ne sont pas égaux sur le « marché » du mécénat. Les inégalités sont nombreuses, entre les genres musicaux, entre les territoires d’implantation, suivant l’appréciation portée par l’Administration sur les projets (rescrit fiscal19Le rescrit fiscal est une procédure permettant d’obtenir une réponse de l’administration fiscale à une question préalable posée sur l’interprétation d’un texte au regard d’une situation de fait. En l’occurrence, le rescrit « mécénat » permet à une association d’interroger l’administration fiscale sur son éligibilité au mécénat, c’est-à-dire sur son habilitation à recevoir des dons manuels non soumis aux droits d’enregistrement et à délivrer des reçus fiscaux. Dans la mesure où son octroi n’est pas une obligation légale, deux attitudes sont possibles de la part des institutions musicales en France : 1) ne pas le demander et entreprendre une stratégie de collecte sans ce document, ou 2) prendre le risque de le demander en sachant que, si la réponse de l’Administration est négative, aucun don ne pourra plus être accepté. Ici, l’inégalité consiste aussi à être ou ne pas être en mesure de se faire accompagner par un conseil juridique…).

Historiquement, les musiques actuelles ont plutôt été un parent pauvre du mécénat. Ni traditionnelles ni savantes, ces musiques populaires (donc « vulgaires » pour certains mécènes) et amplifiées (donc « bruyantes ») sont longtemps restées à la porte de la culture légitime. Lieux et festivals ont néanmoins pu se développer à partir des années 1980 grâce à une hybridation de ressources mêlant recettes de billetterie, subventions publiques et bénévolat. Les mécènes, entreprises comme particuliers, restent encore très minoritaires dans leur budget. Mais on constate une progression depuis une vingtaine d’années. Les adhérents de la Fedelima ont perçu en moyenne 20 000 euros de mécénat et 36 000 euros de sponsoring en 2021, sur un budget de 1,1 million d’euros, soit 5 % en cumulé. Ces moyennes cachent de fortes disparités. Certains lieux tirent leur épingle du jeu comme la Rodia à Besançon, dont le club de mécènes et sponsors, Rodia House, génère environ 12 % des produits annuels. D’autres ne font pas du tout appel au mécénat ni au sponsoring. Ceux-ci sont plus développés dans les festivals. Selon l’étude « Les festivals de musiques actuelles en France en 2022 » du CNM, sur un budget moyen de 1,5 million d’euros, 17 % des produits sont générés par les partenaires privés et les mécènes. Là aussi, les inégalités sont fortes entre grands et petits festivals, même si l’ancrage et le rayonnement local sont attractifs pour les PME.

En matière de « parent pauvre », les musiques dites « de patrimoine et de création » ne sont pas en reste : chez ProQuartet, on partage le sentiment que le mécénat ne bénéficie qu’aux structures les mieux dotées et l’on s’interroge sur une possible perte de spontanéité dans la relation de mécénat. Peut-être à cause d’une standardisation des pratiques ou des sollicitations permanentes dont les mécènes font l’objet. L’impression demeure, cependant, d’un manque d’audace concernant les projets soutenus, qui se ressemblent beaucoup. Les mécènes seraient-ils devenus moutonniers ? Il n’en reste pas moins que pour les porteurs de projets, la recherche de mécénat est assortie d’exigences professionnelles croissantes qu’il n’est pas toujours aisé de satisfaire et dont la loi a contribué à hausser le niveau : « La loi libère à la fois complètement les verrous des entreprises, mais du coup cela oblige les associations à entrer dans une perspective de communication, d’enjeux de l’entreprise, de mesure d’impact, ce qui est extrêmement compliqué quand on fait de la médiation dans la dentelle comme nous. » (Orlane Aquilina) Le reporting devient un enjeu absolument fondamental, et partant, l’évaluation, à tous les stades d’un projet, ce que de petites équipes ont beaucoup de mal à mettre en place faute de moyens adaptés.

Par ailleurs, pour offrir aux mécènes des contreparties avantageuses, avoir une salle prestigieuse ou être situé dans un lieu d’exception est un atout considérable. Il est dès lors très compliqué de lever des fonds quand on est un ensemble de musiciennes et musiciens sans lieu fixe, par exemple. Et même lorsque le cadre est inédit, singulier, grandiose et chargé d’Histoire, certaines difficultés peuvent persister : « L’équipe mécénat du CMBV rencontre un frein principal, l’objet de “centre” ; le CMBV n’est pas un opéra, pas un orchestre, pas un ensemble… Les mécènes potentiels ont du mal à comprendre. Le CMBV est un lieu, situé à Versailles, où il faut attirer les publics et qui reste très concurrencé par le rayonnement du château et de ses activités, notamment de mécénat. » C’est une des raisons pour lesquelles Tony Favier structure sa stratégie de mécénat autour de projets. Les mécènes parisiens trouvent aussi que Royaumont est excentré, trop loin de Paris, pour y organiser des événements en soirée et en semaine… L’Épicerie Moderne doit aussi surmonter plusieurs difficultés pour développer son mécénat : petite jauge, faible notoriété au-delà du territoire, caractère pointu et peu « commercial » de sa ligne artistique, concurrence de nombreux lieux culturels et projets sportifs attractifs à Lyon et dans son agglomération…

Par ailleurs, si la loi Aillagon a offert des avantages indéniables, le cadre juridique et fiscal global du mécénat s’est complexifié et manque parfois de souplesse, ce qui freine certaines initiatives et génère d’autres formes d’inégalités, à l’échelle internationale cette fois. À l’heure où les modèles s’hybrident, où les frontières entre « secteurs » sont parfois poreuses, ce cadre est questionné :« En France, LUMA a donc un fonds de dotation, une SCI et une SAS pour ses activités commerciales. L’équipe a évoqué dernièrement avec le président Macron cette carence dans la législation française ; il n’y a pas de véhicule juridique capable de porter ces hybridations. Les fondations en Suisse ont une plus grande liberté, ayant notamment la possibilité d’avoir des activités lucratives. »

La mise en œuvre de la loi Aillagon refléterait-elle une pratique trop « franco-française » de la philanthropie ? Le cas de la Fondation LUMA souligne que la générosité internationale peut se heurter au cadre national. Certains mécènes internationaux rencontrent des difficultés dans les transactions transfrontalières. Il existe, certes, des solutions du type TGE (Transnational Giving Europe20Sur la fiscalité des dons transfrontaliers : https://admical.org/contenu/la-fiscalite-des-dons-transfrontaliers.)… mais sont-elles accessibles et connues de tous ?

Des relations mécènes-mécénés très diverses et en constante évolution

Des attentes singulières et différentes d’un mécène à l’autre

Aux Eurockéennes de Belfort, le Club des mécènes a plus de trente ans. Toute une génération de cheffes et de chefs d’entreprises locales, mécènes fidèles du festival, part progressivement à la retraite. Or, leurs successeurs n’ont pas forcément les mêmes attentes. Selon Frédéric Adam, si l’on schématise, les « anciens » mécènes soutiennent le festival, car « c’est bon pour la région », avec des retombées économiques sur le territoire — et indirectement sur leur entreprise. Les « nouveaux » mécènes, du moins certains d’entre eux, soutiennent le festival « pour pouvoir en profiter, pour vivre les Eurockéennes de manière confortable et exclusive ».

La question du vieillissement et du besoin de renouvellement au sein des cercles des mécènes individuels est aussi une constante. C’est d’ailleursune priorité dans la feuille de route de Pierre-Hassim Malbec : « Renouveler le cercle des donateurs particuliers en le rajeunissant ; l’équipe est d’ailleurs actuellement accompagnée par un cabinet extérieur sur ce volet stratégique. » Même les équipes de mécénat les plus armées sont confrontées à ce phénomène, et c’est d’ailleurs dans cette optique que le Festival d’Aix-en-Provence, par exemple, a créé le Cercle des jeunes mécènes21https://festival-aix.com/fr/actualites/les-jeunes-mecenes-soutiennent-lemergence-de-nouveaux-talents., placé sous le parrainage du jeune ténor Pene Pati.

D’une entreprise à l’autre, les centres d’intérêt ne sont pas les mêmes, comme le souligne ProQuartet. Ainsi, le secteur bancaire se dit très intéressé par la partie académique du projet, « ce qui va briller en termes artistiques », autrement dit la notion de prestige. Sur le plan de la formation, un beau partenariat a été monté sur le nouveau programme de formations – résidences : « Parce qu’il est nouveau, il y a aussi l’idée que l’entreprise va pouvoir accompagner un nouveau projet, intervenir à un endroit où il y a un changement d’échelle. » Une difficulté récurrente pour l’équipe de ProQuartet, qui complexifie sa recherche de mécénat, est que certaines entreprises mécènes ne veulent soutenir qu’un seul aspect d’un projet ambitieux qui en compte plusieurs : par exemple, la formation des jeunes musiciennes et musiciens, mais pas la médiation. Celle-ci intéresse des secteurs d’activité comme l’assurance, par exemple, ou des entreprises pour lesquelles la notion de proximité sera beaucoup plus forte que la dimension patrimoniale. Il est enfin des sujets qui s’avèrent plus porteurs que d’autres en raison de leur potentiel transformateur : « ceux qui se proposent de changer la vie des gens par la pratique musicale ».

En amont, les centres d’intérêt des mécènes ; en aval, l’épineuse question des contreparties. D’autres difficultés, mentionnées au cours des entretiens, peuvent se cristalliser à cet endroit, aussi bien concrètement que d’un point de vue contractuel. C’est ainsi que Christophe Danzin l’explicite : « Je pense que les tentatives récentes visant à améliorer le dispositif Aillagon n’ont pas été heureuses, notamment l’obligation de préciser les contreparties dès le moment de la signature et l’obligation de les consommer durant l’année en cours. Cela bride la relation entre mécènes et mécénés. On entre dans quelque chose de très commercial, dans des considérations qui concernent l’affichage… et on perd l’essentiel. On utilise les mêmes outils que le sponsoring alors que c’est justement ce qu’on vise à éviter ! »

Aux Eurockéennes, une nouvelle génération de cheffes et de chefs d’entreprises mécènes affiche un intérêt plus marqué pour les contreparties. Frédéric Adam donne un exemple de requête reçue récemment : « Moi, je veux regarder le concert sur la Grande Scène dans un jacuzzi ! Je m’en fous du prix. » Évidemment, l’équipe peut faire de la pédagogie auprès des nouveaux membres du Club pour leur faire comprendre l’état d’esprit du mécénat. Mais cela demande du temps et de l’énergie. Et c’est encore plus délicat lorsqu’il s’agit de grands mécènes, dont le soutien financier conséquent s’accompagne parfois d’une volonté d’intervenir dans les projets. Charlotte Bartissol le dit sans ambiguïté pour ProQuartet : « Je veille à ce qu’on garde une indépendance et une autonomie totales dans le projet. Je préfère renoncer à un mécène envahissant que de partir avec quelqu’un dont l’ingérence sera… ingérable ! »

Au-delà de la question des chapelles esthétiques ou du goût des mécènes, la difficulté ultime est la suivante : est-il possible de mécéner la musique pour elle-même et de dépasser la question de son utilité ? ProQuartet le dit à sa manière : « Défendre et offrir le droit auquel tous les administrés peuvent prétendre, c’est-à-dire celui d’avoir accès à la culture et dans notre cas à un concert de musique de chambre de qualité. Mais on sent tout de suite que c’est plus compliqué à expliquer: et d’abord, c’est quoi, la musique de chambre ? Et puis, ça sert à quoi ? » (Charlotte Bartissol)

Les cas étudiés ici nous rappellent que le mécénat est une affaire de personnes, de relations. Or, dans les PME comme dans les antennes locales de grands groupes, la décision de financer ou pas un projet est généralement prise par les dirigeantes et dirigeants d’entreprise en personne. Ce rôle clef a évidemment ses avantages : si le « patron » est convaincu, le mécénat ou le parrainage peut suivre très rapidement et durer… si la personne reste aux commandes. Dans le cas de L’Épicerie Moderne, son directeur Grégoire Potin nous raconte les coulisses du partenariat avec l’entreprise Solvay : « Pourquoi Solvay ? Parce que le directeur du site dans la Vallée de la Chimie est fan de rock et adore la programmation du lieu. Ce n’est pas anodin de dire ça. Aujourd’hui encore, c’est souvent le parti-pris d’une direction d’aller voir un lieu culturel. Peut-être qu’un autre directeur se serait tourné vers le sport ou vers une autre forme de mécénat. Là, on a vraiment un fan de musique rock, qui ouvre son carnet d’adresses pour nous… »

Des motivations profondes et des exigences croissantes chez les mécènes

Sans doute varient-elles en fonction de la catégorie de mécènes considérée, encore que l’on ne puisse généraliser. Pour ProQuartet, par exemple, les mécènes particuliers reflètent certainement une partie du public de ses concerts, plus âgés et fortunés que la moyenne. Certains d’entre eux sont aussi organisateurs de concerts, quand d’autres veulent soutenir la « musique contemporaine », même s’ils n’en sont pas friands : ils comprennent l’enjeu de soutenir les jeunes musiciennes et musiciens. Contre toute attente, les grands donateurs de l’association ne connaissent pas les avantages fiscaux auxquels ils peuvent prétendre. « Ce sont de vrais philanthropes, qui donnent sans nécessairement entrevoir les perspectives fiscales. Ce qui intéresse certains d’entre eux ? Pouvoir organiser des concerts chez eux, simplement rencontrer les jeunes artistes qu’ils soutiennent et discuter avec elles ou eux… Les dispositions fiscales ne sont pas un moteur, mais bien plutôt la perspective des liens qu’ils vont pouvoir créer avec nous. »(Charlotte Bartissol). En cas de demande d’organisation d’un concert,le concert n’est pas une contrepartie, il procède des liens tissés avec l’association et donne lieu à un contrat de cession. Ce désintéressement à l’égard de la défiscalisation instaure une relation à égalité : « Ces mécènes ne viennent pas là par intérêt fiscal, mais parce qu’ils sont touchés par quelque chose. »

Pour autant, il ne faudrait pas en déduire qu’un mécène « désintéressé » est dépourvu d’aspirations ou d’exigence. De manière générale, les personnes interrogées disent que l’exigence des mécènes va croissant. Tony Favier confirme cette évolution : « Les mécènes d’aujourd’hui veulent savoir ce qui va être fait : du fléchage précis, du reporting régulier, de la mesure d’impact… Les mécènes du CMBV sont de vrais passionnés : ils veulent comprendre, ont des connaissances techniques, ils s’impliquent et aiment être en direct avec les facteurs d’instruments, les chercheurs et chercheuses… C’est ce qu’il faut leur proposer ! »Cela implique donc aux équipes de fundraisers de s’adapter, de travailler leurs « offres » pour que les mécènes puissent s’impliquer, se sentir concernés, sans s’immiscer. C’est cette tendance qui explique le fait que de grands philanthropes passent parfois du statut de mécènes à celui de producteurs ou conservateurs. Ils créent leurs festivals, leurs salles22Cas d’Aline Foriel-Destezet avec la Source vive à Évian (ouverture prévue en 2025) https://lagrangeaulac.com/une-nouvelle-salle-de-concert-a-evian/., leurs musées…

L’exemple de Maja Hoffmann (LUMA) est assez révélateur des formes d’engagement philanthropique des grands mécènes individuels. Elle a toujours soutenu les artistes et la création contemporaine, à l’échelle internationale : la Biennale de Venise, le Palais de Tokyo, etc. Elle soutient également les initiatives qui préservent les écosystèmes naturels et LUMA Arles donne donc aussi une place aux questions écologiques : « Maja Hoffmann n’aime pas se présenter comme “mécène”, elle se définit comme productrice et programmatrice. La philanthropie n’est qu’un moyen d’action parmi d’autres pour elle. L’argent est un moyen, un outil, non une fin. […] Elle a, selon elle, une responsabilité à assumer et un devoir d’impact social, sociétal, économique… Elle est du côté des innovations, de la créativité, elle a d’ailleurs du mal à appeler son projet “fondation”, on parle en interne d’“Arles”. » Si on considère la musique prise isolément, cela représente une très faible part dans les activités de LUMA pour l’instant, mais cela peut être amené à changer dans les années à venir. Les projets ne sont pas conçus à travers le prisme de la discipline : « Il y a en réalité de la musique partout, puisque la dimension sonore occupe près de la moitié des œuvres que l’on produit ! Nous aimons ces hybridations transdisciplinaires. » Maja Hoffmann soutient aussi la musique hors LUMA et cela tient en grande partie à son histoire familiale. Paul Sacher était son grand-père, son frère André est un des grands mécènes de la musique contemporaine… Cette famille entretient des liens avec les autres grands mécènes de la musique, puisque tous voyagent beaucoup en Europe et sont amenés à se côtoyer souvent à Gstaad, Genève, Salzbourg, Aix, la Staatsoper de Bavière, Lucerne, Verbier, Montreux aussi pour le jazz…

Une possible confusion des genres : mécénat, parrainage et RSE

Dès 1989, la législation française a souhaité distinguer le mécénat du parrainage, souvent confondus en pratique. Si le premier est « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général », le second est défini comme « le soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation, en vue d’en retirer un bénéfice direct23Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière.. » On voit bien les points communs (un soutien matériel de la part d’une entreprise, des domaines qui peuvent se recouper, notamment la culture), mais aussi les grandes différences (caractère d’intérêt général ou non, absence ou présence de contreparties équivalentes au soutien versé par l’entreprise).

À L’Épicerie Moderne de Feyzin, l’équipe a constaté que les entreprises du territoire étaient plus réceptives à des offres de parrainage (sponsoring) que de mécénat. Comme le dit son ancien directeur François Jolivet : « On proposait toujours le mécénat à nos partenaires, mais ça ne les intéressait pas. Ils nous ramenaient toujours sur des logiques partenariales. Le mécénat, on en a eu, mais à la marge, plutôt de la part de quelques adhérents qui nous aimaient bien. »Selon lui, deux raisons principales expliquent cet apanage du parrainage. Pour les grands groupes présents sur le territoire (Arkema, Solvay), les politiques de mécénat se décident au siège social, pas au niveau des implantations. Les dirigeantes locales et les dirigeants locaux ont plus de marge de manœuvre pour des budgets de parrainage. La deuxième raison ? Un intérêt pour la privatisation du lieu, son utilisation pour des événements sur mesure pour l’entreprise, peu compatibles avec une logique stricte de contreparties limitées propre au mécénat.

Une institution comme Royaumont doit aussi se poser la question de l’articulation entre le mécénat et le sponsoring. Pierre-Hassim Malbec a travaillé au début de sa carrière au château de Chantilly au sein duquel la pratique du sponsoring était en cours de développement. En ce qui concerne Royaumont, son avis est toutefois plus nuancé. Il s’interroge : « Ce serait un réel gain d’un point de vue purement économique, mais Royaumont risquerait de perdre son identité. L’écueil est grand. Il faut chercher un modèle économique soutenable, tout en préservant l’identité Royaumont. »

Les activités de mécénat des entreprises s’inscrivent aussi de plus en plus dans le cadre de leur politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). L’articulation du mécénat et de la RSE, en particulier l’intégration ou non du premier dans la seconde, est un sujet de débat ancien. Certaines entreprises s’éloignent d’une pratique d’un mécénat désintéressé, déconnecté des enjeux business, comme le défendait Jacques Rigaud, le premier président d’Admical. Pierre-Hassim Malbec en témoigne : « La baisse du mécénat d’entreprise s’explique en partie par une évolution des mentalités au sein de leur gouvernance, liée au développement de la RSE. La loi PACTE semble avoir joué un rôle significatif dans ce tournant. Désormais, la stratégie de mécénat de ces grands groupes est au cœur de l’entreprise et donc plus exigeante. Il faut donc parler d’impact, donner des chiffres et construire une offre qui permette d’impliquer leurs salariés ; c’est une tout autre manière de concevoir la relation mécène-mécéné et les institutions culturelles doivent s’adapter. La privatisation des espaces est un gros plus pour attirer des entreprises à Royaumont. »

Une course aux projets aux effets pervers

Poussés à fonctionner « en mode projet » par la nécessité de se démarquer de la concurrence, les responsables du mécénat des organisations musicales ont pris l’habitude de cloisonner, de marketer et de verbaliser, d’exprimer des pans entiers du projet artistique de leur structure en conséquence. Certains cas sont d’ailleurs de vraies réussites, ce dont témoignent le CMBV et l’un de ses projets, très porteur : le parc d’instruments. « Le CMBV a reconstitué les 24 Violons du Roy, des clarinettes, et peut donc maintenant chercher des mécènes pour les flûtes, un clavecin, l’ensemble des basses de violon, un archet. Pour ces projets, tout passe par le fonds de dotation : lors des campagnes de recherche de fonds, les “petits dons” cumulés viennent s’additionner pour financer le projet dans son ensemble. Nous n’avons pas toujours l’opportunité de travailler avec un mécène unique par projet. Les frais de fonctionnements sont, quant à eux, absorbés par le CMBV via des subventions publiques. »

Mais cette course aux projets a aussi des effets pervers, que Charlotte Bartissol de ProQuartet met en évidence de manière limpide : « La généralisation du mode projet, tant du côté du secteur privé que du secteur public, constitue une menace : les collectivités regardent à la loupe la part du fonctionnement dans le budget d’une structure, de sorte que cette part soit la plus faible possible, ce qui implique de multiplier les actions. Soit une explosion du nombre de projets pour des équipes qui ne peuvent les porter et craquent. ProQuartet reçoit des subventions dévolues au fonctionnement, mais c’est loin d’être le cas de nombre d’organisations. »Et Orlane Aquilina d’ajouter : « Financer de superbes projets comme s’ils allaient s’animer comme par enchantement, c’est absurde, illusoire. Ce n’est pas vertueux, parce que derrière, cela fragilise la structure. Comme si financer une structure était un gros mot ! »

Pierre-Hassim Malbec va plus loin : « Même les tutelles publiques ont le comportement de mécènes désormais et entrent dans cette même logique : retour sur investissement, impact, KPIs24KPIs : key performance indicator, en français : indicateur clef de performance (ICP). Il s’agit d’un indicateur utilisé pour l’aide à la décision dans les organisations. Les ICP sont utilisés particulièrement en gestion de la performance organisationnelle.… » L’ensemble du secteur travaille au rythme de ces nouvelles injonctions, laissant sur le bord du chemin celles et ceux qui n’ont pas les codes ou la possibilité de s’adapter.

Les fonds de dotation : un succès et des interrogations

Parmi les nouveaux outils en vogue, le fonds de dotation rencontre depuis cinq ans un franc succès dans le secteur. Pensés comme les bras armés philanthropiques des associations mères, ils sont souvent nés d’un désir de franchir un cap en termes de mécénat, tout en séparant de manière plus nette la levée de fonds des autres ressources de la structure, notamment pour pouvoir stocker de l’argent pour tel ou tel projet, en créant des enveloppes qui n’entrent pas dans la comptabilité annuelle de l’association. Si certaines personnes interrogées voient l’intérêt du fonds de dotation pour financer des projets atypiques ou ambitieux, renforcer la traçabilité des actions, voire protéger l’association mère, d’autres disent leur scepticisme quant à sa réelle efficacité.

Au CMBV, le fonds de dotation a été créé notamment dans l’objectif de recevoir un legs, qui ne s’est finalement jamais matérialisé. Tony Favier a donc cherché à comprendre comment optimiser la gestion de ce fonds à son arrivée et s’est rapproché d’autres structures qui en avaient un aussi, telle la Comédie française. « Avec ce type d’outil, il faut travailler sur un réseau et aller chercher de grands donateurs sur des projets ciblés. » Toutefois, il n’est à ce jour pas pleinement convaincu de ses avantages parce qu’il implique un travail d’animation important et qu’il n’est pas possible de recevoir des « dons IFI » avec cet outil. « C’est en vogue, mais est-ce bien utile ? » Pragmatique, il construit malgré tout sa stratégie de mécénat autour du fonds : « Il est donc au cœur de ma stratégie. L’idée est de dissoudre à terme le “Cercle Rameau25Cercle Rameau : cercle historique des petits donateurs individuels, ex-abonnés, ticket d’entrée à 100 euros, 170 personnes.pour que les grands donateurs passent par le fonds de dotation et que les autres redeviennent des abonnés. »

Un phénomène récent : les risques réputationnels liés à certains mécènes

Pour L’Épicerie Moderne, l’un des freins au développement plus prononcé du mécénat et des partenariats avec les entreprises dans les lieux et festivals de musiques actuelles vient de l’image problématique de certains mécènes potentiels. Ayant travaillé en France et en Suisse, Grégoire Potin témoigne de résistances assez fortes dans le milieu musical français vis-à-vis de l’argent privé, a fortiori d’entreprises polluantes et controversées comme celles qui se trouvent dans la « Vallée de la Chimie », à proximité de son lieu : « On est en 2023. On a de jeunes salariés qui ont de fortes valeurs qui ne sont parfois pas en adéquation avec des entreprises susceptibles de faire du sponsoring ou du mécénat (…). C’est assez dur de mettre tout le monde dans le même bateau. En tant que directeur, je dois embarquer mon équipe, satisfaire les tutelles et faire en sorte que la salle existe. (…) Est-ce que l’équipe et le lieu seraient prêts à accepter cet argent-là ? C’est une grosse discussion qui revient tout le temps. »

Quelles pistes pour l’avenir ?

En 2021, l’étude « Mécéner la musique en France aujourd’hui » faisait déjà valoir plusieurs pistes d’évolution possibles et recommandations. Deux ans plus tard, celles-ci se trouvent non seulement confortées, mais étoffées par nos entretiens à l’occasion des vingt ans de la loi Aillagon.

Repenser la prise en charge des frais de fonctionnement

En 2020, face à la crise sanitaire qui a mis en exergue les difficultés structurelles des organisations, les mécènes ont été amenés à interroger la nature de leur aide et le financement des frais de fonctionnement a été remis au centre de l’attention. Il a ainsi pu être établi qu’il était possible de sortir d’une démarche de soutien exclusivement fléché vers des projets pour apporter un concours plus global aux organisations, indispensable pour la viabilité de ces mêmes projets.

En témoigne le cas de ProQuartet : certaines modalités de soutien se trouvent être uniquement à l’avantage des mécènes et des jeunes artistes soutenus, dans la mesure où elles pèsent sur le fonctionnement de la structure, qui leur sert d’intermédiaire sans qu’elle se trouve rétribuée pour le travail effectué. L’argent est touché et reversé dans son intégralité, jusqu’au moindre centime. Les jeunes résidentes et résidents bénéficient ainsi de l’accompagnement d’une chargée de mécénat, qui cherche pour eux des ressources financières sans qu’un pourcentage de frais de gestion, même symbolique, soit appliqué.

De manière générale, il est difficile pour les petites organisations musicales de s’affranchir du « mode projet » ; le mécénat et le parrainage sont rarement des moyens de collecter durablement des fonds pour développer la mission de l’organisation. Ainsi, certaines belles opérations de mécénat permettent surtout de développer des projets innovants et porteurs de sens, qui demandent du temps de travail à l’équipe et ne constituent pas de rentrées d’argent pérennes sur lesquelles compter, à côté des subventions publiques et des recettes de billetterie.

Si le fléchage du mécénat au fonctionnement devait s’étendre, l’on pourrait imaginer financer des postes administratifs, de manière à dégager les artistes de certaines tâches chronophages et pour lesquelles aucune formation ne leur a été dispensée — en veillant, toutefois, à ne pas créer de dépendance, mais à construire un modèle permettant de pérenniser les postes une fois le soutien de la fondation parvenu à son terme.

Comment orienter le soutien des mécènes à l’avenir ? Projets et fonctionnement ? Quelle place est réservée à la création musicale elle-même ? Les mécènes peuvent entretenir une relation de confiance avec les artistes bénéficiaires, à l’image de tous ces programmateurs et programmatrices qui achètent de nouvelles productions de spectacle vivant sans savoir, par définition, quel en sera le résultat final : comme le dit Olivier Mantei26Directeur général de la Philharmonie de Paris., « il faut croire sans preuve ». Il est illusoire, par ailleurs, de prétendre faire entrer la création dans les cases des appels à projets, lesquels imposent de définir à l’avance le résultat attendu, le calendrier du projet et les échéances intermédiaires, le public et le nombre de bénéficiaires. Quand bien même les professionnelles et les professionnels de la musique maîtrisent les techniques de gestion de projet, un tel cadre peut phagocyter la création musicale, calibrée et contrainte dans le seul but d’obtenir des financements. Pour les fondations qui en font le choix, contribuer aux frais de fonctionnement, c’est faire confiance sans se départir de leur exigence.

Le financement des frais de fonctionnement demeure marginal. C’est la raison pour laquelle ProQuartet veut monter en compétences, afin de faire œuvre de pédagogie et de mieux négocier en amont. Interrogée sur les évolutions que pourrait connaître la loi Aillagon à l’avenir, l’association avance par ailleurs une autre piste, qui mérite d’être considérée : quid d’une défiscalisation accrue pour les mécènes finançant des frais de structure ?

Mutualiser et innover

Des organisations professionnelles, réputées et très outillées, peuvent soutenir des entités plus modestes et leur donner la chance d’être financées par de l’argent privé. Cette solidarité entre « gros » et « petits »existe déjà dans certains domaines, comme lorsque les Eurockéennes de Belfort mutualisent leur kit d’accessibilité aux personnes handicapées ou sa vaisselle consignée avec de plus petits festivals de la région. L’ancrage territorial peut, dans ce cas, s’avérer fructueux. Autre manière de faire : en Nouvelle-Aquitaine, est né en 2018 le Pôle régional Mécénat Nouvelle-Aquitaine, liant l’État-Préfecture de région Nouvelle-Aquitaine, la DRAC Nouvelle-Aquitaine et la DREAL Nouvelle-Aquitaine, l’Ordre des avocats des barreaux de Bordeaux et de Bayonne, les Ordres des experts-comptables d’Aquitaine, de Limousin et de Poitou-Charentes–Vendée et la Chambre régionale des notaires de Bordeaux. Une belle initiative pour que des projets philanthropiques prennent racine et fassent rhizome. L’idée à retenir ici : unir des forces en présence au sein de structures plus solides et plus visibles.

Sortir de la course à l’essaimage

Il y a cinq ans, la plupart des porteurs de projets se demandaient si les programmes étaient duplicables, multipliables. Nombreuses sont les conventions à avoir été signées en ce sens, notamment dans le secteur de l’éducation artistique et culturelle : une fondation soutenait un projet-pilote, qui était évalué pour être optimisé avant d’essaimer, dans une logique d’extension géographique. On pense par exemple aux orchestres du dispositif Demos.

Pourquoi ce modèle fait-il moins rêver ? Parce que les mots d’ordre sont désormais : singulier, sur-mesure, local, territoires. Lorraine Vincenot, directrice du fonds de dotation Chœur à l’ouvrage27Le fonds de dotation Chœur à l’ouvrage : https://choeuralouvrage.org/., sourit en constatant que leur méthode, différenciante il y a quelques années, est devenue chose commune : « Ce qui faisait notre originalité, on le voit ailleurs désormais : c’est moins la course à l’essaimage ! Le changement est significatif : aujourd’hui, ce qui compte, c’est le territorial, le spécifique… »

Territorialiser

Si la loi du 1er août 2003 a eu des effets positifs, les opérateurs musicaux n’attendent pas tout de l’État et sont pour certains convaincus qu’en matière de mécénat et de partenariats, tout se joue désormais dans les territoires, avec les partenaires locaux. Frédéric Adam (Eurockéennes de Belfort) n’attend finalement pas autre chose de l’État que de préserver le cadre juridique et fiscal actuel. Pour que le mécénat pour la musique fonctionne durablement, il faut selon lui un trio de parties prenantes engagées à long terme, qui s’entendent et collaborent : une organisation culturelle, des collectivités territoriales, des mécènes. L’État et le ministère de la Culture n’interviennent pas ou peu dans ces interactions quotidiennes entre acteurs et actrices d’un même territoire.

Parfois, la décentralisation se pare de nouvelles nuances sur le terrain. Orlane Aquilina a ainsi pour ProQuartet la possibilité de tirer parti de ce qu’elle appelle « la décentralisation du mécénat », à l’œuvre dans le cadre du projet « Friches » : « La Fondation Banque populaire, tout en haut, s’occupe plutôt de l’émergence, elle va financer des bourses pour de jeunes musiciennes et musiciens. Elle délègue par ailleurs à différentes agences Banque populaire de rencontrer des actrices et acteurs du territoire et de les financer au projet. La notion d’engagement et de mécénat ruisselle donc à tous les niveaux de l’entreprise. Avoir une écoute très ancrée territorialement donne une grande souplesse et une grande liberté […]. »

À nouveaux périls, nouveau contrat ?

Pour être à la hauteur des enjeux et répondre efficacement aux risques existentiels auxquels les acteurs et actrices de la musique sont et seront en proie, il faut peut-être envisager également que de nouvelles obligations soient faites aux mécènes, sur un autre terrain que celui des aspects financiers (limitation du pourcentage des contreparties, pourcentage de la déduction fiscale applicable, etc.). Quid de donner aux notions de philanthropie et de responsabilité toute leur envergure, de souligner ce qui en fait le caractère profondément stratégique ? Très concrètement, le soutien apporté aux plus grandes institutions musicales par les entreprises pourrait s’accompagner, pour celles-ci, d’une obligation de soutenir également l’émergence en parallèle.

Conclusion

La loi no 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations a très certainement contribué à légitimer la pratique du mécénat et à encourager son essor, y compris dans le secteur de la musique. Le développement du mécénat musical est lié à l’appropriation de cette loi par les acteurs et actrices du monde de la musique, pour qui le mécénat fait désormais partie du paysage.

Nos entretiens ont toutefois révélé la nécessité selon tous et toutes de faire connaître la loi d’un nombre toujours plus grand de mécènes potentiels(entreprises, particuliers). En dépit du travail important de pédagogie et des ressources mises à disposition par la Mission Mécénat du ministère de la Culture ou par l’association Admical, nombre d’entreprises et de particuliers connaissent mal le contenu de la loi. C’est donc souvent aux acteurs et actrices eux-mêmes de la leur expliquer et de répondre à toutes leurs questions, ce qui nécessite des compétences et du temps. La professionnalisation des fonctions de développement des ressources devient donc nécessaire, ce qui est souvent difficile pour les petites organisations qui n’ont souvent qu’une personne à temps partiel pour s’occuper du mécénat.

Le rôle du mécénat dans le financement de la culture est devenu central. Certains musées ou organismes de spectacle vivant de premier plan en sont dépendants pour financer leur cœur de métier, même s’il a un rôle d’appoint ou de développement de projets nouveaux pour la plupart des acteurs et actrices du domaine culturel. Dans un contexte perçu comme menaçant et incertain, le mécénat est un levier devenu incontournable d’une stratégie de diversification des ressources. Les organisations qui n’ont pas misé sur cette ressource peuvent se retrouver en péril dans un contexte économique particulièrement tendu où les subventions publiques poursuivent leur décrue dans de nombreux domaines.

La loi Aillagon a peut-être été l’agent d’un changement de culture : pour les mécènes et le développement de la philanthropie dans notre pays, d’une part, et pour les porteurs de projets, d’autre part. Mais une question continue d’inquiéter ces derniers, comme nous l’avons vu dans plusieurs de nos entretiens : jusqu’où l’État doit-ildéléguer l’intérêt général à des acteurs et actrices du secteur privé au lieu de s’en occuper lui-même ? À mesure que le mécénat croît, le bon mot de Jacques Rigaud résonne encore et toujours : le mécénat « ne doit en aucun cas et sous aucun prétexte assurer les fins de mois de l’État nécessiteux ». Des propos qui font écho à ceux d’Alain Schmitz et des membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat : « L’augmentation des recettes provenant du mécénat ne doit pas servir de prétexte à une baisse des subventions de l’État et des collectivités territoriales. L’effort public doit se maintenir à un niveau raisonnable par rapport aux capacités budgétaires des collectivités publiques et à notre ambition en matière culturelle. »

Une forme de consensus semble se dessiner. Oui, le mécénat est intéressant, utile et stimulant pour les acteurs et actrices de la musique. Il permet de faire des choses que ne permettent par les financements publics traditionnels. Mais il ne serait pas raisonnable de tout attendre de lui, y compris de déterminer ce qui doit être prioritairement financé. Comme il ne serait pas raisonnable pour l’État et les collectivités de l’instrumentaliser, pour le flécher en priorité sur les établissements publics les plus prestigieux. Une voie intermédiaire se dessine depuis une vingtaine d’années, entre un modèle anglo-saxon qui laisse beaucoup de pouvoir aux donateurs privés et un « État culturel » qui dicte aux mécènes leurs priorités : celui d’une responsabilité partagée entre, d’une part, les porteurs de projets, les organisations culturelles et musicales elles-mêmes, qui se mettent en ordre de bataille pour augmenter leurs ressources propres, et, d’autre part, l’État, les collectivités territoriales, les entreprises, fondations et philanthropes qui les soutiennent.

  • 1
    ROZIER S., « L’entreprise-providence. Mécénat des entreprises et transformation de l’action publique dans la France des années 1960-2000 », thèse de doctorat en science politique, Université Paris 1, 2001.
  • 2
    Lors d’un bilan organisé en 2018 par le ministère de la Culture, celui-ci pointait le mécénat « au service de la lutte contre les inégalités territoriales » et le rôle que le mécénat pouvait avoir dans la démocratisation de la culture.
  • 3
    SCHMITZ A., « Le mécénat culturel : outil indispensable de la vitalité culturelle », rapport d’information no 691 (2017-2018), mission d’information sur le mécénat culturel du Sénat, 2018.
  • 4
    « Le mécénat musical à l’heure de la solidarité », publié le 22 juin 2022 sur le site du ministère de la Culture https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Le-mecenat-musical-a-l-heure-de-la-solidarite#:~:text=« Au sein du mécénat culturel,édition des « Jeudi du mécénat »
  • 5
    Livre blanc diffusé par Galatea Conseil et Calamus Conseil : https://www.calamusconseil.fr/livreblanc ou https://www.galateaconseil.com/
  • 6
    « Une fondation abritée, également appelée fondation sous égide, est une structure philanthropique qui permet à une personne, une famille ou une entreprise de créer une fondation sans les contraintes administratives et financières d’une fondation indépendante. Elle est abritée par une fondation reconnue d’utilité publique, dite fondation abritante, qui assume toutes les démarches de création, de gestion comptable, financière et juridique. Le fondateur peut ainsi se consacrer pleinement à la cause et au choix de projets qui le mobilisent tout en bénéficiant de l’image et du “label” de la fondation abritante. Une convention définit l’objet et les modalités de gestion de la fondation abritée. » (source : https://www.info-legs.fr/glossaire/definition-fondation-abritee/).
  • 7
    Publication du ministère de la Culture, « Le mécénat musical à l’heure de la solidarité », 22 juin 2022, art. cit.
  • 8
    Source : Site internet https://www.mecenespourlamusique.com/.
  • 9
    Observatoire de la philanthropie, Panorama national des générosités – 2e édition, Paris, Fondation de France, septembre 2021.
  • 10
    Baromètre du mécénat d’entreprise 2022, Admical.
  • 11
    MOULIN R., L’Artiste, l’Institution et le Marché, Paris, Flammarion, 1997 [1992].
  • 12
    ROZIER S., « L’entreprise-providence. Mécénat des entreprises et transformation de l’action publique dans la France des années 1960-2000 », op. cit.
  • 13
    SAOUDI M., « Le mécénat culturel. Vers la fin de l’“exception culturelle française” ? », Gestion & Finances publiques, vol. 2, no 2, 2018, p. 87-91.
  • 14
    Débats parlementaires, Assemblée nationale, 2e séance du mardi 1er avril 2003 : https://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030182.asp.
  • 15
    Ibid.
  • 16
    Ibid.
  • 17
    « Le soutien public au mécénat des entreprises. Un dispositif à mieux encadrer », rapport de la Cour des comptes, novembre 2018, p. 5.
  • 18
    Les quatre dernières éditions de l’enquête « Le paysage associatif français » de Viviane Tchernonog et Lionel Prouteau soulignent une stabilité du mécénat dans le budget total des associations (autour de 5 %). La baisse progressive des subventions publiques constatée entre 2005 et 2020 (de 34 à 20 % du budget total) est surtout compensée par une hausse des recettes d’activité (de 49 à 66 %), comprenant à la fois les prestations auprès des particuliers et les commandes publiques.
  • 19
    Le rescrit fiscal est une procédure permettant d’obtenir une réponse de l’administration fiscale à une question préalable posée sur l’interprétation d’un texte au regard d’une situation de fait. En l’occurrence, le rescrit « mécénat » permet à une association d’interroger l’administration fiscale sur son éligibilité au mécénat, c’est-à-dire sur son habilitation à recevoir des dons manuels non soumis aux droits d’enregistrement et à délivrer des reçus fiscaux. Dans la mesure où son octroi n’est pas une obligation légale, deux attitudes sont possibles de la part des institutions musicales en France : 1) ne pas le demander et entreprendre une stratégie de collecte sans ce document, ou 2) prendre le risque de le demander en sachant que, si la réponse de l’Administration est négative, aucun don ne pourra plus être accepté. Ici, l’inégalité consiste aussi à être ou ne pas être en mesure de se faire accompagner par un conseil juridique…
  • 20
    Sur la fiscalité des dons transfrontaliers : https://admical.org/contenu/la-fiscalite-des-dons-transfrontaliers.
  • 21
  • 22
    Cas d’Aline Foriel-Destezet avec la Source vive à Évian (ouverture prévue en 2025) https://lagrangeaulac.com/une-nouvelle-salle-de-concert-a-evian/.
  • 23
    Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière.
  • 24
    KPIs : key performance indicator, en français : indicateur clef de performance (ICP). Il s’agit d’un indicateur utilisé pour l’aide à la décision dans les organisations. Les ICP sont utilisés particulièrement en gestion de la performance organisationnelle.
  • 25
    Cercle Rameau : cercle historique des petits donateurs individuels, ex-abonnés, ticket d’entrée à 100 euros, 170 personnes.
  • 26
    Directeur général de la Philharmonie de Paris.
  • 27
    Le fonds de dotation Chœur à l’ouvrage : https://choeuralouvrage.org/.
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